Un huissier de justice dans l’œil du cyclone
En aveux, vu son devoir d’exemplarité, l’huissier de justice pourrait être destitué. Un procès où des centaines de milliers d’euros sont en jeu va suivre.
Publié le 16-06-2022 à 06h00
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Audience inhabituelle dans la salle de la cour d’assises d’Arlon mercredi matin. Une chambre à trois juges, présidée par Émile Lelièvre, a instruit un dossier disciplinaire concernant un huissier de justice. Il doit répondre de faux et usage de faux, abus de biens sociaux et déclaration tardive d’aveu de faillite.
Le ministère public, représenté par le substitut Pierre d’Huart, vu la gravité des faits, a requis sa destitution et une amende de 80000 €.
Plus tard, il devra encore répondre du fond de l’affaire devant le tribunal correctionnel. Un passif frauduleux de 604000 € lui est reproché et pourrait lui être réclamé.
L’huissier poursuivi a débuté ses activités en 1990. "À une époque où la comptabilité des huissiers se limitait à la tenue d’une colonne recettes et une colonne dépenses" , plaide son avocat MePierre Neuville.
En 2005, il a décidé de créer une société qui lui a permis d’abandonner son statut d’indépendant.
"Mon client n’a pas pris conscience des obligations administratives et financières que lui imposait ce nouveau statut, poursuit MeNeuville. Par manque de temps et par négligence, il a manqué à ses devoirs. De là, à le destituer, c’est extrêmement sévère d’autant plus qu’il exerce aujourd’hui son métier dans un cabinet où des juristes s’occupent pour lui de tous les manquements qui lui sont aujourd’hui reprochés."
Le curateur n’en sort pas
Le réquisitoire du ministère public est loin d’être aussi angélique.
"Le laxisme de Monsieur est tel qu’il est impossible de reconstruire la comptabilité de sa société, aujourd’hui en faillite, commente le substitut d’Huart. Il y a une totale absence de collaboration de sa part. En 2016, la société a été mise en faillite et le prévenu a eu pour seule explication de dire: "Ces tracasseries et ces attestations à fournir, cela m’emmerde"."
Pour le ministère public, il y a confusion absolue des comptes privés de l’huissier, de ceux de sa société et de ceux des clients tiers.
"Il n’a pas respecté l’obligation de déclarer une société quand elle est en faillite, poursuit Pierre D’Huart, il a repris les activités de la société comme indépendant comme si de rien n’était, sans effectuer aucune démarche administrative ni fiscale. Les sommes dues au fisc sont astronomiques. 600000 €, c’est une grossière sous-estimation. Le curateur n’y retrouve pas ses jeunes. Tout cela est très grave pour un homme censé représenter la loi."
Le jugement sera rendu le 12 juillet.