«J’ai perdu 1 an à cause de la formation Forem-Bpost à Libramont», le Forem réagit aux critiques
Projet-pilote, la formation Forem-Bpost d’un an a connu plusieurs couacs à Libramont, comme en témoigne ce Bastognard. Le Forem a réagi.
Publié le 03-12-2022 à 06h00 - Mis à jour le 03-12-2022 à 07h31
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En recherche d’emploi, Joffray Tittelbach était ravi de voir le lancement, en 2021, d’un projet-pilote entre le Forem et Bpost avec une formation d’un an permettant d’intégrer le service postal. Mieux, la formation en module long (1 an) devait permettre, pour ceux ne les ayant pas, de passer le CESS ainsi que le permis B.
De quoi convaincre le trentenaire bastognard, déjà détenteur du permis, de suivre ce cursus à Libramont, l’un des cinq centres à accueillir ce module. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu, loin de là. Avec une série de couacs. Et un faible taux de réussite sur les 16 participants initiaux.
"Il y a eu beaucoup de choses, débute Joffray Tittelbach. Après avoir signé le contrat de la formation, il a été expliqué que ce ne serait pas le CESS (NDLR: Certificat d’enseignement secondaire supérieur) que nous passerions, mais le CQ6 (NDLR : Certificat de Qualification). Personnellement, je venais entre autres pour le CESS, pas pour le diplôme professionnel. Il a également été question d’un permis cariste, mais on nous a aussi dit que ça ne se ferait finalement pas. Et il était trop tard pour changer de formation vu le contrat."
Quant au permis voiture, plusieurs candidats ont, semble-t-il, dû se débrouiller eux-mêmes "car Bpost avait mis une échéance à respecter, mais les organisateurs n’arrivaient pas à avoir des rendez-vous dans les centres. Ils s’y sont toujours pris en retard. Certains n’ont pas pu continuer à cause de ça. D’autres ont trouvé des dates eux-mêmes à la même période". À noter, le Forem finançait deux essais au permis, même passés en dehors de la formation.
«On a été pris pour des numéros»
Quelques soucis d’organisation des cours et de communication sont d’autres difficultés rencontrées dans ce cursus, qui était divisé entre des cours au Forem et à la Promotion sociale, un stage chez Bpost et un TFE pour terminer.
Dans le cas de notre jeune homme, il n’a jamais vu la couleur de ce stage. "Début janvier, j’ai reçu un papier disant que je ne pouvais plus suivre cette formation, se rappelle l’intéressé. J’avais réussi mes examens, mais ils ont jugé que mes soucis au dos allaient poser problème avec ce travail et j’ai été écarté. J’ai dû recontacter le Forem pour être réintégré, dans une formation logistique cette fois. Cela a fait que je n’ai rien touché pendant trois mois ! J’ai réussi tous mes examens et mon stage. Mais je n’ai pu passer le TFE qu’en seconde session début septembre car j’avais été prévenu la veille pour la première session et c’était donc impossible de bien s’y préparer. Alors que, à la base, c’est nous qui mettions la pression pour avoir une date.
Au final, en 10 minutes, trois personnes que je n’avais jamais vues ont décidé que j’avais raté mon année. Enfin, derrière, j’ai encore dû faire des démarches pour être au courant de mon échec."
Le Bastognard, qui travaille actuellement en tant qu’intérimaire, ne décolère pas: "Au final, j’ai perdu un an de ma vie pour rien, on s’est foutu de nous, On a été pris pour des numéros. Quand tu veux te donner, mais que tu n’as pas de retour ni d’encadrement efficace, cela démotive. Ce type de formation est censée redonner confiance en soi et c’est le contraire au final. Si je le dis, c’est à titre d’exemple, pour que les choses s’améliorent."
Selon le Forem, sur les 16 participants de base à Libramont, 6 ont été au bout de cette formation-pilote. Pour trois engagés chez Bpost. Un taux de réussite similaire aux autres centres.
Le module long n’a finalement pas été reconduit par la Forem pour la session 2022-2023.
Thierry Ney, porte-parole du Forem : «Le module long a été suspendu, il n’a pas donné les résultats espérés»
Le Forem répond aux critiques sur la formation organisée avec BPost.
Contacté pour répondre aux critiques sur la formation BPost en module long à Libramont, le Forem, via son porte-parole Thierry Ney, précise d’abord que cette formation, "répondait à un besoin de renforts émit par Bpost. Plusieurs pistes ont été lancées. Un module long et un module court ont finalement été mis en place pour la rentrée 2021, comme projet-pilote. La formule courte s’adresse à des personnes sans emploi qui ont le CESS. La formule longue vise aussi à augmenter les compétences et s’adresse surtout aux sans-emploi qui sont plus éloignés du marché du travail car pas de CESS, de permis, etc."
Le porte-parole n’élude pas des soucis dans l’organisation de la formule longue. Si la formule courte, qui rencontre une belle réussite, a été reconduite et ira même au-delà de 2022, la formule longue a été arrêtée. "Le but d’un projet pilote est de voir si ça fonctionne, commente Thierry Ney. On s’est rendu compte que les chiffres n’étaient pas très bons, que ce soit à Libramont ou dans les autres centres. Nous aurions voulu plus d’insertion, plus de choses. Nous n’allions pas redupliquer une formation où le succès n’était pas à la hauteur de ce qui était espéré. La bonne volonté était présente à la base, mais nous avons été confrontés à la réalité du terrain. Il faut dire que c’était une formation très lourde avec plusieurs examens à passer sur une période limitée."
« Il a fallu un rééquilibrage »
Au niveau des soucis pour passer le permis de conduire, le porte-parole confirme, en tempérant: "Le Covid a provoqué des embouteillages pour passer le permis et cette formation a remis une couche. De plus, les auto-écoles ont elles-mêmes eu des difficultés pour trouver des formateurs, ce qui a impacté le timing. Il y a eu des contraintes indépendantes du Forem. D’après nos chiffres, une seule personne n’a pas obtenu son permis à cause d’un double refus." Quant au permis cariste, Thierry Ney indique que cela rentrait, dès le début, dans le cadre de la formation courte et non la longue.
Pour l’obtention du CESS, qui est devenu un CQ6, Thierry Ney admet que le Forem "a toujours communiqué sur le CESS, c’était ce qui était prévu à la base. Mais par rapport aux réalités du terrain, un rééquilibrage a dû être effectué. C’est le lot des tests dans un projet-pilote."
Enfin, pour le cas plus personnel de l’ancien stagiaire bastognard, qui n’a pas pu poursuivre la formation à cause de soucis au dos, le porte-parole assure que "ce n’est pas au Forem à dire si oui ou non, c’est à la personne à se jauger. Si la personne est de bonne volonté, on ne va pas la laisser sur le quai. Nous l’avons accompagné et dirigé vers la logistique, qui est un secteur dans lequel on recherche énormément."
Thierry Ney conclut: "Le succès est en partie lié à la volonté de toutes les parties. La formation avait une série d’atouts, mais les éléments de contexte ont joué leur rôle. Nous avons retiré beaucoup de ce projet. Et la réflexion se poursuit sur une éventuelle nouvelle version longue."