L’agriculteur réalise lui-même les césariennes: il risque 40.000€ d’amende
Durant plusieurs années, un éleveur de la région hottonnaise a pratiqué lui-même des césariennes sur ses bovins. Trois mois de prison et 40 000€ d’amende ont été requis à son encontre.
Publié le 18-01-2022 à 18h45
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On le sent bien embêté et impressionné de se retrouver là, devant un tribunal. Cet agriculteur de la région hottonnaise est poursuivi pour avoir réalisé lui-même des césariennes sur ses bêtes, des Blancs Bleus.
La BBB, du fait de sa morphologie, ne sait pas mettre bas naturellement. Le recours à une césarienne est quasiment systématique. Une opération qui doit être réalisée par un vétérinaire.
Le sexagénaire, lui, a décidé de s'en passer depuis plusieurs années. "Pour gagner des sous?", lui demande la juge Florence Brilot. "Non, absolument pas, répond l'éleveur. Je suis tombé sur deux ou trois césariennes mal faites. Les bêtes étaient mal recousues, s'accrochaient au montant de la salle de traite."
La juge semble difficilement croire qu’il ne soit pas question d’argent. Après tout, l’Afsca a estimé le bénéfice à 126 000€ sur vingt ans pour l’agriculteur.
À noter qu’il est poursuivi pour avoir pratiqué des césariennes durant cinq ans, de 2015 à 2020, à raison d’une moyenne de 80 à 90 par an. Un nombre que conteste son avocat, le revoyant à la baisse.
Depuis son contrôle, " j'ai retrouvé deux vétérinaires compétents", déclare l'éleveur.
Trois mois de prison et 40 000€ d’amende requis
Au vu du grand nombre de césariennes pratiquées par l’éleveur, et ce, sur plusieurs années, le procureur de division, Dimitri Gourdange, n’a pu que dresser un réquisitoire conséquent, réclamant trois mois de prison et 5 000€ d’amende (et donc 40 000€ avec les décimes additionnels).
Monsieur estime visiblement qu’il est plus compétent que des vétérinaires qui ont étudié pendant six ans
«Il n’y a jamais eu de mortalité avec ses césariennes»
Avec beaucoup de convictions, Me Pierre-Yves Gillet a défendu son client, expliquant plus en détail ce qui a amené l’éleveur à franchir le pas qu’il n’aurait pas dû.
"Il ne se passe pas d'un vétérinaire pour raison financière, pas du tout. Il a eu des problèmes avec deux vétérinaires. Il en a deux autres qui passent deux fois par semaine, un pour les inséminations, un autre pour les soins classiques mais qui ne veut pas faire de césariennes. Monsieur se préoccupe du bien-être de ses bêtes."
Et l'avocat cinacien d'exposer la problématique rencontrée par l'éleveur. "Avec l'un des vétérinaires, un fil extérieur dépassait de la plaie après qu'il ait recousu. Ce fil s'accrochait dans le couloir de la salle de traite, la plaie se rouvrait, il fallait rappeler le vétérinaire, les vaches ne voulaient plus se présenter en salle de traite. Et le vétérinaire ne voulait pas changer sa méthode pour refermer la plaie.
Monsieur a finalement trouvé un autre vétérinaire: le lendemain d'un vêlage, la vache ne donne pas de lait, ne mange pas. Le vétérinaire a dû venir plusieurs fois piquer la bête (NDLR: pour lui donner des médicaments). Monsieur a insisté pour que le vétérinaire rouvre la vache, la matrice était en fait mal refermée. La bête a fini au clos d'équarrissage."
L'avocat ajoute qu'à deux ou trois reprises l'éleveur a été confronté à des situations d'urgence, sans qu'un vétérinaire ne puisse se présenter à l'exploitation. "Finalement, Monsieur a fait la césarienne lui-même."
Et comme l’opération s’est bien passée, l’agriculteur a remis ça pour finalement ne plus faire appel à un vétérinaire pour une césarienne.
"Les deux autres vétérinaires qui venaient pour les autres fonctions ne s'en sont jamais inquiétés, souligne Me Gillet. Il n'y a jamais eu de mortalité avec les césariennes qu'il a faites lui-même."
Il plaide un sursis total
L’avocat plaide la plus grande clémence du tribunal. D’une part, parce que l’éleveur est rentré dans le rang. Depuis son contrôle, il a finalement trouvé deux vétérinaires en association qui lui donnent satisfaction lors des vêlages.
D'autre part, parce qu'il ne roule pas sur l'or. "Le monde agricole vit mal vous le savez, souligne l'avocat.
Monsieur gagne un salaire de misère en travaillant de 5 h à 22 h, et en se relevant la nuit quand il y a des vêlages. Il est en fin de carrière.
40 000€ d'amende, c'est vraiment très important. Je demande un sursis total pour la peine de prison et pour l'amende."
Le jugement sera rendu le 15 février.