L’interrupteur et le cougar
Dans un numéro de L’Express de l’année dernière, on pouvait lire un article titré comme suit : «Cougar : cette espèce est désormais éteinte.» Et, d’emblée, la première phrase de l’article enfonçait le clou : «Ce mercredi 2 mars 2011, le puma de l’est américain a été déclaré, officiellement, éteint aux États-Unis.»
Publié le 26-11-2012 à 07h00
Plus de cougar, donc! Exit le cougar! C’en est fini, n-i, ni-ni, du gros chat à pelage fauve qui, parfois, venait faire de la figuration dans les westerns à grand spectacle de nos enfances.
Mais juste comme l'américain félidé disparaissait du règne animal, son signe linguistique, lui – le mot cougar -, se voyait reconnu dans son second emploi par le Petit Robert. Et je vous donne la définition: «Femme mûre qui recherche et séduit des hommes beaucoup plus jeunes qu'elle.»
On voit par là que le cougar a changé de peau, franchi la barrière des espèces. Le mot, enfin…!
Il est passé à autre chose, il a entamé une nouvelle vie. Notez qu’il a aussi changé de genre, forcément!
Le cougar est maintenant une dame. Et – me pardonneront les mânes de Brassens – je pastiche une de ses chansons pour vous faire voir la dame en question; vous la mettre en situation: «Elle avait, la cougar, de forts arguments. À tous les étages de son académie. Un corsage opulent, une taille faite au tour, et des hanches bien pleines. Elle chassait le jeune perdreau aux alentours de la Madeleine. Et…»
Et je vous laisse imaginer la suite.
Portons maintenant notre attention sur l'interrupteur. Lui, il éteint… Non pas une espèce vivante mais tout appareil mû à l'électricité. Notez que c'est lui aussi qui le met en marche. Mais on a choisi de le nommer, ce dispositif, dans sa fonction… interruptive. On éteint – comme on allume – une lampe en actionnant l'interrupteur.
Et on ne connaît plus, de l’interrupteur, que cette vie-là; cette vie qu’il mène dans le domaine électrique. On a oublié son passé… L’interrupteur avant, c’était aussi quelqu’un. Comme l’écouteur de la semaine dernière!
L’interrupteur est «celui qui interrompt le cours de quelque chose», dit Guillaume du Bellay; 1491-1543 pour vous le situer… Puis l’usage du mot s’est rétréci: il a surtout servi à désigner celui qui interrompt quelqu’un qui parle; le contradicteur. Le mot, dans ce sens, a connu la gloire dès que l’exercice du pouvoir s’est démocratisé; dès qu’il y a eu des assemblées, des discussions… On l’a vu à la Révolution, bien sûr!
«Monsieur le Président, je vous prie de réprimer l’insolence des interrupteurs qui m’appellent bavard», dit Mirabeau, perturbé dans son temps de parole à l’Assemblée nationale constituante, lors de la séance du 5mai 1790.
Mais l’interrupteur électrique a fini par voler la vedette à l’interrupteur réfutateur.
L’interrupteur réfutateur est éteint. Poil au tétin!