La clignette wallonne de Michel Francard: Il èst cnuchou come ou vî sou (vidéo)
Chaque semaine, Michel Francard, spécialiste du wallon de Bastogne, présente, traduit et recontextualise des expressions en wallon de la province de Luxembourg.
Publié le 27-04-2023 à 18h10 - Mis à jour le 27-04-2023 à 18h13
Aujourd’hui, je vous invite à découvrir une expression qui se laisse comprendre, mais qui n’est peut-être pas vraiment comprise: Il èst cnuchou come ou vî sou.
Sans doute n’avez-vous guère de problème à saisir le sens de cette expression. Cnuchou come ou vî sou se dit de quelqu’un qui est connu de tout le monde. C’est l’équivalent du français "connu comme le loup blanc", parce qu’un loup blanc a un pelage plus facilement repérable que celui du loup à fourrure fauve ou grise.
Mais que signifie exactement "ou vî sou" ? Vous pouvez l’interpréter comme désignant quelqu’un qui est soûl, donc un vieil ivrogne. On sait que, naguère, ce genre de personnage pouvait être la vedette du quartier ou du village. Mais se pose un problème: en wallon, un ivrogne se dit "oune sôlêye" et quelqu’un qui est ivre est "sô", mais pas "sou".
Il faut donc chercher la solution ailleurs. Le sou dont il est question est la pièce de monnaie, le sou, d’une valeur de cinq centimes, aujourd’hui démonétisée, mais que l’on retrouve dans de nombreuses expressions savoureuses, comme celle-ci: Il èst près d’sès sous "il est très attentif à son argent, il est pingre". Ou celle-là: I lî manke todi dîj nouf sous po fé l’franc, littéralement "il lui manque toujours dix-neuf sous pour faire le franc", "il tombe toujours à court d’argent". Ou encore: I fât prinde lu tins come i vint, èt l’sou pa doû ç’k’i vint "il faut prendre le temps comme il vient et le sou par où il vient" ; en d’autres termes: "carpe diem", "il faut profiter du moment présent".
Ce sou qui circule un peu partout, qui fait partie de notre quotidien, c’est un peu comme notre wallon: pour certains, il est un peu démonétisé, mais nous ne pouvons pas nous en passer.