Armel Job, petit meurtre entre faux amis dans son nouveau livre
Thriller psychologique, échiquier, sonde des âmes… Job sort "Le meurtre du docteur Vanloo". Qui a poignardé le charmeur et mal aimé docteur ?
Publié le 06-05-2023 à 07h00
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Armel Job, inspiré du premier au dernier mot, signe une fiction intense, à la cadence narrative effrénée du meilleur goût. Le crime du docteur Vanloo. Une enquête davantage romanesque et psychologique que policière. En voici la trame. Éric Vanloo, médecin et coureur de jupons exerçant au Luxembourg, vit dans un ancien presbytère, dans le bourg de l’Ardenne profonde de Fontenal. Là où le temps passe sans que vraiment rien ne se passe. Jusqu’au jour où le médecin dragueur est retrouvé mort, poignardé chez lui. D’emblée, les soupçons se posent sur plusieurs suspects, femmes et hommes, de son entourage. Tous ont "eu affaire" à lui, de près ou de loin. Tous pourraient être le coupable d’histoires de cœur ? Rivalités entre mâles jaloux ? Dettes à éponger ? Secrets de famille et faux-semblants ? Jeune épouse sortie du chapeau, mais au bord du divorce ? Les mobiles des uns et des autres commencent à tomber et donnent du fil à retordre au patient et imperturbable commissaire Demaret, encadré par la substitute du procureur du Roi et la juge d’instruction. Demaret croit en sa méthode du rond-point à la recherche du coupable. Il tente toutes les sorties possibles. Jusqu’à trouver enfin l’issue.
Le mort, dit-on dans les chaumières, n’a pas volé ce qui lui arrive. Car " personne ne se suicidera sur le cercueil de Vanloo. On dirait même qu’une certaine excitation électrise l’atmosphère, presque joyeuse. Effet du meurtre, naturellement. C’est quand la mort est banale qu’elle fait peur aux gens. Devant le cercueil d’un défunt ordinaire, fauché par un cancer tout aussi ordinaire, on ne se sent pas rassuré. À qui le tour ? À moi ?."
Gosette aux pommes et auberge du cul tourné
Le scénario est brillant. L’intrigue est parfaitement vissée. Aucun rouage ne grince. Jusqu’à l’épilogue, lui-même ambigu sur le devenir du vrai coupable. C’est de l’Armel Job, donc c’est forcément efficace, sobre et maîtrisé. On s’y divertira d’un suspense, d’une atmosphère, entretenus l’un et l’autre par une mise en scène solide et d’une écriture puissante, offrant peu de prise au manichéisme. Bousculeur ironique et malicieux des idées toutes faites et de toutes les formes de déshumanisation, Armel Job écrit décidément en génial colleur de mots et fin observateur, témoin attentif des mœurs de son époque. Il reste et demeure un écrivain à la fois novateur et classique. Un écrivain qui aime dans ses livres traverser les frontières, jouer des genres et des milieux, avec les personnages humbles, fragiles et désabusés. Dans ce dernier récit, une fois encore, on retrouve, égrenés çà et là des belgicismes délicieux (gosette aux pommes, souper…). On boit de la Lupulus de Gouvy, on dort, clin d’œil patoisant, "à l’auberge du cul tourné" Au fil des années – car il est déjà à son vingtième roman -, Job excelle dans l’art de ses lignes extrêmement fluides et bien écrites. Des lignes qui rappellent, de loin en loin que dans "perfection", il y a parfait.
Armel Job, Le meurtre du Docteur Vanloo, Robert Laffont, 332 pp., 21 €, version numérique 15 €.