Un Valsurois aux USA depuis 30 ans: «J’ai peur de la réaction de Trump s’il n’est pas réélu»
Aux USA depuis 30 ans, Stephan Jacob, de Vaux-sur-Sûre craint que les «cols bleus» soient toujours aveuglés par Trump.
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Publié le 29-10-2020 à 08h39
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AVANT DE LIRE | Mardi prochain, le 3 novembre, nous connaîtrons le nom de celui qui présidera aux destinées des États-Unis pour les quatre prochaines années.Il s'agira de la 59e élection présidentielle.
À cette occasion, jusqu'à samedi, nous dressons le portrait de personnes de notre province qui vivent ou ont vécu au pays de l'oncle Sam.
Après le témoignage deStephan Jacob, ci contre, vendredi, Colette Goethals, 65 ans, nous dira son ressenti depuis Philadelphie. Cette dame qui revient deux fois par an à Resteigne, a voté pour Joe Biden et expliquera pourquoi. Samedi, Paige domiciliée avec son compagnon à Saint-Mard et originaire de l'Ohio, parlera de ce swing state, car le candidat qui gagne l'Ohio, en général, devient président. En 2008 et 2012, l'Ohio a voté démocrate pour Obama. En 2016, il est tombé dans l'escarcelle de Donald Trump.
Originaire de Vaux-sur-Sûre, Stephan Jacob est allé en mission pour son travail d’ingénieur aux USA voici plus de 30 ans, un pays qu’il n’a finalement jamais quitté pour gravir les échelons et désormais gérer d’importants projets pour un groupe international, Boréalis.
Avec sa femme Maryse Collard, de Morhet, cet amoureux de l’aviation y a formé sa famille.
Stephan Jacob, quel est votre point de vue sur le président?
C'était une très grosse erreur, je ne sais toujours pas pourquoi il a été élu. Je pense que l'Obamacare a joué. La majorité des électeurs sont des «Cols bleus» (NDLR : Blue collars), des ouvriers. Avec l'Obamacare, l'assurance était imposée, sous peine de pénalité, et la majorité préfère ne pas en prendre ou n'a simplement pas les moyens car c'est cher. Du coup, ils ont voté pour Trump qui est contre ce système de santé.
Soutiennent-ils toujours autant Donald Trump?
J’en côtoie à l’usine et même si je ne fais de politique avec eux, je les entends. Ils supportent Trump d’une façon incroyable, je n’ai jamais vu ça. C’est quasiment du culte. Il faut dire qu’ici, les chaînes sont politisées. Les gens ont donc leur chaîne et n’écoutent pas les autres points de vue. Si Fox, la chaîne pro-Trump, dit qu’il est le sauveur 24 h sur 24, ils finissent par y croire.
Mais je connais aussi beaucoup de gens cultivés, diplômés qui votent républicain (NDLR : donc Trump), comme ceux qui sont pour les armes, ou contre l'avortement. Ici, un seul point du programme peut convaincre les gens de voter pour l'un ou l'autre. Puis il y a aussi les super-riches qui votent pour Trump puisqu'il a diminué les taxes sur les grosses fortunes.
Pour moi qui suis né en Belgique, c’est impensable de voter pour lui. 90% de ce que dit Trump, ce sont des mensonges, mais les gens qui votent ne regardent pas forcément à ça.
Vous espérez donc que Biden remporte les élections?
Oui, on ne peut plus se permettre de vivre encore quatre ans avec Trump, il a détruit l’Amérique et son image. Les autres pays n’ont plus confiance en nous. Et les tensions raciales n’ont jamais été aussi présentes. Mais ce sera compliqué, ce sera serré.
Joe Biden, est-ce la bonne solution ou est-ce par défaut?
Plutôt par défaut, ce n’est pas la meilleure solution non plus. J’aurais préféré que ce soit le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, il a fait un boulot exceptionnel durant la crise du Covid et plusieurs autres gouverneurs s’en sont inspirés. Il a fait ce que Trump n’a pas fait.
Cette gestion calamiteuse de la crise du Covid va-t-elle influencer les votes?
J’espère, mais je ne crois pas. Ici, les gens votent différemment, aiment le show.
Craignez-vous, comme certains le pressentent, des tensions si Trump n’est pas réélu?
Absolument, j’ai peur de la réaction que Trump aura. Je pense qu’il y aura des violences, surtout de la part des groupes d’extrême droite, dans certaines villes. Ici, ce sont souvent eux qui sont à la base des violences dans les manifestations.
Un Valsurois qui vit le rêve américain
À 60 ans, Stephan Jacob a passé la moitié de sa vie aux États-Unis. S’il reste attaché à sa patrie d’origine, il compte terminer une vie déjà bien remplie – et loin d’être finie – dans le pays de l’oncle Sam, après un fameux parcours.
C'est un peu le rêve américain. «Après le service obligatoire à l'armée, j'ai suivi des études d'ingénieur mécanicien à Liège puis j'ai travaillé comme dessinateur de projets à Wiltz, raconte l'intéressé. On m'a demandé d'aller en mission un an dans une filiale en Angleterre pour redresser la société et j'y suis finalement resté six ans. Ensuite, j'ai été envoyé aux USA pour gérer des projets dans différentes usines, en implanter de nouvelles. Puis l'entreprise pour laquelle je travaillais alors a fermé l'usine et on m'a dit que je pouvais revenir en Europe. Mais j'avais déjà acheté une maison et mon épouse, Maryse Collard, qui provient de Morhet, attendait notre premier enfant, notre fille Morgane, qui est aujourd'hui enseignante, donc on est resté. J'ai travaillé pour plusieurs entreprises et maintenant, je suis chez Boréalis (NDLR : une multinationale qui œuvre dans l'industrie chimique), qui a aussi des usines en Belgique. J'ai été ingénieur manager puis maintenance manager et depuis un an, j'ai été promu car il fallait quelqu'un qui s'occupe des projets à gros budgets dans deux usines et une troisième en construction au Texas.»
«Construire un hélico»
Entre-temps, Stephan et son épouse ont eu un fils, Kevin, qui suit actuellement des études de vétérinaire. «Je ne pense pas revenir vivre en Belgique, un tas de choses me retiennent ici. Puis la région est très belle, quelque chose nous a attirés ici. Le climat est un peu similaire à celui de l'Espagne et il peut aussi neiger beaucoup, parfait pour skier.» Retraité dans cinq ans, le Valsurois ne compte pas rester les bras croisés: «Je suis un fanatique d'aviation, je vole avec des avions et des hélicoptères depuis 20 ans. À ma retraite, j'aimerais construire un hélicoptère. Et pourquoi pas travailler en hélicoptère pour l'entretien des lignes à haute tension? Je ne manque pas de projets, il faut que je bouge tout le temps. Je suis d'ailleurs un peu malheureux en télétravail (rire).»
Un malheur qu’il comprend bien puisque sa femme et lui ont été atteints par le Covid, mais se portent maintenant mieux.