Violemment agressé à la machette à Colfontaine, Mohamed garde de lourdes séquelles physiques et psychologiques

La victime revient sur cette soirée du 26 août, où tout a basculé en quelques minutes seulement.

Emeline Berlier
Violemment agressé à la machette à Colfontaine, Mohamed garde de lourdes séquelles physiques et psychologiques

Le 26 août dernier, Mohamed Driouch était violemment agressé par plusieurs individus. L’un d’eux, armé d’une machette, lui avait asséné plusieurs coups. La victime s’en était protégée avec les bras. Un réflexe qui lui a sauvé la vie mais qui a aussi entraîné des séquelles irréversibles, tant sur les plans physiques que psychologiques. Plus d’un mois après les faits, Mohamed Driouch reste particulièrement marqué par les faits et souhaite livrer sa version des faits.

En effet, à l’époque, le parquet de Mons précisait que les personnes impliquées se connaissaient et qu’une altercation avait éclaté un peu plus tôt. "Je ne les connais pas, je ne leur avais jamais parlé", insiste-t-il. Âgé de 27 ans et d’origine marocaine, Mohamed Driouch était arrivé en Belgique trois mois plus tôt, sans papiers, afin de rendre visite à son frère. "J’avais pris l’habitude d’aller boire mon café dans un établissement situé sur la place saint-Pierre. Ce soir-là, il était environ 19 heures."

Arrivé au café, l’homme s’apprêtait à entrer lorsqu’il a été pris à partie. "Une personne qui se trouvait à l’intérieur m’a demandé pourquoi je le regardais, ce que je lui voulais. J’ai dit que je ne le regardais pas." Rapidement, d’autres individus l’encerclent. L’un d’eux a sorti un canif et lui a asséné un coup de coude en plein visage. "J’ai reculé, je me suis éloigné, j’ai ramassé un chevron qui était au sol pour cause de travaux dans la rue. Au total, cinq personnes m’entouraient. On m’a dit qu’ici, ce n’était pas l’Algérie, pas le Maroc. On m’a dit de rentrer dans mon pays."

L’un des individus aurait appelé sa femme pour qu’elle lui apporte une machette. Se sentant menacé, Mohamed trouve refuge dans un night-shop dont il tente de bloquer la porte, sans succès. "Je ne faisais pas le poids. Je me suis protégé comme j’ai pu. Sous les coups, voyant mon bras en sang, je me suis évanoui." Pour la victime et sa famille, il apparaît clair que le motif de racisme est à l’origine de cette violente agression.

Des témoins auraient entendu les propos qui ont été proférés. Le dossier est toujours à l’instruction mais le soir même, deux individus, déjà bien connu de la justice, étaient interpellés pour tentative de meurtre. Aujourd’hui, la famille espère que la circonstance aggravante de racisme sera retenue. Informée des faits, Unia analyse le dossier et pourrait se constituer partie civile. "On ne souhaite pas faire justice nous-mêmes, on fait confiance à la justice."

Outre les cicatrices, Mohamed n’est plus capable de fermer la main ou de saisir des objets. Les médecins évoquent des séquelles irrémédiables. Psychologiquement, ce dernier est également extrêmement marqué. Incapable de trouver le sommeil, il est angoissé et nourrit les craintes d’une nouvelle agression. Sortir en rue lui est devenu impossible. Retrouver une vie normale apparaît, pour l’instant, comme un mirage.

"Je ne souhaitais pas rester en Belgique. Je vivais en Suisse depuis quatre ans, j’y avais mes amis. Je venais simplement rendre visite à mon frère. Aujourd’hui, la donne a changé." En revalidation, Mohamed restera auprès de sa famille. Une demande de régularisation a été introduite afin qu’ils obtiennent ses papiers. Bien entouré, il a notamment pu compter sur le soutien du CPAS et de la commune de Colfontaine ou encore du consulat du Maroc.

Un rassemblement pour dire non aux agressions racistes et à la haine

À Colfontaine, les faits avaient choqué plus d’une personne. Aujourd’hui, pour la victime et ses proches, le motif haineux ne fait plus de doute. C’est pour dénoncer les agressions racistes et les paroles de haine qu’un rassemblement sera organisé sur la place Saint-Pierre le 21 octobre prochain, dès 10 heures. Pour les organisateurs, il est primordial "de ne pas réduire ce crime lâche et odieux à un fait divers tragique lié à un règlement de compte ou à un différend quelconque."

Le comité de soutien à la famille attend des organisations de lutte contre les discriminations, interpellées par la famille, qu’elles apportent à la victime "tout leur soutien au niveau judiciaire et qu’elles condamnent publiquement et fermement cet acte et son caractère raciste." Il est par ailleurs important pour lui qu’une circonstance aggravante soit ajoutée au motif de tentative de meurtre et coups et blessures.

"Plus que jamais, nous nous devons tous de clamer haut et fort les valeurs de vivre ensemble dans l’espace public", précise encore le comité. "On veut dire: plus jamais ça", ajoute Mohamed Zantar, membre du service de prévention de la commune de Colfontaine. "Mohamed a pu compter sur le soutien de nombreuses personnes, les marques de sympathie lui vont droit au cœur. Ce rassemblement, c’est aussi l’occasion d’écouter ce qu’il a à dire."

Gravement blessé pour "un simple regard", Mohamed devra désormais apprendre à vivre avec ses traumatismes.

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