José Bové à Bastogne ce mardi : «Le vote de la PAC, un scandale démocratique»
Le militant français José Bové donnera une conférence à Bastogne mardi. Sans mâcher ses mots sur l’agriculture et la politique de l’UE.
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- Publié le 05-10-2018 à 06h00
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Tombé amoureux de l’œuvre d’André Bosmans, le Français José Bové, altermondialiste, militant anti-OGM et député européen, sera au cœur d’une conférence-rencontre mardi soir au Musée en Piconrue à Bastogne. Un événement dans le cadre de l’exposition «André Bosmans, la fourche, la plume et le pinceau», que le musée bastognard présente depuis décembre 2017. L’occasion de discuter agriculture et Union européenne avec celui qui s’est fait connaître à travers différents combats. Et qui revient pour la deuxième fois de sa vie en province de Luxembourg, après une conférence à la Halle de Han (Tintigny) en 2015.
Comment avez-vous découvert André Bosmans? Qu’est-ce qui vous a plu dans ses œuvres?
Je l’ai découvert à l’occasion de la demande qui m’a été faite par la famille de préfacer le livre, qui est un peu le catalogue de l’exposition. J’ai été très surpris en voyant ses peintures, en découvrant la richesse de ses œuvres, du fait qu’il était à la fois paysan, peintre et poète, et qu’il exprime à travers ces trois formes d’art une vie de paysan et un engagement. Ce n’est pas simplement un métier, mais un art de vivre, qu’il fait résonner à travers ses œuvres.
Puis ses peintures comprennent une grande variété de paysages, le soir, le matin, au niveau des animaux, etc., qui permettent de découvrir l’intérieur de ce qu’il écrit. Ses peintures parlent d’elles-mêmes, il n’y a pas besoin d’être académique pour les comprendre et les ressentir. Il n’y a pas de coupure entre sa vie d’artisan et son expression artistique, ça se mélange et c’est pour ça que ça m’a fait plaisir d’écrire ce petit texte et de participer à cette conférence. André Bosmans mérite d’être connu bien au-delà de sa province.
Quels sont les thèmes que vous aborderez mardi?
Je vais revenir sur ce que je viens de dire, en abordant aussi la façon dont un paysan qui est aussi artiste est capable d’écrire et de critiquer le monde agricole qui l’entoure. Et après, on se laissera emporter par les peintures, par ce que l’on ressent et l’on discutera. Ce sera aussi un plaisir de rencontrer sa famille. C’est un artiste surprenant.
De façon plus large, quel est votre regard sur l’agriculture actuelle, qui semble étirée entre des exploitations toujours plus grandes et un retour en force du local et du bio?
Aujourd’hui, l’agriculture est de plus en plus interrogée par les citoyens, qui veulent avoir leur mot à dire. Ce sont les consommateurs qui déterminent, par leurs achats, le modèle agricole. Les gens ne veulent plus des pesticides, ils veulent des animaux élevés dans le bien-être. Cette évolution se traduit par une diminution constante de la consommation des produits laitiers et viandes industriels. On est à une période où il faut que le modèle change. Le modèle de masse, favorisant les exportations, a été un échec, ça a accéléré la disparition des petites exploitations, a baissé la qualité et renforcé le réchauffement climatique. Et la PAC (NDLR : Politique Agricole Commune, décidée par l’Union européenne) reste dans cette direction. On doit sortir de cette logique-là! Il y a une prise de conscience, mais ceux qui comprennent le moins, ce sont les politiques.
Vous êtes député européen depuis 2009, est-ce là que l’agriculture se joue vraiment?
