Née sans utérus et sans vagin, Isabelle se bat contre les préjugés
Il y a quatre ans, Isabelle Dupont (20 ans) apprend qu’elle n’a ni utérus, ni vagin. La Chestrolaise souffre du syndrome de Rokitansky. Confidences.
Publié le 07-09-2016 à 07h47
:focal(955x545:965x535)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/IFFB4KSF4RF7THX67QMU7I75DE.jpg)
Le 9 juillet 2012, la vie d'Isabelle Dupont bascule. L'adolescente apprend qu'elle n'a ni utérus, ni vagin. Quelques semaines plus tôt, elle s'inquiétait de ne toujours pas avoir ses règles. Elle se rend chez un gynécologue qui pense à un hymen trop épais. Il prescrit une IRM pour s'assurer de son diagnostic. La résonance magnétique révélera l'absence de vagin et d'utérus. Un choc pour Isabelle et sa maman. La Chestrolaise souffre du syndrome de Rokitansky. Une pathologie rare dont elles n'avaient jamais entendu parler jusqu'ici, comme la plupart des gens. «Je me suis effondrée, en larmes, se souvient Isabelle. Jamais, je n'avais imaginé cela. »
Isabelle (20 ans) nous a contactés par mail. Elle souhaite nous parler de sa maladie. Courageuse, la jeune femme s'élève contre les préjugés. « Je n'ai jamais caché que je suis atteinte du syndrome de Rokitansky, je n'en ai pas honte, lance-t-elle. Je trouve qu'il ne faut pas se cacher. Cela ne devrait pas être gênant d'en parler. » Et pourtant, son intégrité lui a déjà valu de terribles remarques, notamment à l'école, où cet ado lui a un jour demandé si elle était un homme avant. C'est pour torpiller ce genre de méconnaissance qu'Isabelle a souhaité nous rencontrer.
La jeune femme parle librement de sa pathologie, même si elle touche à ce qu’une femme a de plus intime. Elle nous montre deux classeurs. Dans l’un, elle a compilé toutes les données recueillies concernant le syndrome. Dans l’autre, tout ce qui concerne l’adoption d’enfants et la gestation pour autrui. Car c’est l’une des nombreuses douleurs auquel Isabelle a dû (et doit toujours) faire face: sans utérus, elle ne pourra pas porter d’enfant. Et jusqu’à présent, elle ne remplit pas les conditions pour être candidate à une greffe d’utérus.
Le deuil de sa vie d’ado
La Chestrolaise ne cesse de faire des allers-retours en milieu hospitalier. C'est que le syndrome de Rokitansky s'accompagne souvent d'autres anomalies: rénales, osseuses, cardiaques ou de surdité. «Il y a toujours de nouvelles petites choses qui s'ajoutent à d'autres petits problèmes. Et le moral en prend un coup », avoue Isabelle. Il est aussi difficile de rencontrer un médecin pleinement compétent dans le domaine. Elle a pu obtenir un rendez-vous en novembre, à Gand, chez le professeur Weyers, en charge des premières greffes d'utérus chez des patientes belges. Un espoir pour la jeune femme: qu'il puisse poser un diagnostic complet.
Des épreuves, Isabelle en a déjà surmonté plusieurs. Elle a notamment subi plusieurs opérations: ablation d’un rein atrophié et d’un kyste sur la vessie, ainsi qu’une reconstruction d’un vagin. Elle a ensuite dû porter durant quatre mois, jour et nuit, un dilatateur.
Autant de moments très difficiles à vivre qui font qu’Isabelle et les autres femmes souffrant du syndrome de Rokitansky se retrouvent seules face à la maladie. Voilà pourquoi Isabelle et sa maman vont créer une association à l’échelle de la Belgique francophone.
Elles vont créer une association
«On se sent seule face à ce syndrome», confie Isabelle Dupont, née sans vagin ni utérus. C’est l’une des raisons qui l’ont poussée avec sa maman à se rendre à Paris, à l’assemblée générale de l’association française syndrome de Rokitansky-MRKH.
Isabelle a pu rencontrer d’autres femmes souffrant de la même pathologie. Elle s’est même liée d’amitié avec une Lyonnaise de son âge. À Paris, elles ont rencontré d’autres Belges atteintes du MRKH. De retour, elles ont décidé de fonder une association en Belgique francophone. La première réunion officielle se tiendra en octobre. «Au niveau francophone, il n’existe aucune association sur le MRKH et sur l’infertilité», regrette Christine Goebels, la maman d’Isabelle. L’association se donne des objectifs à court et moyen terme: des rencontres locales entre femmes atteintes du syndrome, créer un carnet d’adresses de professionnels, faire connaître la maladie au public, sensibiliser les professionnels de la santé qui ne sont pas toujours au courant de ce syndrome, répondre aux questions de femmes souffrant du MRKH ou concernées par une gestation pour autrui ou greffe d’utérus…