«Ici, c’est un tas d’indécis»
Quelle ambiance à la frontière à l’approche des présidentielles? Rencontre avec le patron et les clients du Vincennes à Carignan, face à Florenville.
Publié le 12-04-2017 à 06h00
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«On en a ras-le-bol! Ils ont tous à faire à la justice et tous tirent dans la caisse.»
À l'évocation des présidentielles en France au café Le Vincennes à Carignan, la réaction de la demi-douzaine de retraités attablés pour le petit café du matin est unanime. Les sarcasmes fusent, les mines dépitées s'allongent. «Je vais me présenter moi aussi aux élections car j'ai besoin de me rhabiller», lance Christian, 73 ans.
Fillon «blanchi à la farine» serait passé «sans ses casseroles» d'après ces retraités, pour qui l'affaire Pénélope a fini d'éclabousser l'ensemble de la classe politique. «Si on gratte un peu, on trouvera d'autres affaires». «Y'a Le Pen aussi!», réagit Monique, 63 ans, qui suit les débats à la télévision et a apprécié la prestation de Philippe Poutoux contre Fillon et Le Pen et sa petite phrase très médiatique: «Il n'y a pas d'immunité ouvrière».
«Poutoux a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas».
Mélenchon, Hamon lâché par Valls… « C'est tellement bizarre. Comment voulez-vous qu'à notre niveau, on comprenne».
Les noms défilent. Aucun favori n'est nommé même si la prestation de Macron sur France 2 la veille semble avoir séduit. «Je me demande où ils vont chercher leur pourcentage alors que personne ne sait pour qui il va voter», reprend Christian. Dans deux semaines, il faudra choisir mais le fait est qu'«ici, c'est un tas d'indécis», résume Patrice, 67 ans.
Sont-ils tentés par l'abstention? Le vote nul «avec des grossièretés» sur le bulletin, ou blanc peut-être, mais l'abstention sûrement pas. Aucun n'a oublié que ce droit, il a fallu le gagner.
L'ambiance avant présidentielle de ce côté de la frontière est «au fatalisme» observe le patron des lieux, Michel Theate.
«Maintenant, le mois se finit le 20»
«Le patron?! C'est pas l'patron! C'est l'ouvrier oui», réagit-il en s'entendant appeler ainsi. Installé avec sa femme depuis juillet 2011, il travaillait avant chez Ford. En six ans, il a vu la situation se dégrader. «Avant, le mois commençait le 5 et se finissait le 25. Aujourd'hui, ça commence le 8 et ça se finit le 20».
Pour autant, il estime que «le secteur de Carignan n'a pas à se plaindre. Il y a beaucoup de travailleurs transfrontaliers qui vont en Belgique ou au Luxembourg (L'Oréal, Ferrero).»
La situation est selon lui moins difficile qu'à Bouillon qui vit essentiellement du tourisme français: «Or, les Français n'ont plus de fric».
Intéressé par la politique qu'il suit de près, il partage néanmoins le ras-le-bol de sa clientèle. «Que ce soit n'importe lequel, il n'en sortira rien du tout. C'est l'Europe qui gère et puis c'est tout. Ce sont les technocrates. Mais j'irai voter. Même si je ne sais pas encore pour qui. Avant on votait par conviction, aujourd'hui, il n'y a plus de conviction ».
Son pronostic: «Les Français resteront français. Ils resteront sur les partis, faut pas se leurrer. Le vote blanc avantagera Le Pen, mais les candidats ne visent que la 2e place. Ça leur suffit. Ils pensent qu'ils auront le report de votes républicains, mais peut-être que ça ne suffira pas cette fois».