Voici pourquoi Arlon est le chef-lieu
L’exposition «Arlon, chef-lieu de province», qui ouvre ce jeudi au musée Gaspar, revient sur les raisons du choix de 1839, arguments à l’appui.
Publié le 03-05-2018 à 06h00
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Si Arlon devait encore faire la preuve de sa légitimité historique en tant que chef-lieu, l'exposition qui ouvre ses portes ce jeudi 3 mai au musée Gaspar serait sa meilleure promotion. Et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si son thème, «Arlon, chef-lieu de province – un destin entre les deux Luxembourg», a été retenu par le département culture et musées de la Ville d'Arlon. «L'occasion était belle, reconnaît le bourgmestre, Vincent Magnus, de rappeler les efforts consentis par la Ville d'Arlon et ses habitants pour assumer le rôle de chef-lieu, au profit d'une population qui dépasse amplement les limites de la commune. Et j'ai été surpris de constater combien les arguments du bourgmestre d'alors, Charles Printz, ont gardé leur pertinence jusqu'à l'heure actuelle.»
Pour mieux comprendre le choix d'Arlon, alors un bourg d'à peine 3 000 âmes, il faut remonter à la Révolution belge de 1830 et à ses suites. «Des tractations internationales de neuf ans aboutissent en 1839 à la séparation du Luxembourg en deux nouvelles entités, essentiellement sur base linguistique, explique David Colling, conservateur du musée et commissaire d'exposition. La partie romane revient au jeune État belge et la partie germanique demeure propriété personnelle de Guillaume d'Orange, roi des Pays-Bas et grand-duc de Luxembourg. Les grandes puissances européennes décident que l'arrondissement d'Arlon, bien qu'étant de culture germanique, demeurera en Belgique pour des raisons de géostratégie.» C'est que la France ne veut pas que la route Metz-Liège, qui passe par Arlon et Bastogne, ne revienne dans le giron de la Confédération germanique.
«La centralité est relative»
L’exposition illustre avec force documents – cartes, tableaux, affiches, photos, objets divers – les raisons d’un choix qui, à l’époque déjà, a fait grincer des dents dans la jeune province: ainsi, Saint-Hubert et Neufchâteau se verraient bien chef-lieu, la première invoquant sa position centrale et les anciens bâtiments de l’ancienne abbaye, à même d’héberger l’administration, la seconde étant déjà le siège d’un tribunal.
Bastogne, Bouillon, Marche et La Roche-en-Ardenne se manifesteront aussi auprès du Parlement, sans plus de succès. «Le principal argument était celui de la centralité, argument d'ailleurs très relatif, avance M. Magnus. La centralité des uns ne correspond pas toujours à celle des autres.»
«Arlon était la deuxième ville du Luxembourg, après Luxembourg, rappelle M. Colling. Au centre du principal bassin de vie, l'agglomération était la plus peuplée. Les cantons d'Arlon, Messancy, Étalle, Virton, Florenville et Fauvillers représentent les 2/5e de la population. Déménager le chef-lieu, reviendrait à obliger une plus grande partie de la population à effectuer des trajets plus longs pour entrer en contact avec l'administration.»
L’essor d’une ville
Au fil des salles du musée, le visiteur assistera au développement du chef-lieu, au cours des XIXe et XXe siècles, à commencer par la construction du palais provincial, à partir de 1845, la création de la place Léopold et de son square, et vingt ans plus tard, l’érection du palais de justice. Il est temps aussi de bâtir un hôtel de ville digne d’un chef-lieu. Arlon aura aussi sa première gare dès 1858, un hôpital de 80 lits en 1895, sera dotée d’un vaste réseau d’égouts et éclairée au gaz. C’est qu’il faut répondre à l’afflux des fonctionnaires, dont beaucoup sont francophones.
La population augmente et le bourg, hier encore rural et agricole, se mue pleinement en ville. De nouvelles artères sont percées, on crée des places publiques et des squares, on construit de nouveaux édifices (des écoles, une prison, des casernes, l’église Saint-Martin,…).
Cet essor, administratif, judiciaire, économique, commercial, militaire, hospitalier ou ferroviaire, l’expo, réalisée en collaboration avec l’Institut archéologique du Luxembourg et les Archives de l’État d’Arlon, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le fait revivre de charmante façon, laissant ressurgir en sépia l’Arlon de jadis, chef-lieu dont la population a décuplé en presque 180 ans.
En 1839, Charles Printz, premier bourgmestre de l’Arlon devenu chef-lieu, habitait la maison qui abrite aujourd’hui le musée Gaspar. Cette exposition, qui se tiendra jusqu’au 6 janvier 2019, est donc aussi un peu un retour aux sources.
Du 3 mai au 6 janvier 2019 au musée Gaspar, 16, rue des Martyrs, à Arlon. Horaires: 063 60 06 54 et www.museegaspar.be