«Il y a trop de statues de Léopold II!»
Guido Gryseels, le directeur général d’Africa Museum de Tervuren, comprend l’émotion autour des statues. Il invite au débat et à contextualiser.
Publié le 10-06-2020 à 06h00
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Guido Gryseels, comprenez-vous cette émotion autour des statues, cette envie d’en déboulonner?
Je comprends les émotions autour de «Black Lives Matter», notre musée est entièrement solidaire. Je comprends aussi les réactions autour des statues de Léopold II, cela démontre qu’il y a un manque de débat en Belgique sur la période coloniale, surtout de 1885 à 1908. Cette période a été caractérisée par une violence très forte, des centaines de milliers de morts, suivie par une période coloniale d’occupation militaire et raciste. Jusqu’il y a peu, la Belgique a fait semblant que cette période était une colonie modèle. La Belgique est restée une société blanche. Jusqu’il y a trente ans, il y avait peut-être 25 000 Africains en Belgique, le pays refusait de donner des visas. Aujourd’hui, cette communauté compte 250 000 membres. Même s’ils sont bien formés, ils sont discriminés en termes d’emploi, de logement.
Il faut démonter ces statues?
Je n’ai pas d’opinion, je préfère contextualiser et pas tellement enlever. C’est une décision des Communes. C’est une partie de notre histoire. Ce qui est complexe, il y en a tellement avec Léopold II. Des rues, avenues, statues. C’est certain, il y en a trop. Il faut une discussion sociétale, politique sur le rôle de la colonisation. Il faut un enseignement sur le passé colonial dans les écoles. Beaucoup d’enfants ne savent pas qu’il y a une histoire partagée entre le Congo et la Belgique.
Vous évoquez les atrocités, mais quel est le rôle de Léopold II?
Par la conférence de Berlin de 1885, il a obtenu le Congo comme empire économique. Il a voulu exploiter ce pays, 84 fois plus grand que la Belgique. Le roi n’est jamais personnellement allé au Congo, mais a envoyé des agents, souvent des gens avec une réputation douteuse, des gens qui sortaient de prison. Ils ont fait le témoignage d’une extrême violence.
Le roi était conscient de celle-ci?
Certainement pour une partie. Il a essayé de réduire les excès, en installant une sorte de commission pour étudier les cas. Il y a une discussion entre historiens sur sa responsabilité personnelle. On est convaincu qu’il savait, à la fin de son règne, il a brûlé ses archives.
Le conseil que vous donneriez aux bourgmestres qui vont avoir à gérer cette polémique des statues?
De discuter avec la population, d’organiser un débat avec toutes les communautés.