Léa, la petite Virtonaise championne d'Europe
Après un arrêt de quelques mois, Léa Semiglazoff, prometteuse karatéka virtonaise, a repris la compétition et remporté un championnat d’Europe.
Publié le 23-01-2023 à 08h54 - Mis à jour le 25-01-2023 à 11h51
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"Je ne fais pas de sport, je pratique un art." Derrière un regard qui, à lui seul, en dit déjà long sur sa détermination et sa force de caractère, Léa a déjà résumé en une phrase la manière avec laquelle elle appréhende cet art martial qui l’a révélée, le karaté. Elle baigne dedans depuis qu’elle est toute petite. Depuis l’âge de trois ans en fait. "Quand on naît dans un dojo, on reste toute sa vie dans un dojo", ajoute-t-elle pour résumer à quel point elle s’est imprégnée de cette pratique, de ses coutumes et de ses préceptes.
Elle s’en est pourtant éloignée il n’y a pas si longtemps. La cassure temporaire, de six mois environ, remonte à l’an dernier. Elle était liée à des soucis privés sur lesquels la jeune fille, âgée de 17 ans et demi, ne souhaite pas trop s’étendre. Léa Cabias (du nom de sa maman) a désormais repris le nom de son géniteur (Semiglazoff) ainsi que le chemin des dojos. Et pris en même temps son indépendance dans la vie de tous les jours. Autre indicateur évident de son courage et d’un caractère bien affirmé.
Son retour aux entraînements et aux compétitions de kata n’est pas passé inaperçu. La petite Virtonaise, sélectionnée parmi les élites nationales avant sa brève interruption, est même carrément entrée dans la lumière lorsqu’elle a remporté, en novembre dernier et dans la catégorie U18, le championnat d’Europe Wado Kai organisé à Bucarest. En kata.
Un exploit d’autant plus beau qu’elle n’avait repris l’entraînement que trois mois plus tôt à peine. "C’est ma coach, Clarisse Locoge (NDLR: lire ci-contre), qui m’a remise dans le circuit, explique Léa. En fait, c’est elle qui m’entraîne officiellement depuis cet été. Avant, je la côtoyais seulement lors de stages. Elle m’a dit que c’était dommage de gâcher un tel talent, a su utiliser les bons mots pour que j’enfile à nouveau un kimono. Et la motivation est revenue."
Exercices de styles
Sacrée donc en U18, éliminée en seniores par la tenante du titre, la Gaumaise aux origines russe et philippine est donc repartie de plus belle, après avoir déjà glané pas mal de trophées chez les jeunes. Un an plus tôt, avant son pas de côté donc, elle avait déjà brillé lors de la même compétition, se parant de la médaille d’argent en seniors. Et pourtant, elle découvrait à peine le style Wado-ryu. "J’ai eu trois jours pour m’y exercer, confie-t-elle. Clarisse Locoge, qui me conseillait déjà à l’époque, m’avait incitée à tenter l’expérience. J’étais fort stressée pour cette compétition, le passage du Shotokan au Wado-ryu n’étant pas évident. Je devais sans cesse réfléchir pour éviter un geste qui aurait pu me coûter la qualification."
L’essai s’étant avéré concluant, elle l’a logiquement prolongé lorsqu’elle a renoué avec son activité sportive. "À présent, je maîtrise les trois styles, assure Léa actuellement en 5e année à l’athénée de Virton. J’apprends énormément de l’histoire du karaté. Et j’ai envie de refaire des compétitions qui mélangent ces trois styles."
Jusqu’ici, ce n’est pas cet Euro de Bucarest qu’elle considère comme le moment le plus marquant de sa jeune carrière, mais bien le championnat de Belgique Wado Kai qui l’a précédé, en septembre. "Je l’ai remporté, explique-t-elle, quelques semaines seulement après avoir repris. Et au moment de monter sur le podium, Clarisse m’a offert sa ceinture noire pour que j’y fasse honneur. Recevoir une ceinture noire d’un sensei de cet acabit, c’est sacrément marquant."
Pour s’exercer et tenter d’atteindre ou de s’approcher du niveau de celle qui l’entraîne, Léa se rend chaque week-end ou presque à Frameries, dans le Hainaut. "Je pars le vendredi après les cours, en train, et je rentre chez moi le dimanche soir, précise-t-elle. Chaque week-end, je travaille spécifiquement le karaté durant 6 h environ. En semaine, je pratique surtout fitness et musculation à Arlon. Je me rends pour cela en bus à la salle de l’Escale, deux ou trois par semaine."
