Moumoune en a marié et enterré plus d’un : la Libramontoise est organiste depuis 82 ans! (vidéo)
Suzanne Poncin-Collin, 92 ans, dite « Moumoune », anime à l’orgue les cérémonies religieuses de Libramont depuis 82 ans
Publié le 01-07-2022 à 19h06 - Mis à jour le 02-07-2022 à 07h31
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Il n’y a pas de médaille diocésaine pour couronner autant d’années derrière les orgues des églises. Depuis 82 ans, à Libramont, Suzanne Poncin promène ses petites mains sur les claviers, accompagnant tantôt untel à sa dernière demeure, tantôt ceux-là dans leur nouvelle aventure de couple marié.
Sa vie est un véritable roman. Née en 1930 à Libramont, elle est propulsée aux orgues de la chapelle des Dominicains en 1940. Du haut de ses 10 ans, Moumoune, surnom donné par son papa en 1935 et qui ne l’a plus jamais quittée, éblouit l’assemblée. Celle qui joue surtout d’oreille mais qui connaît son solfège sur le bout des touches, adore la vie, la musique et les voyages qui l’ont conduite aussi jusqu’à Paris et New York où elle a joué lors de fêtes de famille et même un jour à Harlem où elle s’est mise au clavier pour accompagner un gospel endiablé dans une église conquise.
(La suite de l’interview sous la vidéo)
Suzanne, pourquoi ce surnom Moumoune?
Cela me fait tout bizarre que vous m’appeliez par mon prénom (rires). Moumoune? Cela vient de papa. Un jour qu’il était revenu dîner après une matinée passée dans les automobiles de son garage, je lui ai annoncé, comme peut le faire une petite fille de cinq ans, que «maman avait fait des mounes pour manger». Je ne savais pas prononcer les «l». Il a répondu «Tais-toi, va, petite Moumoune». Et cela m’est resté.
Cette passion pour le piano vous vient d’où?
De ma maman qui le pratiquait à la maison et donnait des cours. Je jouais d’oreille dès mon plus jeune âge, puis j’ai eu droit à des cours particuliers de Franz Legrand, un professeur venant de Bastogne. J’avais dix ans, en 1940 quand Mme Janssens m’a demandé de me mettre derrière les orgues de la chapelle des Dominicains. J’ai animé la messe et les religieux ont été satisfaits. C’était parti.
À vrai dire, je ne me considère pas comme une organiste à cause de ma petite taille. J’ai du mal à atteindre les pédales (rires). Je suis pianiste, mais je m’accomode des orgues et harmoniums. Il m’est d’ailleurs déjà arrivé de jouer sur les grandes orgues de la prestigieuse basilique de Saint-Hubert.
Cela vous fait 82ans de service. N’avez-vous pas envie d’arrêter?
Bien sûr que si! Quand j’ai eu nonante ans, je me suis dit qu’il était temps de passer la main, même si les chorales et les fidèles sont toujours contents de moi, hein? Mais le hic, c’est que je n’ai trouvé aucun remplaçant. Quand il y a en a un, il demande combien c’est payé! Vous imaginez? Moi je fais cela bénévolement, comme les choristes et bien d’autres. Et pourtant, cela exige des sacrifices: répétitions, pas de grasses matinées le dimanche, toujours être prête à remplacer au pied-levé untel qui est malade ou unetelle empêchée. Et puis, il fallait gérer le ménage, les enfants. C’est un véritable apostolat. Sinon, comment voulez-vous que les églises s’en sortent?
Déjà une dame organiste, mais de surcroît avec une telle longévité au service des paroisses, c’est plutôt rare, non?
Et comment! On me dit que je devrais figurer dans le Guiness Book (rires). Mais c’est vrai que cela fait des centaines d’enterrements, de mariages, de fêtes religieuses et de messes ordinaires, mais aussi des milliers de partitions jouées! J’ai connu les messes en latin, puis la révolution de Vatican II, et enfin la désertification des églises. À part des gens âgés, on n’y voit plus grand monde et cela me désole.
Mais le répertoire religieux n’a pas occupé seul vos pensées, si?
Bien sûr que non! J’ai continué à apprendre le piano en cours particulier. Il m’arrivait de jouer dans des orchestres le dimanche après-midi à la salle l’Olympia à Libramont ou à la bibliothèque; c’était génial. J’ai joué aussi avec un groupe local de mandolines.
La famille du côté de maman habitant Paris, je m’y suis rendue souvent et il m’est arrivé d’être invitée à jouer lors de fêtes familiales.
Citez un de vos meilleurs souvenirs.
C’était à Harlem où j’avais assisté pour la première fois à une messe très animée et rythmée. Cela chantait et dansait. Après je me suis mise à l’orgue dans cette église où on ne connaissait que le gospel. Les petits enfants noirs dansaient autour du piano. Inoubliable!