Jeunes et aînés de la province en voyage de mémoire à Berlin qui n’a rien oublié de son passé
Le conseil provincial des jeunes, le conseil consultatif provincial des aînés et des jeunes de Moselle ont effectué un voyage de mémoire commun à Berlin. Une première
Publié le 02-03-2023 à 07h30
"Ma vie a alors complètement changé. Et j’ai pris ce risque-là pour la liberté" Le récit de Lothar Schulz est marquant. En 1978, il était un jeune ingénieur, âgé alors de 28 ans, habitant en RDA (Allemagne de l’Est) lorsqu’il décide de prendre part à une manifestation à Berlin-Est. Il avait brandi une pancarte pour s’opposer, au régime communiste tout en nourrissant le souhait de rejoindre la RFA (Allemagne de l’Ouest). Au bout de quatre minutes trente, il sera arrêté par la Stasi, la police politique de la RDA, et transféré à la prison de Hohenschönhausen. Les lieux sont désormais un mémorial.
Cette prison de la Stasi était l’un des sites visités lors du voyage de mémoire du conseil provincial de jeunes de la province de Luxembourg (CPJ) et du conseil consultatif provincial des aînés, la semaine dernière à Berlin. Un voyage encadré par l’association les Territoires de la mémoire.
Lothar Schulz, désormais guide dans la prison où il a été incarcéré, évoque la Stasi et ses méthodes de pression plus mentales que physiques, pour tous ceux considérés comme des opposants: lumière allumée en permanence dans des cellules exiguës, interrogatoires serrés… "Nous étions emmenés dans une pièce où il y avait du papier peint et des couleurs, explique-t-il. C’était en contraste par rapport aux cellules. Un moyen d’essayer de nous mettre en confiance pour nous amener à parler. "
L’ancien prisonnier fait aussi preuve de beaucoup de résilience. À l’époque, il sera jugé par le régime de la RDA.
"Devant le tribunal, il était interdit d’utiliser le mot humaniste", rappelle l’ancien prisonnier de la Stasi. Libéré, une première fois, il n’a cependant jamais adhéré aux idées du régime de l’Allemagne de l’Est. Il finira par être expulsé de la RDA, début des années 80, alors qu’il préparait une nouvelle action. Le mur de Berlin, coupant la ville en deux blocs, n’était alors pas encore tombé.
Cette approche de la scission de l’Allemagne, tout comme un passage au mémorial du mur de Berlin, s’inscrit dans une volonté de conscientiser les jeunes à la citoyenneté. Mais particularité de ce voyage de mémoire dans la capitale allemande, il était aussi intergénérationnel vu la présence de six aînés aux côtés de treize membres du CPJ. Un voyage transfrontalier même avec la présence de quatre jeunes Français, membres de la législature sortante du conseil départemental junior de Moselle (CDJ Moselle), pendant du conseil provincial des jeunes.
Les témoignages du passé conservés
Si le mur de Berlin est tombé en novembre 1989 et a été démoli en grande partie, il en reste un mémorial en plein air, où l’ancien tracé est symbolisé par des aménagements urbains et de grandes photos. Même à proximité de la Porte de Brandebourg, devenue symbole de la réunification allemande, une discrète ligne de pavés évoque l’ancienne présence du mur.
Mais Berlin est une destination permettant d’aborder plusieurs périodes de l’histoire. Celle de deux régimes dans une ville coupée en deux de 1961 à 1989, ainsi que l’époque actuelle car la capitale allemande est nourrie d’initiatives citoyennes.
Mais Berlin était aussi la capitale du IIIe Reich au temps du nazisme. Des époques différentes mais avec à chaque fois des formes de résistance.
Le régime nazi avait aussi ses opposants. Le mémorial de la résistance allemande, avec des épisodes parfois méconnus de la seconde guerre mondiale, était au programme de ce voyage.
L’occasion d’y évoquer des figures comme Georg Elser qui avait fomenté un attentat contre Hitler en 1939 ou de Sophie Scholl, étudiante membre de La Rose Blanche, un collectif de résistants allemands au nazisme. Une figure notamment utilisée par les opposants lors de manifestations anti-masques en Allemagne lors de la crise du Covid. Le régime nazi a aussi été évoqué par une visite du camp de Sachsenhausen, maillon du système concentrationnaire situé à une trentaine de kilomètres de Berlin
"Mieux qu’un cours d’histoire"
Des visites et des témoignages visant donc à nourrir des réflexions. "J’ai découvert des choses dont on ne parle pas forcément à l’école et c’était plus parlant qu’un cours d’histoire", confie Isidoria Pietrons, membre du CPJ, originaire de Bouillon. "En visitant la prison de la Stasi, nous avons imaginé ce que cela faisait d’être enfermé, j’étais moi-même mal à l’aise", explique, quant à elle, Manon Marchiol (CDJ Moselle). Ce voyage permettra des connexions entre les conseils pour des projets citoyens.