Une juge d'Arlon a trouvé une faille dans le Code pénal et va faire changer la loi
La juge Florence Brilot a posé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle qui lui donne raison, La question porte sur le vol entre époux.
Publié le 25-10-2022 à 06h00
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Il y a 15 mois, le 20 juillet 2021, le tribunal correctionnel d’Arlon décidait, avant dire droit, de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
La juge du fond, Florence Brilot, avait perçu une forme de discrimination dans l’application du Code pénal selon qu’un vol entre époux soit commis en prenant l’argent dans le portefeuille ou en recourant à une carte bancaire.
Elle a interrogé la Cour constitutionnelle qui vient de rendre un arrêt estimant qu’il y a bien une différence de traitement, anormale, et qui va devoir faire l’objet d’une modification par le législateur.
Le vol entre époux… autorisé dans certains cas
Explications.
En 2021, le tribunal correctionnel d’Arlon a eu à connaître du sort d’une dame d’une cinquantaine d’années. De 2014 à 2016, on lui reproche d’avoir utilisé la carte bancaire de son mari, porteur d’un handicap, et d’avoir à partir de cette carte réalisé de nombreux achats et opérations contre l’accord de ce dernier.
Des achats auprès d’Unigro pour 2 880 €, des achats auprès de Trafic pour 3 000 €, auprès de la "Boutique RTL TVI" (téléachat) pour 3 500 €, des virements pour son fils pour 1 240 €, des virements pour ses deux autres enfants pour 450 €, d’autres virements sur son compte personnel pour 1 880 €.
Devant le tribunal correctionnel présidé par la juge Florence Brilot, Me Paul-Emmanuel Ghislain, conseil de la prévenue, a rappelé que le vol entre époux n’est pas condamnable au plan pénal.
En effet, selon l’article 462, aliéna 1er du Code pénal, "ne donneront lieu qu’à des réparations civiles les vols commis par des époux au préjudice de leurs conjoints ; par un veuf ou une veuve, quant aux choses qui avaient appartenu à l’époux décédé ; par des descendants au préjudice de leurs ascendants, par des ascendants au préjudice de leurs descendants, ou par des alliés aux mêmes degrés."
Or, si ce même conjoint a pris l’argent dans un Bancontact ou un Mister Cash à l’aide de la carte bancaire de son partenaire, il ne peut plus bénéficier de cette excuse absolutoire. Le Code pénal considère cette prévention comme une fraude informatique, donc sanctionnable au plan pénal.
La juge Brilot, à Arlon, s’est demandé, avant dire droit, si cette différence de traitement respectait bien les articles 10 et 11 de la Constitution, selon lesquels "les Belges sont égaux devant la loi" et "la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination".
La Cour constitutionnelle, dans un long arrêt motivé et rendu public ce 20 octobre, suit la juge luxembourgeoise. La Cour constitutionnelle estime que cette différence de traitement n’est pas justifiée, une décision qui va vraisemblablement entraîner une modification d’un dispositif du Code pénal au cours des mois prochains.