Irène, rescapée des camps nazis
Irène Frères, 91 ans, était prisonnière politique.Elle a connu l’enfer des camps nazis, d’où son père et son frère Joseph ne sont jamais revenus.
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Publié le 12-05-2011 à 07h00
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En mai 1940, Beho (Gouvy) est annexé par le Reich. Le carrefour servait d'ailleurs de frontière entre la Belgique et l'Allemagne. C'est dans ce contexte qu'Irène Frères revient d'exode en France où elle s'était trouvée en compagnie de son employeur, un notaire de Pepinster. De retour en Belgique, la jeune femme décide de rentrer chez elle à Beho:« Il fallait trouver de quoi manger. J'étais donc à la recherche de travail.Une connaissance de mes parents nous a renseigné un restaurateur, Monsieur Georges, à Ligneuville, près de Malmedy. Nous nous y sommes présentées, ma sœur Rosine et moi. Il nous a engagées Il y avait très souvent des soldats allemands au café. Je parlais leur langue que j'avais apprise à l'école. »
Un jour, un officier a ordonné à Irène de le suivre. Il était accompagné de soldats armés.
« Ma sœur n’était pas là. Elle avait fait une crise de péritonite et, après un séjour à l’hôpital, on l’avait reconduite à la maison. J’ai été emmenée à la prison de Malmedy. Pourquoi ? Je n’en savais rien. J’y ai retrouvé Rosine, malgré son état, mes frères Jules et Joseph et mon père. On est resté là pendant des jours. Puis, ils sont venus mitraillette au poing, avec deux chiens. »
« Désormais, nous n’étions plus des êtres humains »
On ne leur dit rien. Juste de les suivre au bureau: « Quand j'ai poussé la porte, mon Dieu j'ai vu Jean. Ce garçon avait quasi mon âge. Il avait peut-être deux ans de plus. Il ne voulait pas faire la guerre avec les Allemands parce qu'il était belge. Comme il était né à la frontière, le Reich le considérait comme un des siens. Il était venu me voir au café. Je servais au bar et c'est comme cela qu'il m'avait repérée. Il était en uniforme nazi. Il m'a suppliée que je le cache. Je lui ai demandé de repasser un peu plus tard, qu'on arriverait bien à le cacher chez nous. C'est ce qu'on a fait. »
La mère d’Irène cachait déjà un jeune Luxembourgeois. Pourquoi pas un de plus ? La famille lui a donc fait de la place.
« J'ai couru vers lui, poursuit Irène Frères. On s'est embrassé. Il était méconnaissable. Sa figure, toute noire, avait doublé de volume. Ses mains étaient tout aussi noires. Il avait été battu comme plâtre. Il était tellement cassé qu'il ne pouvait même plus se redresser. J'ai failli m'évanouir ».
La famille Frères est chargée sur un train en direction des camps de prisonniers politiques en Allemagne.
« Sur l'échelle des valeurs des nazis, les prisonniers politiques étaient tout en bas, considérés comme des bêtes, juste un peu mieux que les Juifs, dit encore Irène. Désormais, nous n'étions plus des êtres humains ».
De camp en camp, ils arrivent à Deutz:
« On nous a enfermés dans le bâtiment de l'exposition », se souvient Irène Frères. « Nous sommes arrivés là vers la fin septembre.Tous les matins, ils faisaient l'appel. Nous dormions à même le sol, sans couverture. Cet appel avait lieu quel que soit le temps. On attendait debout de 8 heures à midi. »
Tous ces reportages ont bénéficié du soutien du Fonds pour le journalisme en Communauté française.