2021, année zéro pour les «louageurs» de costumes de gilles
À Binche, trois commerces faisant de la confection et de la location de costumes de gilles ne vivent que du carnaval. L’annulation en 2021 les plonge dans l’incertitude.
Publié le 20-11-2020 à 17h17
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«Quand je vais à l’arrière et que je me dis que rien ne va sortir… ça fait du mal.» Ce vendredi, Karl Kerstens encaisse le choc de l’annulation du carnaval de Binche. Il est l’un des trois louageurs de la ville, tous de la même famille et les seuls à confectionner et louer des costumes de gilles, de Binche à Chapelle-lez-Herlaimont et Nivelles.
Mais cette année, ses costumes, qui auraient dû être portés par des centaines de gilles le mardi Gras à Binche resteront dans sa réserve. «On s’attendait à une annulation depuis le début du deuxième confinement en octobre, mais de là à entendre qu’il n’y aura rien… J’encaisse le choc.»
Car le carnaval pour Karl, ce n’est pas que du folklore, c’est surtout un gagne-pain. Le seul hérité de sa famille: «on descend d’une famille de tailleurs qui s’est orientée vers le costume de gille. Mon arrière-grand-père et mon grand-père étaient également cafetiers, ce qui leur garantissait un revenu durant la morte-saison. Mais les générations suivantes se sont spécialisées pour ne plus faire que ça.»
Trois mois de rentrées financières
Aujourd’hui les Kerstens travaillent à l’année à la confection de costumes, mais ne tirent de revenus que sur les mois de carnaval, celui de Binche très loin en tête.
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«Le carnaval de Binche, c’est notre grosse rentrée de l’année. Il nous permet d’investir et de racheter les matériaux qui nous permettront de confectionner les costumes de l’année suivante, tandis que les autres carnavals nous permettent de vivre.»
En 2020 déjà, le coronavirus a bousculé l’équilibre financier. «On a une période de carnaval qui dure 12 week-ends, mais on en a fait que trois», avant que la pandémie ne mette le folklore sous l’éteignoir. Néanmoins, avoir pu assurer le carnaval le plus important «nous a permis d’avoir un peu d’argent pour vivre quelque temps.»
Année blanche
En 2021 par contre, l’activité de Karl Kerstens prend le chemin de l’année blanche. «Binche est à la manœuvre. À part Nivelles, toutes les autres communes (La Louvière, Morlanwelz, Chapelle…) attendaient de voir ce que Binche allait faire. Comme Binche, pour toute l’entité, a décidé d’annuler, les autres vont suivre. Financièrement c’est zéro.»
Karl Kerstens espère toute de même que quelques carnavals tardifs pourront quand même se tenir autour de Pâques, histoire de quand même sortir des costumes et de voir du monde. Car en ce moment, ça ne se bouscule pas dans la boutique.
Mais ces petits carnavals ne suffiront pas à sauver «le travail d’une vie. Cela fait 45 ans que je fais ça.» Et d’espérer un soutien des autorités locales pour survivre à ce coup dur.
Aide attendue
Du côté du bourgmestre, on est conscient des difficultés auxquelles font face les louageurs. «Ce sont des commerçants très particuliers, au point que le mot “louageur” n’est pas reconnu en français, et qui ne correspondent pas aux lois commerciales», reconnaît Laurent Devin.
Qui assure qu’il rencontrera rapidement les trois louageurs de l’entité «pour voir ce qu’il est possible de mettre en place pour les aider.»
Et éviter l’une ou l’autre fermeture qui mettrait dans l’embarras bien des sociétés de gilles, à Binche et dans toute la région du Centre.
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Outre les louageurs, le carnaval est la raison d’être d’autres métiers spécifiques «Il y a aussi les sabotiers, le gille dansant avec les sabots. Il y a également les masques, faits par un artisan binchois.», énumère Daniel Pourbaix, président de l’Association de Défense du Folklore.
L’horeca sera également très touché, la densité de bistrots à Binche se justifiant en grande partie par les hectolitres vidés durant les festivités carnavalesques et leur préparation.
Les magasins d’alimentation seront aussi impactés, «les familles préparant des grands repas pour se restaurer ensemble les jours de carnaval, avec les gilles, les amis...»
«Il y a aussi les oranges lancées le mardi, tout ce qui concerne la confection de tissu, avec les chaussons, les barrettes… Et puis aussi les modélistes et chapeliers, les femmes ayant pour habitude de sortir les jours gras avec un chapeau spécialement conçu pour l’occasion… C’est toute une industrie binchoise impactée par la non-faisabilité du carnaval 2021.»
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