Médaillée de bronze aux JO de Los Angeles en 1984, Ingrid Lempereur pensait pourtant être ridicule
En 1984, à Los Angeles, Ingrid Lempereur fut la première Belge à décrocher une médaille en natation. Et elle n’avait que 15 ans!
Publié le 26-12-2020 à 06h00
Un extraordinaire coup d’éclat. Une bombe même. Le 30 juillet 1984, à l’Olympic Swim Stadium de Los Angeles, Ingrid Lempereur, tout juste âgée de 15 ans, réussissait l’un des exploits les plus improbables et les plus retentissants de l’histoire du sport belge en décrochant la médaille de bronze sur 200 m brasse aux Jeux Olympiques. La première, et toujours la seule à ce jour, pour la natation féminine belge. Meilleur temps des séries, à la surprise générale, l’Arlonaise, petite puce au milieu des adultes, 7e à mi-course en finale, allait réussir une remontée extraordinaire pour s’offrir le podium, puis, quelques jours plus tard, un inoubliable bain de foule pour son retour dans le chef-lieu.
Ingrid, quel était votre état d’esprit en débarquant à Los Angeles? Celui d’une petite fille insouciante qui n’avait rien à perdre ou plutôt d’une nageuse ambitieuse qui poursuivait un objectif précis?
J’avais débuté la natation à 9 ans et six ans plus tard, j’étais déjà aux Jeux. C’était rapide et j’étais donc déjà contente d’être là, d’autant que j’avais couru un an derrière les temps limites. Mais, d’un autre côté, je me sentais bien, j’avais de bonnes sensations à l’entraînement et j’espérais au moins atteindre la finale B (NDLR: de la 9e à 16e place).
Puis vous réussissez le meilleur temps des séries, une seconde plus vite que la Canadienne Ottenbrite, future médaillée d’or. Ce qui accroît la pression sur vos épaules?
C’était complètement inattendu. J’étais dans la première série en matinée. Je me suis relâchée ensuite, j’ai pris une douche sans me préoccuper des chronos dans les autres séries. Et c’est seulement après qu’on m’apprend que je suis la première. Là, j’avoue que j’ai pris peur. J’ai pensé que les autres nageuses s’étaient réservées, que j’avais peut-être trop donné le matin et que j’allais être ridicule en finale le soir.
Ce fut loin d’être le cas. Pourtant, à mi-parcours, vous virez en 7e position seulement…
Oui, mais j’ai toujours bien fini mes courses et je suis toujours partie assez lentement. Je n’ai jamais rien su y changer. Dès lors, quand j’ai vu que j’étais encore dans le gros du peloton aux 150 m, j’ai tout lâché.
Au point d’améliorer de six secondes votre meilleur chrono réalisé avant les Jeux. C’est énorme, ça?
Oui. Je l’avais déjà amélioré en série (NDLR: 2.32.46) et j’ai fait mieux encore en finale (2.31.40). Mais il faut bien se dire qu’il y avait eu beaucoup de changement auparavant, dans ma préparation. Je sortais d’un long stage à Font-Romeu et j’avais très nettement augmenté mon volume d’entraînement (voir encadré). À 15 ans, c’était un risque, car il fallait que mon corps l’accepte et, manifestement, cela a été le cas (rires).
Là-bas, à Los Angeles, vous imaginiez l’impact de cet exploit?
Pas le moins du monde. C’est à peine si j’avais une petite idée de ce que représentaient les Jeux. Auparavant, j’avais peut-être regardé une épreuve des JO dans ma vie, sans plus. Devenir une sportive de haut niveau n’était pas un but en soi; c’est arrivé par hasard. J’étais juste contente de réussir quelque chose, mais cela avait le même effet que si j’avais décroché un 20/20 à un contrôle de maths. Le but, c’était d’avoir une famille, un travail.
C’est pourquoi vous avez tourné la page directement après vos deuxièmes Jeux, à Séoul en 1988?
Tout à fait. Je voulais me consacrer pleinement à mes études supérieures, décrocher un diplôme. J’avais pu scinder la 1re année en deux, mais je ne voulais pas faire pareil pour toutes les autres. Je voulais revenir à une vie normale. Il était temps de fermer la parenthèse. Même si ce fut une magnifique parenthèse.
Des entraînements poussés
« C’est seulement à l’approche des Jeux de Los Angeles que j’ai commencé à m’entraîner plus intensément », rappelle Ingrid Lempereur. Un rythme, comprenant deux séances quotidiennes, qu’elle a maintenu ensuite, jusqu’à Séoul. Tout en conservant le même horaire à l’école. « Je m’entraînais effectivement certains matins, ajoute l’Arlonaise. J’étais dans l’eau dès 6 h, jusqu’à 7 h 30, avant de me rendre en classe. Puis je m’entraînais à nouveau après l’école, avec parfois une séance de musculation en plus. Et il a fallu encore étudier le soir. »