Elle se joue à la fois sur le terrain et au niveau européen avec la PAC. Je vous parlais de la déconnexion des politiques avec le but même de l’agriculture, en voici l’exemple: la Commission et le Parlement européen voudraient qu’on vote la nouvelle PAC avant les élections européennes. Ce qui priverait les électeurs du débat de quelle agriculture ils veulent et de choisir les candidats en fonction des projets. C’est un scandale démocratique total! Et je trouve assez peu de réactions, comme si c’était normal. Il faut bloquer ce processus, espérer qu’un gouvernement refusera de cautionner ça. La Belgique le fera-t-elle? Ou les Régions? On verra ce que ça donnera mi-avril.
Pour terminer, un mot sur la politique environnementale du président Macron?
Tout le monde lui reconnaît de très bons discours, il a d’ailleurs eu une médaille à l’ONU comme meilleur défenseur du climat. Mais entre les paroles et les actes, les choses s’opposent et la France fait partie des mauvais élèves car en 2017, elle a augmenté ses émissions de gaz à effet de serre. Il y a un vrai problème. La démission de Nicolas Hulot (NDLR: alors ministre de l’Environnement) montre bien l’incapacité du gouvernement à changer sa logique. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de temps, c’est une question d’urgence. Il faut sortir de la politique des petits pas si on veut limiter le réchauffement. Il faut agir rapidement!
Moins de médias, toujours des combats
José Bové s'est fait connaître dans les années 1980 par le combat mené au Larzac contre l'expansion d'un camp militaire. En 1999, il a fait parler de lui, notamment, avec l'action menée au McDonald's de Millau, pour protester contre l'Organisation mondiale du commerce, qui voulait contrer le refus de l'UE d'importer des USA de la viande de vache élevée aux hormones de croissance. Depuis quelques années, l'homme de 65 ans est plus discret au niveau médiatique. « Il y a eu des grosses opérations, mais l'engagement prend différentes formes, explique-t-il. On s'est battu au Larzac, puis il y a eu la bataille pour créer une confédération paysanne, avec la dénonciation de l'OMC et contre la modification génétique. On a gagné le combat pour dire que les nouveaux OGM étaient bien des OGM. J'ai été très impliqué sur le terrain contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Puis je me suis mobilisé à Strasbourg contre un projet autoroutier qui doit détruire 300 hectares de terres agricoles. Il est important d'être sur le terrain pour rester connecté. Après, cela a peut-être moins d'écho dans la presse, mais il faut toujours garder le cap. »
Moins de médias, toujours des combats
Peste porcine Si José Bové admet ne pas connaître en profondeur le dossier de la peste porcine en Gaume, « cela démontre la fragilité du vivant ». Pour lui, « abattre des troupeaux non contaminés est invraisemblable. C'est un drame pour les paysans et créé des psychoses. Il faut faire attention à ce genre de pratiques ».
Dernier mandat européen Élu député en 2009 et réélu en 2014, José Bové ne se présentera plus à l'Europe : « J'avais dit que je ferais deux mandats, il faut faire en sorte d'avoir une rotation. Être élu au niveau européen n'est pas un métier, personne n'est indispensable. Et je ne suis pas là pour me créer une rente, comme d'autres ».
Lutgen ? José Bové ne compte pas profiter de sa venue pour rencontrer les hommes politiques, à l'image de Benoît Lutgen. « Je sais que c'est bientôt les élections chez vous. Je viens pour porter un message global à travers mes propos, mon rôle n'est pas de mener campagne. Mais si des candidats veulent discuter, ce sera possible. »
Expo prolongée L'exposition sur André Bosmans, qui devait prendre fin le 14 octobre, a été prolongée jusqu'à début janvier 2019. Cette exposition retrace l'œuvre de ce paysan artiste originaire de Manhay, à travers ses peintures et des témoignages audio.
Horaire et prix Ce mardi, pour 6 €, chaque personne aura accès au musée et à l'exposition de 18 à 20 h avant une conférence-rencontre avec José Bové de 20 h à 21 h 30. La soirée se poursuivra avec des échanges autour d'un verre. Réservation souhaitée au 061/550 055 ou piconrue@gmail.com.