Aberdeen O’Driscoll, du sol de la cuisine au praticable des JO? (vidéo)
Aberdeen O’Driscoll, de Léglise, est la gymnaste n° 1 de la province. À bientôt 15 ans, elle fait partie du centre de haut niveau francophone et peut rêver des Jeux.
Publié le 05-12-2021 à 17h47
L’effet Nina Derwael. Comme Justine Henin avant elle en tennis ou Jean-Michel Saive en tennis de table, la gymnaste limbourgeoise a dopé les inscriptions dans sa discipline après ses sacres mondiaux et olympiques. À Wardin, par exemple, club n° 1 de la province, on dénombre désormais quelque 500 affiliés (et affiliées surtout). Et 120 autres qui sont en attente, faute de place.
Cinq cents dont la petite Aberdeen O’Driscoll qui, à bientôt 15 ans (elle les fêtera en janvier), s’impose comme la plus belle promesse de toute l’histoire de la gymnastique provinciale.
Maman belge, père américain aux origines irlandaises, citoyenne de Léglise, Aberdeen a enchaîné ses premières acrobaties dans le club de sa localité, où elle s’est affiliée dès l’âge de 4 ans. Elle a rejoint Wardin six ans plus tard, puis, dans la foulée, le centre de haut niveau de la Fédération francophone, à Mons, où elle a entamé, en septembre dernier, sa 4e année. Gymnaste de Division 1 – statut quasi unique dans la province – elle s’est récemment illustrée lors du Top Gym de Charleroi, compétition internationale pour juniores, où elle s’est classée 13e et 1re Belge.
Aberdeen, qu’est-ce qui vous a donné le goût de la gymnastique?
J’ai imité mes grandes sœurs qui ont rejoint le club de Léglise. Je les regardais et j’essayais de faire comme elle. À la maison, le carrelage de la cuisine pouvait laisser l’impression qu’une poutre était tracée sur le sol et je faisais comme si je m’y exerçais.
Quand vous vous êtes affiliée à Léglise, vous vous êtes rapidement rendu compte que vous aviez du potentiel?
Pas plus que ça. J’étais contente de faire de la gym dans un groupe, de suivre les autres sans me poser plus de questions. C’est lorsqu’on m’a proposé de passer des tests en vue d’intégrer le centre de Mons que j’en ai été davantage convaincue.
«Le fait de surmonter ses peurs»
Qu’est-ce qui vous plaît dans la gymnastique?
Le côté artistique et acrobatique. Le fait d’arriver à surmonter ses peurs aussi. Quand on tente un nouvel élément, il y a toujours un peu d’appréhension. Le réussir, c’est se prouver qu’on peut encore progresser.
Et cette progression, vous souhaitez qu’elle vous amène où? Jusqu’aux Jeux olympiques?
Oui, j’en rêve bien sûr.
C’est lorsqu’on voit Nina Derwael décrocher une médaille d’or qu’on se prend à en rêver?
Même déjà avant. Je regardais déjà les Jeux quand j’étais plus jeune.
Il vous arrive de la côtoyer, Nina?
Il m’est déjà arrivé de m’entraîner avec elle. Mais je ne sais pas si elle me connaît (rires).
Les Jeux, c’est encore loin, mais dans l’immédiat, il y a d’autres échéances. Notamment en août prochain, avec les championnats d’Europe à Munich. Vous espérez faire partie de la sélection belge en juniors?
Oui, c’est mon prochain grand objectif.
Récemment, au Top Gym, vous étiez en compétition avec la Roumaine Ana Maria Barbosu, championne d’Europe juniores. Cela vous permet de mesurer la différence avec le top niveau européen?
Oui, je sais que j’ai encore du chemin à faire, beaucoup de travail à fournir, mais je pense que j’ai une chance de décrocher mon billet pour cet Euro. J’ai plus de facilités au sol et au saut et cela peut m’offrir une place dans l’équipe belge.
«J’ai pleuré quelques fois le soir»
Vous aviez 11 ans quand vous avez intégré le centre de haut niveau à Mons. À cet âge-là, cela doit être difficile de franchir le pas, non?
Disons qu’on est partagé entre deux sentiments. J’étais super-contente de pouvoir faire ce que j’aime, mais en même temps, c’était dur de quitter la famille. Il m’a fallu un temps d’adaptation et j’avoue que j’ai pleuré quelques fois le soir. Mais on fait des connaissances, on noue des liens.
Mais parfois, certaines décrochent…
C’est vrai. J’ai une amie très proche qui a arrêté l’an passé. Il y a des hauts et des bas, des moments où on voudrait souffler un peu. Le plus dur, c’est quand les vacances scolaires arrivent et qu’on reste au centre pour continuer l’entraînement. Ces vacances sont raccourcies, je n’ai que deux semaines en été par exemple, mais en même temps, lorsque je suis en vacances, j’ai hâte de reprendre la gym. À la longue, j’ai fini par trouver une stabilité.
Le Covid vous a privée de compétitions durant presque deux ans. Vous l’avez vécu difficilement?
Oui, bien sûr, parce que la compétition, c’est ça qui nous stimule, ce pourquoi on s’entraîne autant. Cette période a vraiment été longue.
La gym est un sport ingrat parce qu’une seule petite erreur peut gâcher tout le travail accompli pendant des mois. Cela vous rend très nerveuse au moment d’aborder une épreuve?
Moi, oui. Même la veille, je réfléchis beaucoup avant de trouver le sommeil. Mais c’est dans ma personnalité. Déjà dans la vie de tous les jours, je suis assez stressée. J’ai une équipière, en revanche, qui parvient à être très détendue. Mais bon, une fois que l’exercice a commencé, tout le stress s’évacue.
Si vous n’avez pas encore 15 ans, vous êtes déjà en 5e secondaire. Vous avez déjà réfléchi à votre avenir dans les études supérieures et vous pensez que vous pourrez combiner cela avec la gymnastique à un haut niveau?
Il est possible que je m’oriente vers la biologie. Combiner les deux, je sais que ce n’est pas simple, mais pas impossible non plus. Nina Derwael a d’ailleurs montré l’exemple en ce sens.
Wardin toujours
Si elle a rejoint le centre de Mons, Aberdeen reste bien évidemment affiliée à son club de Wardin. Un club qui la soutient régulièrement. Ils étaient ainsi plusieurs à avoir fait le déplacement jusqu’à Charleroi pour aller l’encourager à l’occasion du Top Gym.
L’Irlande, pas l’Écosse
Un papa américain d'origine irlandaise, mais un prénom qui évoque pourtant l'Écosse, Aberdeen étant la troisième ville du pays. "Il n'y a pourtant aucun lien particulier avec ce pays", précise Michèle, sa maman. Ses parents se sont rencontrés à Luxembourg, travaillant tous deux dans le domaine financier.
Blessures
Aberdeen a été freinée par deux blessures ces derniers mois: à l'épaule d'abord, puis au talon récemment. "J'ai dû lever un peu le pied, mais ça va mieux", assure-t-elle.
Deux ans d’avance
Manifestement, il n’y a pas que la gymnastique qui lui réussit. Née en janvier, Aberdeen a entamé sa scolarité un peu plus tôt que prévu. Puis elle a passé son CEB en 5e primaire avant de filer directement en secondaire. Conséquence: elle est déjà en 5e secondaire alors qu’elle va seulement fêter ses 15 ans.
Gym-2024
À Mons, elle a intégré le programme "Gym-2024" qui a pour but de constituer dans un futur proche l’élite de la gymnastique belge francophone, susceptible de prendre part aux JO de Paris en 2024.