Des hectares de dégâts de blaireaux près de Martilly mais l'indemnisation est compliquée: "Ils veulent protéger un animal, qu’ils assument"
Dans la région de Martilly, des blaireaux dévastent régulièrement les prairies d’André Maboge. L’animal est protégé. L’exploitant agricole a droit à des indemnités, pas si simples à obtenir.
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Publié le 27-02-2023 à 06h21 - Mis à jour le 27-02-2023 à 07h31
De vastes surfaces désengazonnées dans ses prairies, avec des petites touffes d’herbes retournées et séchées par centaines, par milliers… les blaireaux ont visiblement trouvé là un garde-manger de roi. Au grand dam d’André Maboge, exploitant agricole de Suxy.
Depuis 2020, et peut-être même avant, il subit le blaireau et ses dégâts. Le mustélidé noir et blanc étant un animal protégé, au même titre que le castor par exemple, il est formellement interdit de l’éliminer. Le cultivateur a droit à des indemnités de la Région wallonne, mais il n’est pas si simple pour lui de les obtenir (lire ci-contre).
Seules ses prairies ciblées
Phénomène pour le moins étrange, seules les prairies de M. Maboge sont attaquées à ce point par le blaireau. En octobre 2022, en une ou deux nuits, les blaireaux ont fouillé environ 13 hectares de ses prairies, du côté de Martilly (Herbeumont) ! Rien ou presque chez les voisins. Même à l’échelle de la Région wallonne, il est extrêmement rare de constater autant de dégâts dans une prairie.

Ne seraient-ils pas plutôt l’œuvre d’un sanglier ? "J’ai eu le même type de dégâts en 2020, sur trois hectares, et il n’y avait quasiment plus de sangliers dans la région du fait de la lutte contre la peste porcine africaine", rappelle André Maboge. Des experts wallons étaient descendus sur place, attestant de l’œuvre du blaireau. Terriers et "latrines" prouvant la présence en nombre de l’animal. Qui plus est, les dégâts ne laissent visuellement guère place au doute, le sanglier retournant davantage le sol.
Pourquoi les blaireaux se régalent-ils autant dans les prairies de M. Maboge ? Lui-même et les experts se sont bien évidemment posé la question. Le citoyen de Suxy a donc procédé à des analyses de sol, entre 2020 et 2021, par le centre de Michamps. Avec de très bons résultats de qualité de sol. Une hypothèse néanmoins se dégage. "Je suis l’un des seuls dans la région à utiliser un type d’engrais, la kaïnite ", explique André Maboge. Un engrais naturel d’origine marine qui bénéficie d’une teneur élevée en sodium et magnésium.
Pourquoi alors ne pas changer d’engrais ? "Ah non, c’est un engrais naturel, répond l’exploitant agricole. C’est mon grand-père qui m’a toujours dit d’en mettre. Avec d’excellents résultats et de qualité de fourrage."

Sécheresse
Les dégâts considérables apparaissent généralement après une période de sécheresse, constate le citoyen de Suxy. Juillet et octobre 2020, octobre 2022, cite-t-il. "J’avais aussi eu des dégâts en 2021, mais rien de comparable", ajoute-t-il.
Il a mis du répulsif à l’entrée de terriers, pour éloigner les blaireaux, qui se sont installés un peu plus loin, au grand dam des propriétaires voisins. Pas question pour l’exploitant de se quereller avec le voisinage. "Je leur ai dit de mettre aussi du répulsif, et les blaireaux sont revenus chez moi", sourit-il.
Perte de rendement
Des dégâts en prairie en octobre… Rien de bien grave, a priori, puisqu’on n’est pas en période de pousse. Si ce n’est qu’au printemps, des adventices tels le chiendent prennent possession des surfaces mises à nue. André Maboge est donc obligé de faire du sursemis, et malgré tout de désherber, afin de conserver une bonne qualité de fourrage. Un coût et du boulot supplémentaires.
Bien compliqué de se faire indemniser
En octobre et juillet 2020 déjà, les blaireaux s’étaient régalés dans les prairies d’André Maboge. L’animal étant protégé, l’exploitant avait alors été indemnisé par la Région wallonne à hauteur de 750 € et 665 €, pour environ 3 ha impactés. La seconde fois, la procédure s’était considérablement allongée. "J’avais constaté des dégâts sur environ 10 ha, de commun accord, on avait convenu d’attendre la fin de l’hiver pour les expertiser, finalement j’ai été indemnisé pour environ 3 ha, mais j’ai quand même dû faire un sursemis sur les dix hectares, par sécurité." Un arrangement à l’amiable, que l’exploitant agricole, agent DNF retraité, regrette.
Pour les dégâts d’octobre 2022, les délais légaux sont à nouveau largement dépassés. L’administration wallonne réalisera une expertise début mars, avant reverdissement des parcelles. "Dans ce dossier, le respect d’un délai de 7 jours (NDLR: pour faire constater les dégâts par des experts) ne change en rien la possibilité d’évaluer le dégât en fin d’hiver, ce qui permettra par ailleurs de prendre en compte l’entièreté du dommage dû au blaireau, estime l’administration. Les parcelles concernées ne donnent lieu à aucune production et exploitation agricoles pendant cette période hivernale. "
L’administration estime par ailleurs, dans le cas présent, que la présence du blaireau peut réguler les populations de micromammifères pouvant occasionner des dégâts plus importants aux prairies.
Des arguments qui ont le don d’énerver l’agent DNF retraité, bien au fait des différentes formalités administratives. " Ils veulent protéger un animal, qu’ils en assument les conséquences ", lance André Maboge, fâché que la procédure ne soit pas respectée. Il a d’ailleurs fait intervenir le Médiateur, chargé d’aider tout citoyen rencontrant des difficultés avec l’administration wallonne. Et a fait intervenir un expert qui chiffre les dégâts à 3 172 €.
Vite-dit
Blaireau ou sanglier ?
Les dégâts de blaireau et de sanglier sont souvent confondus. Or, les dégâts de blaireau, animal protégé, sont indemnisés par la Région. Les dégâts de sanglier sont indemnisés par les chasseurs.
Des latrines
Le blaireau ne fait pas ses besoins n’importe où. Il creuse des petits trous dans lesquels il dépose ses excréments. On trouve ces " latrines " près des terriers, des sentes qu’il parcourt et là où il s’alimente. Elles servent aussi à marquer les limites de son territoire.
Que les professionnels
Seuls les professionnels ont droit à une indemnisation pour des dégâts occasionnés par un animal protégé. Inutile donc d’introduire une demande si le blaireau a fait de votre jardin un champ de bataille.
Les montants indemnisés
L’administration wallonne nous a communiqué les montants indemnisés chaque année pour les dégâts de blaireau, depuis 2014. Ils avoisinent grosso modo les 40 000 € par an, avec quelques exceptions (20 139 € en 2017 et 53 734 € en 2015). Des montants somme toute limités. Auparavant, les montants pouvaient grimper à 400 000 € par an ! Des dégâts de sanglier, surtout dans les maïs, étant imputés au blaireau.