Le couple de pères aubangeois, coincé au Mexique, est rentré en Belgique avec son fils : "le combat n'est pas terminé" (vidéo)
Après presque trois mois coincés au Mexique, le couple aubangeois a réussi à rentrer en Belgique avec Noa après leur démarche de gestation pour autrui (GPA).
Nicolas GuidiPublié le 01-03-2023 à 19h21 - Mis à jour le 02-03-2023 à 08h37
Souvenez-vous, en janvier dernier, nous vous parlions de l’histoire de ces deux Aubangeois coincés au Mexique avec leur fils Noa né grâce à une gestation pour autrui (GPA) en novembre 2022. Après un long combat, les voici enfin de retour en Belgique pour nous raconter la fin de leur histoire.
"Nous sommes soulagés d’être là et ensemble. Cela a été vraiment très dur psychologiquement, car on ne voyait pas du tout le bout du tunnel. On a changé 7 fois de logements, car à chaque fois, nous devions prolonger notre séjour au Mexique et les appartements que nous avions réservés devaient être remis en location. Et puis, on a perdu beaucoup d’argent durant ces 3 mois", nous confie Dylan Pauly, l’un des deux papas de Noa.
Ce sont toutes les économies des deux hommes qui se sont envolées pour assurer la survie de leur famille à l’étranger. Au total, environ 10 000 euros ont été dépensés sur cette période de 3 mois.
"Je ne mangeais plus"
"Un samedi, Gérald m’a regardé en disant qu’on ne pourra pas payer la maison. Et là, j’ai eu une sorte de déclic. On pouvait ne plus payer les téléphones ou la voiture, mais la maison ce n’était pas envisageable. Je n’arrivais plus à m’alimenter et je déprimais", complète Dylan.
Malgré les difficultés, la pression, le stress et surtout les menaces reçues via des messages ; le couple a fait face à la situation qui s’est finalement débloquée en quelques jours. "Nous avons été épaulés par notre avocate et puis surtout par certains membres de notre famille et de notre cercle d’amis. Je pense que sans eux, cela aurait été impossible. Vers la mi-février, j’ai demandé à Dylan de rentrer en Belgique avec l’acte de naissance et la preuve de renonciation de la mère porteuse mexicaine. Dylan a donc apporté ces documents au service de l’État civil de la ville d’Aubange qui nous ont été d’une aide plus que précieuse", affirme Gérald Decker, l’autre papa de Noa.
Marcher sur des œufs
C’est donc l’administration communale d’Aubange qui a véritablement pris les choses en main pour que cette situation puisse rentrer dans l’ordre. Et là aussi, les choses n’ont pas été des plus simples. "À partir du moment où nous avons été en possession des actes officiels qui nous sont parvenus du Mexique, nous avons pu les enregistrer dans la base de données de l’État civil. En étant bourgmestre et officier de l’État civil faisant fonction, je reconnaissais donc la filiation du papa biologique. Et donc, à partir de ce moment-là, l’enfant a été reconnu comme étant son fils légal et a pu obtenir la nationalité belge", explique François Kinard, le bourgmestre d’Aubange. Sauf que dans un premier temps, la filiation a été… annulée par le registre national.
On repart pour un tour
Il a donc fallu relancer une procédure. "Lorsque je donne un ordre à l’État civil, seul un ministre ou un gouverneur, dans certains cas, peut émettre un contrordre. Personne d’autre ne peut annuler cela. Cela a ensuite été accepté, mais ils nous ont dit de faire attention à la domiciliation de l’enfant. Mais comme l’enfant est rentré, on va pouvoir constater qu’il est bien domicilié. Cela va suivre son cours d’une manière classique, on va dire", ajoute François Kinard. Comme il n’y a aucun cadre juridique autour de la GPA, chaque institution se renvoie la balle. L’office des étrangers, par exemple, a une consigne très claire sur le sujet: il n’est pas question de délivrer un passeport aux enfants nés d’une GPA à l’étranger. Car d’un autre côté, il peut y avoir de très nombreux abus qui aboutissent, évidemment, à du trafic d’êtres humains. Sauf que dans le cas qui nous intéresse ici, l’un des deux papas est bel est bien le père biologique de l’enfant: test de paternité à l’appui.
L’autre père devra, dans un futur proche, passer par une procédure d’adoption intra-familale (vu que les deux hommes sont mariés) pour qu’il puisse être reconnu, lui aussi, comme co-père légal de l’enfant. "Les parents peuvent passer par des procédures judiciaires ou passer par la Commune si ces derniers disposent des actes officiels. Pour utiliser une expression familière: on a un peu le cul entre deux chaises. On doit voir clair dans tout cela, mais ce genre de chose n’est pas toujours simple pour nous non plus. Un meilleur accompagnement du SPF aurait été plus que souhaitable, selon moi", peste François Kinard.
D’autres communes dans le cas
Depuis la médiatisation de l’histoire de ce couple aubangeois, d’autres communes du royaume, qui font face à la même situation, sont entrées en contact avec Aubange pour obtenir des conseils sur leur expérience. "On a récemment eu une prise de contact avec les communes d’Uccle et Orp-Jauche qui rencontrent aussi, en ce moment, une situation similaire. Il y a un vrai manque d’information sur ce sujet", ajoute Stacey Leblanc, employée communale au service de l’État civil d’Aubange.
Un emploi perdu
Dans cette histoire, outre les séquelles psychologiques et les pertes financières, Dylan a malheureusement perdu son emploi. Mais la petite famille a pu obtenir ce qu’elle voulait: son retour en Belgique et sa reconnaissance. "Le combat est loin d’être terminé, nous avons encore des procédures administratives à terminer. Mais toute cette histoire nous a permis d’ouvrir les yeux sur beaucoup de choses et de faire un tri dans notre vie. Je pense aussi que cela a renforcé notre couple plus que jamais. Je ne vois pas ce qui pourrait nous séparer désormais", termine Gérald Decker.
Le couple et le bourgmestre aubangeois espèrent une évolution des lois et décrets pour que la GPA soit enfin mieux encadrée par un arsenal juridique solide. Prochaine étape : obtenir la carte d’identité définitive de Noa.