À 87 ans, l’Habaysien Yvon Sondag, pacifiste et rebelle, a "fui" sa maison de retraite
L’Habaysien Yvon Sondag a vécu 20 ans avec les Indiens d’Argentine. Durant le Covid, il a fait le mur de son home. Il publie un étonnant récit.
Publié le 27-01-2022 à 17h00
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Yvon Sondag, vous êtes connu pour votre engagement pacifiste en Luxembourg avec la Coalition luxembourgeoise pour la paix. Vous avez vécu 20 ans en Amérique latine. À 87 ans, vous publiez «Toi aussi, tu es tombé du ciel?». Le fil conducteur de ce récit, c’est l’actualité. Vous avez un avis sur tout?
J’ai écrit le livre avant d’entrer à la maison de repos. C’était le 75e anniversaire de Hiroshima: cela m’a heurté que dans la presse, il n’y ait pas un mot sur ce 75e anniversaire. Il y avait trop de place pour l’explosion au Liban avec 200 morts. À Hiroshima et Nagasaki, c’était 200 000!
Cette bombe nucléaire, cela a bouleversé votre vie?
Parfaitement! Et pas seulement la mienne. À six ans, j’ai connu l’entrée des boches à Habay. On venait d’enterrer mon oncle prêtre, mort de la tuberculose. Il avait été dans les tranchées. Un traumatisme de voir les Allemands défiler.
Vous êtes encore allé manifester?
Oui, à Bruxelles, cette année, contre l’OTAN! J’étais récemment à l’AG de la Colupa à Libramont. Quand j’étais milicien à Cologne, j’ai déserté. J’ai passé un examen psychiatrique, j’ai été reconnu pour «incompatibilité caractérielle». J’ai toujours été attiré par cette volonté de paix.
Vous avez vécu 15 ans dans une communauté indienne d’Argentine. C’est dur de vieillir quand on a connu une telle vie?
Cela dépend des jours. Je souffre d’hypersensibilité. Il y a des moments où je déprime, mais je n’ai jamais été désespéré.
Vous étiez entré dans une maison de repos et puis vous avez pris la poudre d’escampette?
Ce n’était pas la maison que j’avais connue, mais une «prison dorée». Enfermé du matin au soir, on ne rencontre que des éclopés. C’était devenu une maison de repos et de soins, une espèce d’antichambre de l’hôpital, pour ne pas dire de la mort. Quand je passe devant, je me dis: «Les pauvres!» Avant, on mourait chez soi.
Vous vivez dans une maison presque «insalubre»?
Ma famille l’a réparée en mettant du plexiglas aux fenêtres, oui, il n’y a pas d’eau chaude. Je suis entouré de mon fils, ma fille, mes neveux. Mon fils d’Argentine me parlait ce matin grâce à l’ordinateur. Je n’ai jamais regretté de quitter le home.
C’est l’éloge de la simplicité?
Pas besoin d’éloge, la simplicité s’impose. Ce n’est pas un refus de la modernité, je ne peux rêver mieux que de voir Maria, ma femme, et mon fils qui sont en Argentine à 12 000 km. J’ai vécu 15 ans dans la communauté en forêt. On est revenu pour les études de mes enfants en Belgique. Mon rêve d’idéaliste, un peu timbré, était de prendre les valeurs de là-bas et d’ajouter les nôtres.
Vous allez y retourner?
Oui, le 27 février, ce sera un test, à 87 ans. Ma femme reviendra avec moi pour trois mois.
À cet âge, pas de crainte de revoir sa femme depuis trois ans?
Non, la notion de famille n’est pas la même que la nôtre: il y a le clan familial, la tribu. On vit dans une hutte, pas dans la même intimité.
Un océan vous sépare d’eux?
L’océan nous réunit, on partage les mêmes fleuves, les mêmes rivières se jettent dans l’Atlantique.