46% de la population de la province de Luxembourg soumise au risque d’inondation: l’enjeu des évacuations (vidéo)
Le gouverneur de notre province dégage plusieurs pistes de réflexion pour réussir des évacuations de population, lorsqu’une crise majeure se représentera.
Publié le 20-01-2023 à 19h54 - Mis à jour le 20-01-2023 à 20h04
Les évacuations de population, c’est le sujet choisi par le gouverneur de la province de Luxembourg, Olivier Schmitz, dans sa mercuriale. Ce discours d’une petite trentaine de pages, prononcé devant le conseil provincial, est une tradition en province de Luxembourg. Et cette année, il s’inscrit en droit ligne du précédent, sur la culture du risque.
"J’étais à la recherche d’un sujet qui s’intègre dans cette série de crises majeures qui frappent nos pays. Et où le niveau local apporte une réelle plus-value, nous explique le gouverneur. C’est le cas des évacuations. Réussir une évacuation, cela demande des années de préparation et une confiance du citoyen. La confiance, elle se gagne sur le terrain, au niveau local. En province de Luxembourg, si on veut faire aussi bien que l’évacuation des camps scouts lors des inondations d’août 2021, il faut généraliser nos bonnes pratiques. "

Dans votre mercuriale, vous citez ce chiffre: 45,8% de la population de la province est soumise au risque d’inondation. C’est énorme !
En effet, pratiquement la moitié des habitants sont concernés, mais ce risque peut être faible, et il est lié aussi aux ruissellements (NDLR: et pas qu’aux débordements de rivières). Il y a aussi les incendies de végétation qui pourraient donner lieu à des évacuations.
Un des enseignements les plus optimistes qu’on retire de ce qui s’est passé sur la Vesdre, c’est qu’une grande partie de la population inondée, a eu les bons réflexes, sans faire appel aux secours. C’est cette résilience-là, cette intelligence collective qu’on doit entretenir.
L’appel aux radios amateurs
Justement, vous parlez de mieux intégrer les citoyens dans la gestion de crise. Comment ?
Auparavant, on réservait ces matières aux experts. Ils sont indispensables, mais c’est insuffisant. Il existe des tas de compétences sur le territoire. Nous avons déjà des réflexions, des planifications avec des associations qui peuvent nous aider dans des situations de crise. Par exemple avec les radios amateurs. En cas de black-out des télécommunications, nous avons un plan pour déployer des radios amateurs dans les casernes de pompiers et éventuellement dans les services d’urgence. Voilà des personnes passionnées qui acceptent de mettre leur compétence à disposition.
Vous lancez également l’idée d’une plateforme en ligne reprenant des compétences citoyennes ?
Il y a des volontaires qui sont déjà dans une structure comme la Croix-Rouge ou les pompiers. Il y en a d’autres qu’on peut mobiliser au travers de leur association, comme les radios amateurs. Et puis il y a ceux qui vont spontanément se présenter. On l’a vécu lors des inondations. Ceux-là aussi il faut les préparer, les coordonner, pour que l’aide apportée soit adéquate et ne génère pas un risque.
Et c’est justement l’approche locale qui permet d’identifier les bons interlocuteurs.
Des initiatives inspirantes
Que pensez-vous de l’initiative de la ville de Limbourg, qui recherche des volontaires pour devenir personnes de référence dans leur quartier en cas de crise, et informer leurs voisins ?
C’est une initiative fort intéressante, qu’on va observer attentivement. Dans notre province, on pourrait s’inspirer des PLP (NDLR: partenariat local de prévention), "les voisins veillent".
Vous parlez aussi d’intégrer des institutions en amont, c’est-à-dire ?
On a par exemple appris du Covid la plus-value de travailler avec les hôpitaux et la médecine générale, qui n’étaient pas intégrés dans la réflexion, même si bien sûr ils existent dans nos planifications d’urgence.
Comment ça, pas intégrés ?
Dans la gestion de crise, il y a un responsable de la discipline médicale. C’est un inspecteur d’hygiène fédéral, qui lui, a réalisé sa planification avec les hôpitaux. C’est une vision parfois un peu rigide. Quand le DG médical de Vivalia participe à l’une de nos réunions, le partage et le sentiment sont différents, il anticipe des difficultés. Cela nous donne beaucoup d’avance. Idem pour les médecins généralistes.
Celles et ceux qui ont des animaux de compagnie refusent très souvent d’évacuer afin de ne pas les abandonner. Comment les convaincre ?
Selon une étude, 20% de la population refuse d’évacuer à cause de leurs animaux de compagnie. Le gouverneur du Brabant wallon a déjà signé une convention avec des vétérinaires « urgentistes », capables de se déployer avec la SPA, sur des scénarios d’évacuation. Une initiative inspirante.
Comment convaincre les campeurs d’évacuer
Près de la moitié de la population de la province de Luxembourg est soumise directement au risque d’une inondation, soit 120 517 Luxembourgeois, d’après les chiffres collectés par la Zone de secours. "Aucune commune n’est totalement épargnée par ce risque même si certaines sont moins directement concernées ", commente le gouverneur Olivier Schmitz. Les inondations ne se limitent pas aux débordements de rivières, elles peuvent aussi survenir par les eaux de ruissellement.
En croisant les données de la carte reprenant les zones se trouvant en risque d’inondations avec les lieux d’implantation des campings situés dans notre province, il apparaît que 70 se situent en zone d’aléas d’inondations (aléas allant de faible à élevé).
On se souvient que lors des inondations d’août 2021, des vacanciers ont refusé d’évacuer des campings. Certains se sont finalement retrouvés debout sur leur caravane, les pieds dans l’eau. Des pompiers de notre province ont dû prendre des risques pour les sauver.
"Sans revenir sur les raisons qui ont poussé certains campeurs à refuser d’évacuer, la cellule de sécurité provinciale a décidé d’en faire un objectif et de mettre en place un groupe de travail intégrant les représentants du secteur qui, je pense, y verront un intérêt", annonce le gouverneur dans sa mercuriale.
Ne faudrait-il pas changer le cadre légal pour pouvoir contraindre les gens à évacuer ? "C’est une illusion de croire que la menace d’une amende ou autre va changer quoi que ce soit, répond Olivier Schmitz. Pour moi, ce n’est pas un problème de cadre légal, mais un problème de culture, c’est par le biais de la mémoire du risque qu’on y arrivera. "
Vite dit
Discrépance et ultracrépidarianistes
Personnellement, nous avons appris deux nouveaux mots lors de la lecture de la mercuriale du gouverneur.
Discrépance: un terme rare qui signifie divergence, disconvenance.
Ultracrépidarianistes: pour qualifier ces personnes qui donnent un avis sur des sujets en dehors de leur domaine de compétence.
Une évacuation massive, c’est quoi ?
D’après l’OTAN, une évacuation de masse correspond pour un territoire à évacuer 2% de sa population. "Pour la Belgique, il s’agirait donc de plus ou moins 200 000 personnes. Pour notre province, il s’agirait de déplacer et accueillir 6 000 personnes ", calcule le gouverneur.
Horizontale ou verticale
Dans le jargon de crise on parle d’évacuation horizontale ou verticale. Horizontale, pour une évacuation comme l’imagine le commun des mortels: quitter la zone menacée. Verticale, pour le… confinement, où il n’est pas question de quitter la zone mais de se réfugier au sein de son habitation.