Économies escroquées à Luxembourg
L'entrepreneur flamand a perdu 30 millions F en 2000. Le détective qu'il a engagé a-t-il enlevé l'escroc sur son ordre ou d'initiative ?
Publié le 26-05-2009 à 06h00
Rocambolesque, cette histoire de placements foireux à Luxembourg. En 1998, un entrepreneur flamand retraité place 27,5 millions F dans une banque de Luxembourg. Son agent bancaire quitte la société sans s'en vanter et lui propose un placement plus juteux, dans la boîte dont il est devenu le rabatteur. Les intérêts tombent la première année, puis plus de contacts ni d'argent en 2000. Le rabatteur réalise alors qu'il a travaillé pour un escroc connu sur la place de Luxembourg et tente, en vain, de rattraper la mayonnaise.
L'entrepreneur, sur conseil d'un ami d'un ami, magistrat, recourt à un détective liégeois qui a pignon sur rue à l'époque. Il paie 25 000 F pour une enquête de solvabilité puis, mis en confiance, deux millions pour corrompre deux agents bancaires de Luxembourg et récupérer la somme ; c'est ce que lui promet le détective.
Séquestré à Gouvy
À partir de là, l'entrepreneur se dit dépassé par les événements, indépendant de toute la suite. Le détective monte l'enlèvement de l'escroc, le 12 octobre 2000, avec au moins cinq hommes de main. L'homme d'affaires malhonnête est embarqué en camionnette sur le parking de l'Ibis, à l'aéroport du Findel ; à Gouvy, dans une maison abandonnée, il sera menacé, frappé, pour lui faire reverser l'argent. Le soir, il est laissé dans le coffre de sa voiture au coin d'un bois Houffalize. Par la suite, il recevra encore des coups de téléphones comminatoires, menaçants, venant même de Milan.
L'enquête grand-ducale a permis de reconstituer la bande et d'arrêter le détective liégeois dans un aéroport suisse, en avril 2002. Les trois complices écopent de 7, 6 et 5 ans de prison avec sursis à Luxembourg. Deux Maghrébins ne seront jamais identifiés, mais l'enquête belge conduit à l'entrepreneur et à un homme qui depuis des années effectue des enquêtes de solvabilité pour des huissiers de justice de Liège. La justice belge a repris l'enquête pour ces deux-là qui n'ont pas répondu aux convocations du magistrat grand-ducal.
L'homme reconnaît juste avoir conduit la voiture du chevalier d'industrie de Luxembourg à Arlon. Avec son propriétaire dans le coffre ?
Sept et cinq ans requis
Le parquet estime avoir assez de charges pour réclamer des peines similaires à celle décernées par la justice luxembourgeoise : au moins sept ans contre l'entrepreneur, provocateur de l'association de malfaiteurs. Et cinq ans, avec un sursis total possible, contre le chauffeur, qui a déjà récemment écopé de la même peine en assises à Liège, où il avait fait office de chauffeur dans un règlement de compte perpétré dans un restaurant.
Les avocats de la défense visent des acquittements.
Total pour l'entrepreneur dont la bonne foi a été débordée par les agissements du détective.
Partiel pour le chauffeur, qui a bien participé à l'affaire, mais sans réaliser dans quelle pièce il jouait.
Pour le reste, l'absorption avec la peine prononcée aux assises suffirait.
Le « bénéficiaire » des 27,5 millions F est venu se constituer partie civile.
Il réclame 30 000 €, ce qu'il a déjà obtenu à Luxembourg.
Quant à savoir où sont passés les millions, on n'en a pas parlé.
Jugement le 29 juin.E. Lk.