La BEI octroie 4,5 millions pour favoriser le retour de la moule perlière
Réapparue en 2017 dans nos ruisseaux, la moule perlière va bénéficier d’un important soutien de l’Europe et de la BEI. La biodiversité, c’est du concret.
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Publié le 03-02-2021 à 13h43
Quand la technologie se met au service de l’environnement, c’est vraiment une belle avancée pour la biodiversité.
Ou comment une meilleure épuration des eaux usées va favoriser le retour de la moule perlière d’eau douce…
Ce jeudi, la BEI à Luxembourg (Banque européenne d’investissement) annonce qu’elle met 4,5 millions d’euros à destination de la SPGE wallonne (Société publique de gestion de l’eau) pour la réalisation concrète de projets qui permettront à des bassins de rivière de redevenir des habitats sains et favoriseront ainsi la biodiversité.
C’est tout bon pour la province de Luxembourg.
Pourquoi? Parce que l’eau de qualité en aval de deux nouvelles d’épuration, à Rosières (Vaux-sur-Sûre) et Tintange (Fauvillers) servira directement à intensifier le développement des moules perlières, ces mollusques qui avaient déserté nos cours d’eau depuis des dizaines d’années et ont commencé, timidement, le retour dans un ruisseau de la forêt d’Anlier en 2017 et 2018 (voir en page 17).
Protection des captages d’eau
Un deuxième groupe de projets – soutenus aussi par cette enveloppe de 4,5 millions de la BEI – mettra en place des mesures visant à protéger les bassins en sortie des stations d’épuration et donc de viser la qualité de l’eau des rivières et écosytèmes associés.
Cela concerne des actions de protection des captages d’eau afin de réduire l’apport néfaste en nitrate, favoriser la gestion écologique des pâturages, créer des prairies riches en biodiversité ainsi qu’aménager des bassins ou lagunes naturelles réduisant les débordements d’eau.
Une première pour la Belgique
Au niveau de la BEI à Luxembourg, on se réjouit en tout cas de cette toute première opération en Belgique au titre du «Mécanisme de financement du capital naturel» (en anglais Natural Capital Financing Facility – NCFF), un instrument financier de 125 millions créé spécifiquement par la BEI et la Commission européenne pour soutenir des projets dédiés à la biodiversité et à l’adaptation au changement climatique fondée sur la nature.
«La SPGE est la première société en Belgique à bénéficier du soutien du tout nouveau Mécanisme de financement du capital naturel», souligne le néerlandophone Kris Peeters, il n'y a pas si longtemps vice-Premier ministre CD&V du gouvernement fédéral belge et à présent vice-président de la BEI à Luxembourg.
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Comment l'argent européen octroyé pour le développement des moules perlières et de la biodiversité en Wallonie sera-t-il effectivement versé? «Le prêt d'investissement de 4,5 millions d'euros de la BEI ne pourra servir que pour le financement des projets soumis et approuvés par la BEI et la Commission européenne (Bruxelles), répond Marco Beros, ingénieur en chef, responsable de la Division gestion de l'eau à la BEI. Le prêt est assorti d'un don en nature pour une assistance technique d'au maximum 10% du montant du prêt de la BEI, soit au maximum 450 000€. Cette assistance technique doit avoir un lien avec le projet "Mécanisme de financement du capital naturel" et il doit s'agir d'une prestation de service (typiquement de consultants). Dès lors, la SPGE wallonne pourra proposer différents services ou des études, qui seront validés d'un commun accord, avant que la BEI lance le ou les appels d'offres.»
La moule perlière, une grande dormeuse
À l'état de larve minuscule, la future moule s'accroche 9 mois aux branchies d'un poisson-hôte, la truite fario.
Pour ceux qui confondraient la moule perlière avec la moule de la Mer du nord qu’on apprécie dans son assiette, sachez que la moule perlière est originaire de la plupart des rivières d’Europe, mais au cours du siècle dernier, elle a connu un déclin de plus de 90%, reflétant le déclin au niveau mondial de la biodiversité et de la vie en eau douce.
Grégory Motte, du Service public de Wallonie (Demna) et spécialiste de la moule perlière, précise que «les effluents agricoles, les amendements excessifs et les rejets d'eaux usées non épurés les ont enrichis en azote et phosphate, alors que la moule perlière ne supporte qu'une eau pauvre en nutriments».
«La moule perlière est une espèce en danger critique d'extinction», expliquait encore Grégory Motte dans l'Avenir Luxembourg du 20 août dernier.
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Elle a un cycle de vie extraordinaire. La femelle fécondée éjecte jusqu’à 10 millions de larves microscopiques dans l’eau en mouvement, où la loi du nombre permet à quelques-unes de s’attacher aux branchies de quelques espèces de poissons seulement, comme la truite fario. Elles y passent 9 mois avant que les minuscules moules juvéniles ne se laissent tomber dans le lit de la rivière, où elles s’enterrent pendant 5 ans.
Quant à la mulette épaisse qui devrait bénéficier elle aussi du soutien des fonds de la BEI, elle est plus petite que la moule perlière, mais surtout elle vit beaucoup moins longtemps, de 20 à 30 ans environ (un siècle pour la moule perlière!).
Elle est encore moins visible que la moule perlière car elle s’enfonce profondément dans le lit sableux des ruisseaux où elle vit. Elle ne laisse apparaître que les deux siphons lui permettant d’aspirer et de rejeter l’eau (elle se nourrit par filtration).
Premières moules réapparues chez nous en 2017
Initié par un premier programme LIFE Nature de 2002 à 2008 par la Région wallonne (DNF) en partenariat avec l’association Natagora, ce projet avait abouti, en 2017 et 2018, à la première réapparition d’une petite centaine de moules perlières dans un ruisseau de la forêt d’Anlier.
Mais tout cela ne devrait que s’amplifier puisque les tout nouveaux investissements financés via les fonds européens de la BEI vont décupler, à terme, la prolifération de moules perlières.
Ces fonds serviront directement à traiter les eaux usées domestiques et les eaux polluées par les épandages, soit le seul moyen d’atteindre la qualité d’eaux de rivière dont ont besoin la moule perlière d’eau douce et son hôte, la truite fario, pour se développer.