Des poissons piégés par les turbines à Nisramont : comment éviter ça ?
Au barrage de Nisramont, deux turbines seraient la cause d’une mortalité de poissons. La Fédération des pêcheurs de l’Ourthe pointe la SWDE.
Publié le 06-02-2023 à 09h26 - Mis à jour le 06-02-2023 à 09h27
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Alain Georges, de la Fédération des pêcheurs de l’Ourthe est une nouvelle fois remonté contre la SWDE et ce qu’il estime être de "l’immobilisme".
Il y a quelques jours, en effet, des scaphandriers sont venus nettoyer l’entrée des deux turbines hydroélectriques du barrage de Nisramont (La Roche-en-Ardenne). Et le constat est sans appel: "Cette fois encore nous avons retrouvé énormément de poissons morts, notamment des anguilles, espèce ultra-protégée. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg car les plus petits poissons sont hachés menu dans la turbine !"
Alain Georges ne décolère pas: "Le rôle du barrage est de produire de l’eau potable. Parallèlement, avec les deux turbines incriminées, la SWDE fabrique de l’électricité pour son site. Et on parle d’énergie verte ! Lorsque l’on voit les dégâts que cela fait sur la faune, ce n’est pas normal. On démolit la nature pour le portefeuille d’une société."
Connu des pêcheursen 2017
Le problème n’est pas neuf, comme l’avance Alain Georges: "Il date de l’installation des nouvelles turbines en 2013. Et était connu de la SWDE. Nous, pêcheurs, ce n’est qu’en 2017, par le plus grand des hasards, que nous en avons pris connaissance. Alors que nous inaugurions avec les autorités une offre de pêche sur le barrage, les scaphandriers, à quelques mètres de là, remontaient des poissons pris au piège !"
Théoriquement affirme-t-il, sa Fédération devait être informée à chaque nettoyage des turbines. "Cela n’a jamais été le cas sauf il y a quelques jours."
Recours à la Justice
Pour contrer ce problème, des réunions ont été organisées avec la SWDE, le SPW propriétaire du site, le DNF, le Contrat Rivière Ourthe. "Il y a certes eu la crise sanitaire mais ces réunions ne sont plus organisées. Avec le Contrat rivière, nous allons en provoquer une. Ce sera la dernière pour mettre la SWDE devant ses responsabilités. Après, nous entamerons une procédure judiciaire et je pense que parallèlement, l’administration de la pêche au SPW en fera de même", explique encore notre interlocuteur.
Des solutions ? Alain Georges note que plusieurs sont sur la table. Mais, d’ores et déjà, une échelle à poissons, le recours à des ultrasons sont exclus. Des grilles en aval ? Des coudes pour aspirer l’eau dans les turbines, des filets… "Ces solutions doivent être étudiées. La SWDE compte des ingénieurs en son sein. Cette SWDE est responsable des faits et suivant la notion de pollueurs payeurs, elle doit trouver des solutions".
Il insiste: "Et il est hors de question d’accepter une compensation financière pour cela. Nous ne fonctionnons pas comme ça."
Un scénario catastrophe pour l’avenir
Alain Georges, de la Fédération des pêcheurs de l’Ourthe, est un fin observateur de la rivière. Sans détour, il l’avance: "Le barrage de Nisramont nous a toujours causé problème. Je cite ici les turbines mais également les débits anarchiques qui ont provoqué d’énormes dégâts en aval de ce barrage". Et ce n’est pas tout: le lac s’envase et se charge de sédiments. Pour lui, il y a un réel souci qui se dessine: "On revient toujours avec le nombre de 3 millions de m3 de réserve dans le lac. C’était avant, lors de sa conception. Aujourd’hui, on en est bien loin. Ces réserves diminuent. Et je pense que cela a été un peu du sauve-qui-peut lorsque la SWDE a changé ses modes d’approvisionnement, notamment dans la commune de Rendeux où j’habite".
Certes il ne nie pas l’augmentation de la population, l’attrait touristique de la région mais il estime que l’on va droit vers la catastrophe. Il verrait d’ailleurs bien certaines restrictions d’eau prise bien avant les grandes chaleurs. "Regardez les sites réservés aux agriculteurs. Tout le monde va s’y servir. Les petits ruisseaux qui alimentent l’Ourthe eux aussi se vident", dit-il, épinglant au passage le réchauffement climatique qui, note-t-il, aura des conséquences dramatiques: "De l’eau à 24 ou 25 degrés est létale pour les salmonidés comme les truites. Chaleurs excessives, débit réduit, nuits qui restent chaudes. Cela posera problème".
La SWDE réfute « l’immobilisme »
Du côté de la SWDE, on réfute tout "immobilisme", comme nous l’explique son porte-parole Benoît Moulin. Il le rappelle: "Le rôle de Nisramont est de produire de l’eau potable pour 100 000 personnes". Pour se faire, un turbinage est nécessaire. Parallèlement, d’autres turbines se chargent, "dans certaines conditions", de produire de l’électricité: "Et donc d’utiliser moins d’énergie fossile. Lorsque l’on sait que l’augmentation du coût énergétique a été l’une des causes de l’augmentation des prix décidée par la SWDE pour équilibrer ses comptes, il s’agit d’un enjeu crucial", enchaîne-t-il. Certes, la largeur des grilles des turbines peut être adaptée mais Benoît Moulin avance que "des contraintes physiques et hydrauliques existent."
La seule solution pour éviter des poissons morts ? "Ce serait d’arrêter totalement la station de Nisramont. Ce que nous ne ferons pas. Cette production d’électricité a un impact sur les factures de nos clients et sur nos émissions de CO2" Au sujet de l’envasement, Benoît Moulin contextualise: "Le lac n’est pas de notre ressort. Nous avons l’autorisation d’y prélever des volumes d’eau pour en faire de l’eau potable. Le problème, connu du SPW, est d’une complexité énorme". Le coût est pointé du doigt pour mener à bien une opération de nettoyage et sur ce point également, Benoît Moulin insiste sur la nécessaire "balance" à faire entre tous les éléments de tels dossiers.