Correspondre avec le passé : Éva écrit partout, de la terre au ciel
Voilà une carte du tout début du siècle dernier: le verso était encore entièrement réservé aux adresses de l’expéditeur et du destinataire et aux marques de l’acheminement: le timbre et les cachets.
Publié le 15-07-2020 à 06h00
Et le recto était pour l’image – la vue! – et la correspondance.
L’éditeur devait donc s’arranger pour laisser du blanc. En haut, sur le côté ou en bas. Parfois un peu en haut et un peu en bas. Les amateurs, les collectionneurs, ont donné un nom particulier à ces cartes. Un beau. Poétique.
Ils ont dit «carte nuage» ou «carte nuageuse». (Et tant pis si le nuage est parfois à terre et même en dessous de tout.)
Le texte, ici, est celui d’une jeune fille, employée de maison à Marche, qui donne de ses nouvelles à ses parents.
Éva, fraîchement débarquée, veut vite exprimer son contentement.
C’est une bonne et heureuse nature, Éva. Tout la réjouit. Elle a lié immédiatement connaissance avec une autre jeune fille, employée elle aussi de la maison et, comme c’était congé, elles sont parties faire un tour en ville.
Il y avait une revue militaire… Une attraction qui est bien passée de mode.
Éva et sa nouvelle copine – mais je vais sans doute trop vite en besogne en disant sa nouvelle copine, je me trompe… Je mets des mots et des mœurs d’aujourd’hui.
Éva a été charmée par la rencontre qu’elle vient de faire, mais elle n’est pas pour autant déjà dans la familiarité…
Ce qu’elle écrit et sa façon de l’écrire nous le montrent. Elle parle d’Hilaire, elle parle d’Octave, qui sont peut-être ses frères; elle parle d’Irma qui est peut-être une sœur ou une cousine, en tout cas quelqu’un qu’elle compte aussi parmi ses familiers, avec ses parents; et elle nomme tout ce monde-là chacun par son prénom. Mais la nouvelle venue dans sa vie, elle ne se le permet pas: elle dit, quand elle l’évoque la première fois, «une belle jeune fille»; puis la deuxième fois «cette jeune fille».
Alors, on va dire comme elle…
Elles deux sont allées au Monument.
Il s’agit du Saint-Sépulcre ornant la chapelle de la Sainte-Trinité, un haut lieu de la vie religieuse de Marche et de sa région. Devenu aussi un but de promenade.
Mais… est-ce encore vrai?