« Il faut que les autres cinés osent la programmation de Virton »
Le festival du filmde Virton ose. Les films danois, belges, anglais se succèdent et font salle comble. Et si les autres cinés faisaient pareil?
Publié le 16-11-2012 à 07h00
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Les films européens se succèdent depuis une semaine au festival de Virton. Et font salle comble. Thibaut Demeyer, vous êtes arlonais, critique cinéma et habitué des festivals, de Cannes à Deauville en passant par Virton, pourquoi les autres exploitants de salles de la province n’emboîteraient-ils pas le pas en étant plus audacieux dans leur programmation ?
Ils n’ont pas la même vision artistique du cinéma. Pour certains, le cinéma est un business, pour d’autres, c’est de l’art.
Les films moins commerciaux, ont d’office moins de succès ?
Il y a des idées reçues. Certains pensent que programmer des films commerciaux, c’est un succès garanti! Parfois des films moins connus peuvent avoir plus de succès.
Mais il y a des risques financiers ?
Je comprends que les exploitants soient frileux. Le public est paresseux et veut ce qu’il connaît. Il aime recevoir des milliers d’images par minutes. Sinon, il s’ennuie. Mais il faut oser.
Un exemple d’audace qui paie ?
À Arlon, il y avait en même temps la projection d'un film avec Eddy Murphy, et un autre Eldorado de Boulie Lanners. Eldorado a fait plus d'entrées!
Les exploitants devraient donc miser sur d’autres films ?
Oui, sur des films comme Les bêtes du Sud sauvage de Benth Zeitlin, Caméra d'or à Cannes, et grand prix au festival de Deauville. Mais bon, des cinémas vont assurer 15 jours de salles pleines avec Twilight. Et peut-être une seule semaine avec le film belge Au nom du fils, de Vincent Lanoo qui a eu le prix Be TV à Namur.
Mais le public, ça s’éduque, non ?
Évidemment. André Cadet, le directeur du festival du film de Virton, a réussi à éduquer son public. Toute l’année, il présente des films commerciaux, car il faut bien vivre, mais il n’hésite pas à projeter des films plus intimistes. Le public le suit.
Les médias pourraient avoir un beau rôle à jouer dans l’éducation des spectateurs. Vous y croyez ?
Oh oui. J'en parlais avec des confrères. Si on ne parle que de Stars 80 dans nos rubriques, alors les gens n'iront voir que Stars 80, c'est évident. On n'est pas obligé de se cantonner au people. Si en face d'une critique de Stars 80, on met un article sur Amour d'Haneke, les gens liront les deux. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'influence des médias et des journalistes. Si tu enfermes quelqu'un avec la Bible, il finira par lire la Bible!
La différence entre Virton et Cannes ?
Cannes est pour les professionnels, Virton pour les cinéphiles. Le festival du film européen permet de découvrir un certain cinéma. À l’inverse d’autres festivals, Virton n’a rien à vendre. C’est juste l’amour du bon cinéma.
Il y aurait de la place pour d’autres événements dans la province ?
Ce festival pourrait devenir provincial. Depuis le temps que ce festival existe, il faudrait donner plus de moyens à André. Mais le risque si on passe à la vitesse supérieure, c’est que les politiques ne laissent plus les coudées franches à André Cadet. Au festival du film italien de Villerupt (F), les discours de tous les politiques tant à l’ouverture qu’à la fermeture, c’était dérangeant.
Il faut garder un festival indépendant ?
Ce festival l’est, et c’est bien plus important qu’André Cadet ne se l’imagine. Mais il faudrait au moins deux salles, vu la demande.
Virton, une couveuse de talents ?
C’est ici qu’on a découvert les Dardenne, Fonteyn, Gourmet,etc.
Il faut dire aux spectateurs d’aller voir des films différents. Il faut aussi que les exploitants se battent pour que les prix de la séance ne soient pas trop élevés. On est plus curieux à 6€ qu’à 8€ l’entrée!