Fahimeh, la voix des Iraniennes, depuis La Roche-en-Ardenne
Fahimeh Ilghami, se bat depuis toujours pour le droit des femmes. Elle analyse les événements dans son pays d’origine, l’Iran. Rencontre.
Publié le 10-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 10-01-2023 à 08h43
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Fahimeh Ilghami, vous militez pour le droit des femmes en Iran. Quelle est l’origine de votre combat ?
Pendant mes études universitaires en Iran, je suis entrée dans le mouvement étudiant. Notre principale activité était la dénonciation des actes anti démocratiques du régime et la défense des droits des femmes.
La violence à leur égard par le régime islamique d’Iran porte des noms et des visages différents: le voile, l’honneur, la sécurité de l’État, le non-respect de la religion, la ségrégation.
Depuis que je suis adulte, je me suis battue et je me bats encore pour la liberté, ma liberté et la liberté de toutes les femmes et les filles en Iran et dans le monde entier.
Comment voyez-vous l’Iran aujourd’hui ?
Ce qui se passe aujourd’hui dans mon pays d’origine, l’Iran, c’est que les femmes iraniennes ne supportent plus un certain nombre de règles liberticides. Elles détestent le régime et elles sont persuadées qu’aucun de ces problèmes ne seront réglés tant que ce régime sera en place. La résistance en Iran aujourd’hui est forte et elle s’est répandue dans tout le pays.
Ils ont trop payé et ils en ont assez. C’est la première contestation du monde musulman initiée par des femmes, mais c’est un peuple qui est en train de se soulever, qui est en mouvement. Les femmes sont soutenues et écoutées par des démocrates, dans d’autres pays, qui se sentent très concernés. J’ai l’espoir qu’elles réussissent et je sais qu’elles vont réussir.
Quel sera le visage de l’Iran dans les prochaines années ?
L’Iran va vers une libération. Ce mouvement va renverser le régime. Ce mouvement est déjà, en lui, une victoire: le pays tout entier a réussi à défier ce régime. Le leader aujourd’hui ce sont les femmes avec un seul slogan « Femme, vie, liberté. »
On constate un rejet grandissant de la religion et de la république islamique des mollahs. Tout le monde connaît plus au moins l’histoire de l’Iran. Nous sommes une vieille civilisation avec des valeurs Zoroastriennes, des valeurs ancestrales proches des idéaux des lumières. La modernité, la démocratie, les droits de l’homme. L’Iran de demain s’engagera totalement en faveur de la paix et de la solidarité dans la région. Ce sera « Un pays libre ».
Un Iran démocratique qui ne nourrira aucune attitude hostile ou négative envers n’importe quel pays du monde.
Un Iran dans lequel les femmes ne seront pas des victimes de discrimination et de ségrégation, leurs droits fondamentaux et leur dignité seront respectés.
Un drapeau iranien à l’hôtel de ville de La Roche

Depuis quelques jours, le drapeau iranien flotte sur l’hôtel de ville de La Roche-en-Ardenne. Pas le drapeau actuel, celui de la de la république islamique, mais bien "le drapeau du lion et du soleil, symbole historique de l’identité iranienne", insiste, avec verve Fahimeh Ilghami, iranienne, habitant la région rochoise, à l’origine de cette démarche.
"Je suis très reconnaissante et fière. Je remercie infiniment le bourgmestre et le collège pour leur soutien à la révolte des femmes en Iran", commente-t-elle d’emblée. Elle ajoute: "Avec cet acte, ils ont dit non à la répression féroce du régime religieux iranien sur les femmes qui descendent dans la rue pour l’égalité, la justice sociale et leurs libertés. Liberté de choix, liberté de s’exprimer, liberté de vivre."
Refuser les totalitarismes
Un acte tout aussi symbolique qu’essentiel, qu’elle verrait bien se développer partout: "Le soutien des Européens donne un immense courage aux femmes qui se battent tous les jours contre le régime des mollahs. Elles nous demandent d’être leur voix et c’est le moins qu’on puisse faire pour elles, qui risquent l’emprisonnement, la torture et la mort pour faire entendre les leurs en Iran."
Le bourgmestre des lieux, Guy Gilloteaux, n’a pas longuement hésité avant d’accepter ce geste. Il commente: "On ne peut que refuser les totalitarismes qui s’opposent aux libertés, aux rêves des femmes et des hommes qui dignement font état de la fierté de ce qu’ils sont ou veulent être. Unanimement, le Collège a souhaité ce geste en faveur d’un peuple. Quand il s’agit de femmes, de jeunes femmes qui nous éblouissent par leur courage, pavoiser le drapeau du peuple iranien est un geste bien modeste et j’invite mes collègues à rejoindre ce mouvement d’expression démocrate."
Ce geste se veut également un soutien à notre compatriote Olivier Vandecasteele, prisonnier en Iran.
Fahimeh, en exil depuis 2000
Fahimeh Ilghami se bat pour le droit des femmes depuis toujours. En Iran, elle faisait partie d’un groupe qui milite dans ce sens: "En mars 2000, une partie de notre groupe était arrêtée par les services de renseignement iranien. Notre responsable m’a dit que je devais rapidement quitter mon domicile. Après 6 mois de vie clandestine, avec l’aide de trafiquants humains, j’ai décidé de quitter le pays avec mes deux enfants, de 2 et 5 ans, et mon mari."
En septembre 2000, elle arrive dans notre pays et se retrouve dans la région rochoise. "Quatre ans plus tard, j’ai été reconnue comme réfugiée politique. La même année, ma famille et moi avons eu l’honneur de recevoir la nationalité belge."
Son activité de militante ne s’estompe pas, bien au contraire: "Rapidement après mon arrivée, je suis devenue membre du Parti Libéral Démocrate iranien, un parti politique en exil et opposant au régime. En Iran on ne peut pas être membre d’un groupe ou d’une organisation politique opposant du régime. On risque l’exécution. J’ai été responsable de la section Bruxelles, puis de la section Liège, responsable de groupe de travail des droits humains et particulièrement des femmes et des filles." Un combat sans relâche malgré les nombreuses intimidations dont elle est victime aujourd’hui encore.