Les Grand-Ducaux achètent de plus en plus à Arlon : "Ne pas pleurnicher, mais planifier !", dit le ministre grand-ducal
Les Grand-Ducaux achètent de plus en plus à Arlon. Claude Turmes, le ministre luxembourgeois de l’Aménagement du territoire, a rencontré les autorités arlonaises pour discuter des défis.
Publié le 22-02-2023 à 06h02 - Mis à jour le 22-02-2023 à 09h20
:focal(544.5x376:554.5x366)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LPV5YKEEJVHUDHCFF3B3V7EHXE.jpg)
Claude Turmes, vous êtes le ministre luxembourgeois de l’Aménagement du territoire. En janvier, vous avez rencontré les autorités communales d’Arlon, pourquoi ?
Notre économie crée beaucoup d’emplois. Cela crée de la richesse à Luxembourg, dans les territoires environnants. Cela crée aussi des défis de mobilité, d’urbanisme. Comme Genève, le Luxembourg doit avoir une approche transfrontalière, la zone fonctionnelle de l’économie luxembourgeoise. Elle inclut les communes où plus de 50% de l’emploi sont liés à l’économie luxembourgeoise.
Cette économie a un impact sur le travail pour les Belges. Aussi une forte pression foncière. Des Luxembourgeois achètent à présent à Arlon. Et l’avenir ?
Il faut planifier le territoire: Arlon, Thionville, Audun, Villerupt, Aubange, Bastogne. Ces villes vont avoir plus de population. Il faut anticiper, travailler plus ensemble sur le logement pour que la pression foncière luxembourgeoise ne se fasse pas aux dépens des ménages qui ont moins de revenus comme à Arlon.
On voit pousser des lotissements au GDL. Le Grand-Duché rural n’est-il pas un peu en train de perdre son âme ?
Ce qui m’importe est que le Grand-Duché ne perde pas son âme avec une croissance soutenue. Je suis en train de faire un nouveau programme directeur de l’aménagement du territoire. Notre objectif est de diviser par deux l’artificialisation des sols, de passer de 0,5 hectare à 0,25 en 2035 et de concentrer la croissance du bâti dans les villes. Aussi, mieux travailler au point de vue transfrontalier. On a la crise du climat et de la biodiversité.
Il faut arrêter d’artificialiser les terres, bétonner le sol. Notre politique est aussi d’utiliser les friches industrielles comme à Belval. Et de planifier les quartiers existants comme nous planifions les nouveaux quartiers.
Selon Paperjam, le prix des logements au Grand-Duché aurait augmenté de 140% en 12 ans. C’est affolant, non ?
C’est le phénomène de Copenhague, Genève. Le Luxembourg est attrayant, c’est un petit Barcelone. Ces villes se sont dotées de politique d’urbanisation d’une autre génération. J’essaie d’amener plus de verdure en ville. Une densification de qualité, un transport public ou doux. La voiture individuelle mange beaucoup d’espace.
On va donc encore voir "débarquer" plus de gens dans la zone d’Arlon ?
Il faut éviter les termes trop négatifs. Arlon est une ville attrayante qui peut encore accueillir. Pour que cela se passe bien, il faut une planification. On s’est beaucoup inspiré de la Suisse qui concentre le développement autour des gares.
La réalité: il y a une pression démographique due à l’économie luxembourgeoise, il ne faut pas pleurnicher, mais planifier dans le bon sens.
À Arlon, un mouvement "anti-béton" se fait sentir. En réduisant cette forme d’urbanisation au Grand-Duché, plus de gens vont se reporter sur la Belgique ?
L’important, c’est que les villes doivent avoir une vraie politique: faire revenir la nature en ville, des arbres. La ville ne sera vivable que si je combine l’urbanisme et la nature. C’est un défi, mais il faut une approche positive.
Quand on consulte les immobilières à Luxembourg, un appartement d’une chambre, c’est parfois plus d’un million d’euros, impossible de se loger pour un Grand-Ducal ?
C’est l’aspect négatif d’un territoire qui a un grand dynamisme. C’est pourquoi le gouvernement grand-ducal a revu sa politique de logements abordables. Plus être dans la main de l’État ou du public. On doit créer du logement locatif subventionné pour permettre aux gens qui ont moins de revenus de rester.
Une manne à ne pas louper
Devant le collège arlonais, le ministre Turmes est venu booster la collaboration avec les Communes belges en matière de projet Interreg. "L’erreur des dernières années: ne pas avoir assez travaillé sur l’aménagement du territoire dans une dimension transfrontalière." Et de dire: "Je veux que, pour le citoyen, la frontière ne soit plus visible, que la vie soit agréable des deux côtés de la frontière. On a eu un très bon échange avec le maire (sic) et sa majorité. Il pose les bonnes questions."
Il se réjouit de l’enveloppe budgétaire. "Il y a un espace transfrontalier de Pétange à Steinfort et d’Aubange à Arlon qui aura une enveloppe budgétaire, 11 ou 12 millions pour travailler ensemble. On va regarder rapidement ce qu’on peut faire avec l’argent d’Interreg. Faire rapidement une réunion Arlon-Steinfort pour du concret." Il évoque une manne pour la Grande Région: Grand-Duché, Wallonie, le Grand Est, Saar, Rhénanie-Palatinat. "C’est une enveloppe budgétaire de 50 millions qui va se répartir entre huit ou dix projets transfrontaliers. Ces 50 millions vont cofinancer 60% de projets potentiels. Un espace d’action Aubange-Arlon et les communes luxembourgeoises. Un autre espace qui va de Martelange à Bastogne."
Concrètement ? Des projets de mobilité douce. Comme pour du vélo, des couloirs écologiques, du logement abordable.
"C’est aux Communes de voir ce qui est utile, je ne veux pas dicter de ma tour au Kirchberg ce qui est utile. C’est le niveau local qui doit voir", conclut-il.