Son fils handicapé, en crises répétées d’épilepsie, renvoyé de l’hôpital d’Arlon et refusé dans plusieurs autres hôpitaux: "C’est inhumain"
Papa indigné, Roger Fries témoigne. Son fils gravement handicapé, en crises répétées d’épilepsie, a été renvoyé de l’hôpital d’Arlon. Il a sonné à plusieurs autres cliniques du pays, en vain. Elles n’étaient pas en capacité de recevoir son fils.
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- Publié le 01-06-2023 à 06h36
- Mis à jour le 01-06-2023 à 07h34
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C’est un papa profondément meurtri, attristé, mais aussi inquiet qui s’est présenté à notre rédaction. Son visage ne vous est peut-être pas inconnu. Il s’agit de Roger Fries, président-fondateur de l’ASBL Point d’Eau, un service résidentiel pour adultes, situé à Grumelange, sur la commune de Martelange. Parmi les résidents, son fils Michaël, âgé de 46 ans. Il présente un handicap mental et des troubles autistiques depuis son plus jeune âge. Il a perdu la vue. Et depuis un an environ, il est victime de crises d’épilepsie, dont certains épisodes l’ont laissé avec de graves séquelles. Il a perdu l’usage de la parole. Lui qui était un grand marcheur, ne sait désormais plus se déplacer. Il ne sait plus manger seul, ne sait plus aller aux toilettes, a sa tête toujours tournée vers l’épaule gauche.
Près de 12 heures sur un brancard, à demi dénudé
Le mardi 23 mai, Michaël a eu des crises d’épilepsie intenses. Les infirmières du Point d’Eau ont fait appel à une ambulance qui a transporté le quadragénaire aux urgences d’Arlon. "Quand sa sœur est arrivée à l’hôpital en fin de journée, Michaël était sur un brancard, dans un couloir, sans oreiller, sans drap ou couverture pour le couvrir, il était à moitié nu, crispé de douleur. On l’avait laissé là depuis presque 12 heures, alors qu’à ce moment-là, trois lits étaient disponibles aux urgences. C’est inhumain de laisser quelqu’un comme cela près de 12 heures, qui ne sait pas s’exprimer pour dire qu’il a froid ou chaud, pour dire qu’il a mal", confie Roger Fries, très peiné.
À la demande de sa sœur, Michaël est installé dans un lit.
L’hôpital d’Arlon ne disposant plus de service neurologie, les résultats de l’encéphalogramme sont envoyés à une neurologue de Saint-Mard qui décide de modifier la médication du quadragénaire.
"Mercredi soir, on m’a demandé de reprendre mon fils, explique Roger Fries. Pourtant, il était encore mal, ça se voyait. Il ne sait pas se déplacer, je n’aurais pas pu le reprendre en voiture. Demander une ambulance, oui, mais les infirmières de nuit au Point d’Eau n’aurait pas pu le prendre en charge. C’était invraisemblable de le renvoyer."
Roger Fries parvient à négocier pour que son fils reste à l’hôpital jusqu’au lendemain matin. Il a ensuite été renvoyé au Point d’Eau. "Aucun neurologue ne l’a vu!", déplore le papa. Une demi-heure plus tard, le Point d’Eau l’appelle. Michaël est à nouveau en crise.
Roger Fries contacte les services neurologie de cinq hôpitaux: Libramont, le Sart-Tilman à Liège, Mont-Godinne à Namur, le centre neurologique William Lennox à Ottignies, le CHL à Luxembourg. Aucune de ces structures n’est en capacité de prendre en charge son fils. Parce qu’il est handicapé? "J’ose espérer que ces refus n’ont rien à voir avec le handicap, mais véritablement parce qu’il n’y avait pas de place, répond Roger Fries. Ce qui n’est pas normal. "
Il était désespéré
"Quand on sait que les crises épileptiques peuvent détruire des parties du cerveau, pour moi, c’est de la non-assistance à personne en danger de l’avoir renvoyé de l’hôpital. Une clinique est censée vous aider ", poursuit ce papa alors au comble du désespoir pour son fils.
Finalement, le 6e hôpital sera le bon, l’hôpital Robert Schuman au Kirchberg. Il tombe sur le dr Calaras, neurologue qui travaillait auparavant à Arlon, et qui accepte de voir son fils. Reste à transférer Michaël là-bas. Pas le choix, ce sera en ambulance privée, soit un coût minimum de 600€. Depuis le jeudi 25 mai, Michaël est toujours hospitalisé au Kirchberg. "Il est très bien soigné là-bas, ce mercredi il se portait mieux. L’hôpital a introduit une demande à la caisse nationale de santé au Luxembourg pour que Michaël soit pris en charge pour une rééducation neurologique."
Si Roger Fries est soulagé, il reste indigné. "Je ne comprends pas comment un hôpital peut mettre un patient dehors, qui fait des crises qui peuvent avoir de graves séquelles! Il aurait dû être orienté vers un autre hôpital capable de le prendre en charge."
C’est d’ailleurs pour cela qu’il a tenu à témoigner, pour que d’autres patients, nécessitant des soins, ne soient pas mis à la porte d’un hôpital, sans solution.
Pour la neurologie, l’hôpital d’Arlon travaille notamment avec Erasme
Nous avons contacté le directeur médical de Vivalia, Pascal Pierre, afin qu’il nous explique comment fonctionne l’hôpital d’Arlon, sans service neurologie, lorsqu’il reçoit des patients nécessitant une prise en charge neurologique. "Nous travaillons par télémédecine avec une neurologue de Saint-Mard, et pour les gardes, avec le service neurologie de l’hôpital Erasme à Bruxelles, explique-t-il. Erasme dispose d’une triple garde : AVC, épilepsie, neurologie générale. Si un patient nécessite une hospitalisation, soit il est transféré au sein de Vivalia, à Libramont ou Marche, soit il est transféré à Erasme."
Difficile pour Pascal Pierre de parler du cas particulier vécu par Roger Fries avec son fils, car il ne connaît évidemment pas tous les cas traités par Vivalia.
Il conseille aux patients qui sont renvoyés chez eux, avec un problème qui réapparaît ou persiste de se représenter à l’hôpital. "Parfois le traitement recommandé ne fonctionne pas, et on réévalue la situation, si le patient va dans un autre hôpital, on ne sait pas réévaluer la situation. "
De manière générale, il nous explique qu’en effet les unités de neurologie sont bien chargées dans plusieurs hôpitaux. Il recommande donc de passer par un médecin, avant de sonner de son chef à divers hôpitaux pour être pris en charge. "C’est plus simple d’avoir des discussions de médecin à médecin". Un service d’un autre territoire, surtout s’il est surchargé, acceptera plus volontiers un patient adressé par un médecin, qu’un patient qui sonne lui-même.
Concernant les 12 heures passées sur un brancard, là encore Pascal Pierre nous rappelle qu’il ne connaît pas ce cas précis, mais la règle qui prévaut aux urgences est bien de mettre un patient dans un lit dès qu’un lit est libre.