Infirmière à domicile, loin du cliché "un lavage, une piqûre"
On a de plus en plus besoin d’elles, et pourtant leur métier est en pénurie. Rencontre avec des infirmières de soins à domicile, lors d’une journée de détente organisée par Luxinfis, à Houffalize
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Publié le 12-05-2023 à 19h34 - Mis à jour le 12-05-2023 à 19h36
"V ous prenez soin des autres, à nous de prendre soin de vous." La phrase a fait mouche auprès d’une quarantaine d’infirmières de soins à domicile en province de Luxembourg. En cette journée de l’infirmière, elles ont pu bénéficier d’une journée bien-être et détente au complexe Vayamundo à Houffalize. Au programme, entre autres: yoga du rire, wellness, sophrologie, conseil en image…
L’occasion pour nous de faire le point avec certaines d’entre elles sur leur métier et son évolution.
Des journées intenses
Attablées devant un petit-déjeuner, nous rencontrons Anaïs Dodet (Tenneville), Alicia Grandjean (Bertogne), Cindy Filloux (de la frontière française) et Marie Rossignon (Rulles). Les unes travaillent dans la région de Bastogne, les autres du côté de Sainte-Marie-sur-Semois.
En une matinée, elles voient entre 20 et 30 patients, sans compter la tournée du soir. Cela dépend des jours et du secteur. " C’est intense", sourient-elles, contentes de profiter de cette journée de détente offerte par Luxinfis, le cercle des infirmiers à domicile en province de Luxembourg.
Loin du cliché: un lavage, une piqûre
Depuis quelques années, leur métier s’est complexifié, s’est diversifié, est devenu plus technique. Ce qui n’est pas pour leur déplaire, bien au contraire. Loin du cliché: un lavage, une piqûre, et hop, au tour du patient suivant.
"Les étudiantes en stage n’en reviennent pas de tout ce qu’on fait à domicile", nous expliquent-elles. Les patients sortant de plus en plus tôt de l’hôpital, ils demandent davantage de soins à domicile, des soins spécifiques qui auparavant étaient assurés en clinique.
Les soins à domicile en pénurie
On le sait, le métier d’infirmier est en pénurie. Si le manque d’infirmière dans les hôpitaux ou en maison de repos est régulièrement au cœur de l’actualité, on parle beaucoup moins des soins à domicile. Les seniors voulant vieillir chez eux, les patients sortant de plus en plus tôt de clinique, il y a de plus en plus de soins à domicile à prodiguer. Le défi est majeur. Il devient de plus en plus compliqué, voire impossible de répondre à toutes les demandes.
Les aides familiales et les gardes-malades étant elles aussi en situation de pénurie, il n’est pas rare de "placer" des personnes âgées en maison de repos, contre leur volonté, faute de suffisamment de personnel disponible pour des soins et un accompagnement à domicile.
Très compliqué aussi de trouver des remplaçants à une infirmière en congé de maternité ou malade. Heureusement, il existe encore des infirmières qui ne font que des remplacements, quitte à ce qu’elles viennent de Charleroi si nécessaire.
"Riche du cœur"
Bernadette Poirrier, infirmière indépendante dans la région de Nassogne depuis près de 40 ans, ne changerait pour rien au monde de métier, même s’il lui arrive de passer plus d’une heure chez un patient Alzheimer ou atteint de démence, "pour des bêtises". Elle est pourtant payée à l’acte.
"J’ai justement choisi d’être indépendante pour prendre le temps avec les patients. Si j’ai envie de prendre une heure, je prends une heure. Je suis peut-être moins riche que les autres, mais je suis riche du cœur."

Vite dit
467 infirmières de soins à domicile
Luxinfis recense 467 infirmiers et infirmières de soins à domicile en province de Luxembourg, dont une très large majorité de femmes. Seules une quarantaine d’infirmières ont participé à la journée de détente. Visiblement, il n’a pas été si simple pour elles de se libérer, même une demi-journée. Le bouche-à-oreille devrait toutefois conduire à un plus grand succès des activités de ce type.
Rencontre avec les médecins
Luxinfis fait le tour des communes de la province de Luxembourg et organise des rencontres entre infirmières à domicile et médecins traitants. Ces acteurs de la santé apprennent à mieux se connaître. Tout bénéfice pour le patient. L’idée est de développer au maximum les soins intégrés. Ils visent à une continuité de la prise en charge du patient.
"Deux jeunes infirmières pour remplacer une vieille"
On le dit des médecins: il faut deux jeunes médecins pour en remplacer un vieux. Les plus jeunes ne prestant plus les mêmes horaires que leurs aînés, afin de ménager du temps pour leur famille. Un constat qui vaudrait aussi pour les infirmières à domicile. Pour d’autres métiers d’ailleurs, la jeune génération ayant tendance à privilégier la famille à la carrière.
Pas facile de recruter
Plusieurs infirmières nous l’ont dit. Il n’est vraiment pas facile de recruter. Les étudiants en soins infirmiers envisagent rarement une carrière dans les soins à domicile lorsqu’ils entament leurs études. "Heureusement qu’il y a les stages", nous confie une infirmière. Ces stages sont souvent une découverte du métier pour les jeunes, et LA porte d’entrée pour de nouvelles vocations.
"Même imposée en Belgique, je resterai"
"Heureusement qu’on les a ", lance Marie Rossignon. Elle parle de ses collègues infirmières françaises qui travaillent chez nous. Cindy Filloux en fait partie. La Belgique est en train de renégocier le moratoire avec la France, afin que les infirmières françaises restent imposées en France jusqu’en 2034. "Même imposée en Belgique, je resterai, je me plais trop dans l’équipe", confie-t-elle.
Luxinfis, un cercle créé il y a 2 ans

En créant Luxinfis, il y a 2 ans, les acteurs des soins infirmiers à domicile ASD (aides et soins à domicile), AIIL (association des infirmiers indépendants de la province de Luxembourg) et CSD (centrale de services à domicile) ont souhaité unir leurs forces afin de répondre aux enjeux actuels et futurs du maintien à domicile, dans le respect des spécificités de chacun. Le cercle infirmier veut être le relais des difficultés du métier vers les autorités compétentes ainsi qu’un lieu d’échanges entre les infirmiers du domicile tant salariés qu’indépendants.
En organisant des formations ou cette journée de détente, Luxinfis fait également se rencontrer des infirmières qui travaillent parfois dans le même village, et ne se connaissent pas. C’est donc aussi l’occasion de se connaître, d’échanger, de partager des bonnes pratiques.