Ramenons encore un peu la fraise sur le tapis
On va reparler de la tournure de phrase «Une défense aux fraises.» – notre sujet de la semaine dernière – mais, avant cela, parlons d’abord des manipulations qu’on fait subir parfois aux expressions imagées.
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Publié le 20-09-2021 à 06h00
Pour différentes raisons.
Ça peut être par jeu, pour le plaisir de la création fantaisiste ou parce qu’on veut provoquer un effet de surprise; mais ça peut être aussi par nécessité: il faut retailler ou agencer un peu autrement l’expression pour la loger dans la phrase où on veut l’utiliser.
Brassens a pratiqué ce bousculement ou ce détournement des expressions imagées des dizaines de fois.
Allez, juste un exemple qui correspond en plein au temps où nous sommes, qui est de saison…
Vous connaissez tous l'expression: «Une hirondelle ne fait pas le printemps.» Eh bien, Brassens mise sur elle pour redire ce qu'il n'arrête pas de dire dans sa chanson Le 22 septembre.
À cette date-là, il y a quelques années, son amour est parti. Parti au diable! Et, de s’en souvenir un peu plus fort à chaque 22 septembre, c’était une douleur délicieuse qui se mariait bien avec l’automne. Mais le charme a fini par passer, par ne plus opérer. Par se rompre.
Et il fait ce constat amer, triste, désolé, sur tous les tons. Il le dit de façon un peu rude: «Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous.» Mais aussi de façon poétique: «L’hirondelle, en partant, ne fera plus l’automne.»
Le journaliste Antoine Hick, en écrivant «Une défense aux fraises…», a voulu – j’en ai discuté avec lui – dire ce que dit l’expression être aux fraises.
Elle signifie: avoir la tête ailleurs, être largué, être complètement à côté du sujet.
Oui, mais le verbe être n'est pas dans la construction d'Antoine Hick et des expressions à base de fraises, on en connaît beaucoup mieux deux autres.
Aller aux fraises et sucrer les fraises. Qui disent des choses bien différentes que l'expression être aux fraises.
Alors, après discussion avec Antoine Hick et d’autres, nous en sommes arrivés à la conclusion que c’était peut-être un peu risqué pour la compréhension, la lisibilité, d’employer une expression rare, amputée de son verbe.