"Le président veut nous faire perdre le dernier match"
Le gardien sartois Amory Prince préface ce choc du Nord entre son équipe, coleader de la série, et Oppagne, toujours prétendant au titre. Sart - Oppagne : Samedi, 20 h
Publié le 18-03-2023 à 13h08 - Mis à jour le 18-03-2023 à 13h09
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Amory, vous avez prolongé pour une huitième saison à Sart. Vous n’aviez pas dit, l’an passé, que la septième serait la dernière ?
(rires). Si, mais comment voulez-vous raccrocher après une saison comme celle-ci ? Quentin (Faymonville), Muse (Murtezi) et moi sommes devenus très proches, au fil des années. Nous avons décidé de repartir pour une nouvelle saison, tous ensemble. Mais la prochaine risque vraiment d’être la dernière. Muse et moi sommes plutôt sur la fin. À l’inverse, Quentin commence tout doucement à susciter les convoitises. Sa carrière d’entraîneur ne fait que commencer.
Le succès de Sart porte inévitablement la griffe de son coach, puisqu’il n’a cessé de faire évoluer le club depuis son arrivée. Mais c’est quoi, la griffe Faymonville ?
Quentin est bien plus qu’un entraîneur. C’est un couteau suisse. Il a d’indéniables qualités d’éducateur. Avec beaucoup d’entraîneurs, la discussion se résume à "T’es repris/T’es pas repris". Lui, il n’hésite jamais à justifier ses choix, à prendre le temps de discuter avec un joueur.
Son autre grande qualité, c’est son humilité. Il lui arrive de laver le vestiaire, de passer un coup de brosse dans le couloir, d’aller nous chercher une collation, de remplir nos gourdes… Sans parler, bien sûr, de ses compétences purement sportives. Il ne laisse rien au hasard. À chaque match, nous avons le onze adverse au tableau. Il va voir les autres équipes de la série, il se renseigne en permanence… Je pense que tout le monde ne réalise pas le travail qu’il réalise en amont, avant un entraînement, avant un match. Il gère le sportif de A à Z et c’est d’autant plus remarquable qu’il le fait tout seul, sans T2.
Vous partagez la tête avec Gouvy, à sept matchs de la fin. Vous n’allez plus nous faire croire que vous jouez le maintien…
Non, désormais, je pense qu’on peut dire que nous sommes à l’abri.
Donc vous visez le titre ?
Le président nous a déjà dit qu’il nous ferait perdre le dernier match s’il le fallait, pour qu’on ne monte pas (rires). Plus sérieusement, je pense que ce duel face à Oppagne est un tournant. Si nous perdons, le titre s’éloignera. Si nous gagnons, nous pourrons continuer à rêver.
Sart pourrait-il assumer une montée inattendue en D3 ?
Nous avons l’un des plus petits budgets de P1. J’ai des copains dans d’autres clubs de la série, je sais ce qu’ils touchent, et je peux vous dire que Sart ne peut pas rivaliser. Donc il est évident que le club aurait de grandes difficultés à se sauver en nationale, où l’écart serait encore plus grand. Mais nous n’allons pas lever le pied pour autant. D’abord, parce qu’un footballeur n’a pas l’occasion chaque année de fêter un titre de champion. Cela n’arrive parfois qu’une fois dans une carrière. Ensuite, parce qu’on a l’occasion d’écrire une page exceptionnelle de l’histoire du club, qui n’a jamais connu la nationale. Ce serait d’autant plus extraordinaire qu’avant la saison, beaucoup nous envoyaient en P2. Ce que je peux comprendre: notre préparation a été catastrophique.
Mais, quoi qu’il arrive, notre saison est déjà réussie. Le gain de la première tranche nous assure de participer au tour final. Si nous terminons 4es, nous ne serons pas dégoûtés. Des garçons comme Émilien Jacquet ou Simon Bodson, qui arrivaient de P2 (de Harre-Manhay), n’ont jamais eu la prétention de jouer la tête en P1 dans leur vie. Et les voilà embarqués dans cette magnifique aventure. Cela résume un peu le club de Sart et notre saison.
Il faut toutefois rester humble, se souvenir d’où l’on vient. Il y a deux ans, je pense que le Covid nous a sauvés. Si nous avions joué ce championnat-là jusqu’au bout (1 sur 12 après quatre matchs), nous serions probablement redescendus en P2.
Vous dites que Sart a l’un des plus petits budgets de P1. Comment le club fait-il pour conserver depuis autant d’années un garçon comme Murtezi, qui n’habite pas la porte à côté et qui suscite inévitablement les convoitises ?
Personne ne vient à Sart pour l’argent. Ici, il n’y a pas de mécène, pas de gros sponsors, pas de grosse manifestation. J’ai joué à Ster-Francorchamps et, rien qu’avec le Grand Prix de F1, le club pouvait payer 15 joueurs pour l’année. Ici, tout ce qu’on peut faire, c’est tenir un chalet à un marché de Noël. Et, à côté de cela, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Moi, par exemple, je ramène un panneau publicitaire chaque année. Au final, celui qui vient jouer à Sart se rend compte que l’argent ne fait pas le bonheur. À Freylange, certains se sont peut-être vus promettre 250 € du match, mais ils doivent jouer dans le noir (NDLR, certains spots étaient défaillants le jour de Freylange – Sart) et slalomer entre les taupinières. À Sart, l’enveloppe est nettement moins grosse, mais on joue sur un billard, on est équipé de la tête au pied et on a des ballons de division 1. Pour tout qui aime le foot, cela procure bien plus de plaisir que quelques billets.