«On a beaucoup de leçons à recevoir des Belges»: l’un des avocats dans le procès du violeur de la Sambre salue le travail de nos enquêteurs (vidéo)
Fallait-il ou non diffuser les portraits-robots du violeur de la Sambre ? Analyse avec l’un des avocats des victimes qui salue le travail des enquêteurs belges.
Publié le 30-06-2022 à 07h30 - Mis à jour le 30-06-2022 à 08h35
À tour de rôle, les avocats des victimes présumées de Dino Scala, ce Français de 61 ans présenté comme le violeur de la Sambre accusé de 56 viols, tentatives de viols ou agressions sexuelles, ont pris la parole cette semaine.Et les robes noires ne l’ont pas ménagé, Dino Scala, mais ce qui leur importe aujourd’hui, c’est que les jurés se souviennent de chacune des 56 plaignantes qu’ils défendent. Avant de condamner l’accusé, qui risque une peine de vingt ans de réclusion criminelle. L’occasion de dresser le bilan de ce procès hors normes avec l’un des avocats de plusieurs parties civiles, Me Emmanuel Riglaire.
Maître, après trois semaines de procès, quel bilan tirez-vous de celui-ci?
On se rend compte que Dino Scala est en aveux sur beaucoup de dossiers, mais que ceux sur lesquels il conteste les faits, nous avons finalement énormément d’éléments pour le rattacher à ces dossiers-là. Mais il bricole, il chipote sur des détails. Il se rattache à des éléments sans importance.Ainsi, quand il agresse ou qu’il viole, il conteste avoir volé 50 ou 100 euros alors que personne n’apporte d’importance à cet élément-là. Il a certes fait un chemin vers les parties civiles, mais ce n’est pas encore suffisant.
Vous qui lui avez posé des questions à plusieurs reprises au cours des audiences, quel type de personnage est-il, selon vous?
Nous avons affaire à quelqu’un de hors norme, qui prend du plaisir non pas dans l’acte sexuel, mais dans la domination, le pouvoir qu’il a sur les gens. L’emprise qu’il peut avoir grâce à ses armes, sa surprise, ses horaires. Il a besoin de posséder les femmes et ça nous inquiète beaucoup. Simplement parce que nous savons que dans une dizaine d’années, il sortira de prison. Or, s’il n’a pas une motivation sexuelle, même âgé, il sera donc encore capable de repasser à l’acte.
«On peut imaginer que dans une dizaine d’années il serait dehors»
Justement, l’accusé encourt 20 ans de réclusion criminelle.Qu’en pourrait-il sortir de prison?
On le sait: il a un comportement exemplaire en prison. Il gagne donc des jours, des semaines, voire des mois de remise de peine. Dino Scala a déjà purgé plus de quatre années. On peut donc imaginer que dans une dizaine d’années il serait dehors.Il aura ensuite un suivi socio-judiciaire, mais ce n’est pas suffisant pour rassurer la population.
On a évoqué le volet belge au cours du procès, avec les huit victimes recensées à Erquelinnes, mais aussi les lacunes dans le chef des autorités policières françaises, des victimes dénonçant l’absence de diffusion de portraits-robots dans la presse française, alors que la Belgique en a diffusé un. Qu’en pensez-vous?
Nous avons beaucoup de leçons à recevoir des Belges. Tout d’abord, grâce à la diffusion du portrait-robot.Son copain de bistrot lui avait montré la Une du journal local belge et lui avait dit: "Mais Dino c’est toi…" Scala avait alors tourné les talons et s’était précipité pour acheter le journal. Aux détracteurs de la diffusion des portraits-robots, il est facile de rétorquer qu’après cette date aucune agression ne sera plus relevée dans les années qui suivront, avant que sa nature reprenne le dessus. Alors, faut-il faire peur aux agresseurs en diffusant ces portraits et limiter le nombre d’agressions ou au contraire favoriser l’enquête en ne perturbant pas celui que la police traque? Le débat a été tranché d’une manière différente que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre de la frontière, mais ici le dossier donne raison aux autorités belges.Ce n’est que plusieurs années plus tard que ses pulsions et ses obsessions vont le reprendre. Ensuite, on voit que les Belges ont très bien classé leurs dossiers et ont permis de retrouver toutes les victimes belges, même celles qui avaient été qualifiées de victimes de vol et non d’agression sexuelle. On se rend compte également que la Belgique a fait preuve d’une grande modestie en acceptant que ce soit la France qui juge cette affaire et qu’elle nous fasse confiance.Elle doit être saluée parce que cela évite la tenue de deux procès et cela permet une vue d’ensemble de cette affaire.Nous apprenons, avec ce qu’il a fait en Belgique, énormément de choses sur ce qu’il a fait aussi en France. Par exemple, il conteste certains modes opératoires en France… Or, on sait qu’en Belgique, on retrouve son ADN sur les mêmes modes opératoires.
«Un petit caillou Scala chez les victimes»
Aujourd’hui, près de 30 ans après leur agression pour certaines victimes, qu’attendent vos clientes?
La vérité. Nous demandons juste à Dino Scala de dire la vérité. Nous n’attendons rien d’autre de lui. Vous savez, je défends des dames qui ont été agressées et dans chacune de leurs chaussures, il y a ce petit caillou Scala.Et en arrivant au terme de ce procès, il faut qu’on dégage ce petit caillou avec la vérité. Pour qu’elles puissent essayer de se reconstruire.