A la rencontre de... Jacques Lefèbvre: «De vous à moi»
Au Cœur du Centre - «De vous à moi» est le dernier livre de l'écrivain (et aquarelliste) binchois Jacques Lefèbvre. L'auteur a enseigné le français au Collège de Binche. Docteur en philologie romane, il préside à présent l'association belge des professeurs de français. Spécialiste de la littérature belge de langue française, il donne des conférences et des formations didactiques en Europe centrale et orientale ainsi qu'au Maghreb.
Publié le 12-01-2008 à 06h00
Son quatrième roman est fort personnel. L'histoire d'un spécialiste investi d'une mission culturelle qui se rend dans une ville du centre de l'Europe. Mais ce voyage cache une blessure profonde. Aucun lieu n'est nommé dans le roman. Tout est à deviner. Et l'auteur souhaite que le lecteur se mette dans la peau du personnage principal. Un procédé déroutant mais, une fois compris, ce roman se révèle terriblement humain. Rencontre avec l'auteur...
Journal du Centre: Comment est né votre quatrième roman?
Jacques Lefèbvre: Depuis que je suis à la retraite, j'ai été amené à voyager à l'étranger comme président de l'association des professeurs de français. J'ai pu découvrir avec beaucoup d'intérêt des pays anciennement communistes et qui vivent le passage, la transition à notre économie. Ce qui n'est pas toujours évident. Dans ce roman, il y a en parallèle l'évolution du personnage et celle de ces pays.
JDC: Quelle caractéristique donneriez-vous à ce roman?
Jacques Lefèbvre: Ce roman est relativement autobiographique. J'y ai mis un certain nombre d'éléments de ma vie. Mais j'ai aussi voulu que ces éléments puissent être appropriés par d'autres personnes. C'est pour cela que les personnages et les lieux ne sont pas cités. Le héros principal ne s'appelle pas je ou il comme dans les autres romans mais il s'appelle vous. Le lecteur est invité à entrer dans la peau du personnage principal. Raison pour laquelle aussi, je ne donne pas de références trop précises. Je ne cite pas des noms de lieux ni de personnes. Mais j'ai laissé certains indices qui placent ce roman dans une célèbre ville d'Europe de l'Est. Si on y est passé, on peut reconnaître Prague. C'est la ville des alchimistes, c'est la ville dorée, le décor de la colline avec la cathédrale est assez typique. Ensuite, j'emmène mon héros en Roumanie et en Russie.
JDC: Cette technique littéraire et cet aspect impersonnel du roman pourraient déconcerter le lecteur?
Jacques Lefèbvre: Je comprends. C'est le risque d'un style de lecture. Si on n'est pas clair, on peut ne pas être compris. Mais je tenais quand même à ce que ce ne soit pas uniquement un roman autobiographique. Je souhaitais que les lectrices et lecteurs puissent se dire que, dans la vie, les grandes épreuves, les mutations peuvent se partager. Essayons, même dans la souffrance, de voir quels sont les signes de vie qui nous permettent de continuer d'avoir des relations avec les autres personnes.
JDC: Vous placez aussi toute une série de symboles dans ce roman?
Jacques Lefèbvre: La mission du personnage principal dure neuf mois dans les pays de l'Est. Le chiffre est symbolique. Alors que les miennes duraient une dizaine de jours. Son itinéraire est aussi symbolique. Il va toujours plus loin vers l'Est; c'est là que le soleil se lève. C'est l'aube, c'est l'espérance. Cela représente aussi les pays qui espéraient«les grands matins».
JDC: Votre personnage principal est aussi profondément en rupture?
Jacques Lefèbvre: Il est loin de son pays et de sa famille. Dans un premier temps, il essaie de se changer les idées. Ensuite, il se découvre par le regard des autres, par des élèves, par des collègues, par des amies, par celui que j'appelle l'ambassadeur. Il se rend compte qu'il a une certaine valeur, qu'il a une capacité d'entrer en relation. C'est ainsi qu'il se reconstruit et qu'il essaie de redevenir digne de «elle», la femme qui a décidé de le quitter.
JDC: En quoi consiste l'association des professeurs de français?
Jacques Lefèbvre: Ce sont 300 professeurs belges qui sont solidaires pour défendre leur profession au niveau de la qualité de l'enseignement. Nous sommes une association professionnelle. Nous souhaitons que notre métier soit pratiqué de la meilleure façon possible. Nous travaillons beaucoup sur la formation des professeurs ainsi que sur les méthodes d'enseignement. Récemment, nous avons lancé une grande enquête pour savoir le vécu de ses professeurs. Notre constat: la plupart des professeurs de français sont passionnés par leur métier. C'est réconfortant. Même si les programmes ne sont pas toujours adaptés aux conditions dans lesquelles il faut donner les cours. Avec les jeunes d'aujourd'hui, il faut continuellement changer nos méthodes d'apprentissage.
Renseignements: «De vous à moi» - roman de Jacques Lefèbvre aux éditions Luce Wilquin. Site Internet de l'Association Belge des Professeurs de français: www.abpf.be