Autant dire qu’elle ne compte pas ses heures sur les routes et les voies ferrées pour pratiquer son art. "Je suis ambitieux, j’ai envie de savoir jusqu’où je peux aller, conclut-elle. Mais je sais que je dois m’armer de patience. Vous savez, même si j’ai eu ma ceinture marron à dix ans, j’ai dû attendre six ans ensuite avant de décrocher la noire."
« Les Jeux ? Une énorme déception »
Inscrit au programme des Jeux Olympiques de Tokyo, en tant que sport additionnel, le karaté ne sera, en revanche, pas présent à Paris en 2024. "Une énorme déception, commente Léa Cabias. Cela m’aurait plu d’aller voir et d’encourager Steven Da Costa (NDLR: champion olympique en 2020, ce karatéka français est originaire de Gorcy, à quelques hectomètres de la frontière). Ma mère le connaît, elle faisait partie du club de Longwy. Est-ce que je rêve de participer aux Jeux ? Si ce sport est à nouveau repris un jour, cela pourrait être une ambition effectivement. Mais pas question de vouloir brûler les étapes et de rêver inutilement. Je veux progresser pas à pas."
« Elle a un don »
C’est désormais sous la houlette de Clarisse Locoge, sensei (maître) 7 dan, que Léa s’entraîne désormais à Frameries. "J’ai repéré Léa lors d’un stage préparatoire à la ceinture noire il y a 3 ou 4 ans, se souvient celle qui est aussi trésorière de la Fédération francophone. J’ai une fille de 21 ans, adoptée en Chine, qui ressemble fort à Léa et elle m’a tapé dans l’œil par cette ressemblance, mais aussi par son talent. Cette fille est vraiment taillée pour ce sport, elle a un don. J’ai croisé peu d’élèves de sa qualité. Elle allie des qualités techniques incroyables à une volonté de fer."
Et Clarisse Locoge sait de quoi elle parle puisqu’elle compte déjà 43 années de pratique du karaté. "J’en connais peu qui prendraient ainsi régulièrement le train pour venir s’entraîner si loin, poursuit-elle . Je suis officiellement sa coach depuis l’été dernier et elle loge chez moi quand elle vient s’entraîner. Au-delà de l’aspect sportif, c’est aussi une belle aventure humaine que nous vivons. Léa peut revendiquer une place en équipe nationale, mais la route est longue et il y a moins de places à prendre en kata (NDLR: technique) qu’en kumité (combat) qui n’est pas trop sa tasse de thé. Le souci pour elle, c’est de se déplacer pour les entraînements et les championnats qui rapportent des points au ranking mondial. Mais si elle se décidait à emprunter un chemin qui mène vers l’élite, je l’appuierais du mieux que je peux."
VITE DIT
Famille au Japon Léa s’est rendue au Japon, patrie du karaté, à l’âge de dix ans. "J’ai deux tantes qui vivent à Tokyo, explique-t-elle. Ma mère est d’origine philippine et ses sœurs se sont établies au Japon (NDLR : les deux îles sont distantes d’environ 3 000 km) ."
Débuts à Battincourt Elle pratique le karaté depuis l’âge de trois ans. Elle a débuté à Battincourt, là où elle a grandi. C’est sa mère, Émilie, adepte de ce sport également et instructeur 5e dan à présent, qui fut sa première enseignante. Puis elle a rejoint le club de Saint-Mard (Dojo Shotokan Gaume) lorsqu’elle a déménagé, à l’âge de 7 ans. Sa mère et son beau-père, Jean-Paul Froidcourt (6e dan), se chargeant alors de son entraînement.
Ceinture marron à dix ans Pour le moins précoce dans son sport, elle a déjà décroché sa ceinture marron à l’âge de dix ans. Conséquence, elle a souvent affronté des adversaires plus âgées et plus grandes. "Mais en karaté, l’âge et la taille ne comptent pas", assure cette jeune fille qui mesure 1,58 m.
Trois styles Il y a plusieurs styles de karaté, fruits des différentes écoles. La Fédération officielle dont fait partie Léa (FFKAMA ou Fédération francophone de karaté et arts martiaux affinitaires) en regroupe trois: le Shotokan, celui qu’elle a le plus longtemps exercé et qui est aussi le plus pratiqué, le Wado-ryu et le Shito-ryu. Le premier utilise davantage la puissance – "en un coup, vous pouvez détruire l’adversaire", dit-elle -, le second fait davantage appel à la souplesse, il est plus proche du ju-jitsu, et le troisième est "un peu un mélange des deux", selon Léa qui ajoute que "dans une compétition, c’est avec le Shotokan que vous avez le plus de chances de vous imposer."