La porte des "blindés" de l’armée belge se referme sur les doigts des Wallons: le syndicat réagit
Le secteur de l’armement wallon se prend une gifle avec le contrat sur les blindés de l’armée belge. Pas la Flandre.
Publié le 20-01-2022 à 16h46 - Mis à jour le 20-01-2022 à 16h57
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Il y a quelques jours, le débat sur l’exportation d’armes wallonnes revenait à l’ordre du jour des députés: un représentant d’Amnesty était en effet entendu en commission en tant que primo-signataire d’une pétition en ligne, réclamant davantage de transparence sur les licences d’exportation.
"Mais même en Belgique, les entreprises wallonnes ne peuvent plus livrer", constate amèrement la FGTB-Métal.
Ici, on ne parle donc plus de licence d’exportation. Le syndicat fait référence au contrat de sous-traitance conclu en 2018 entre CMI et les Français de chez Nexter pour équiper la Défense belge. Qui va passer sous le nez des Wallons, au bénéfice des Flamands.
«Fier d’être reconnu comme partenaire…»
En 2018, la Belgique prend trois décisions majeures pour équiper la Défense: remplacer ses F-16, ses chasseurs de mines et ses blindés.
Pour ce dernier volet, il s’agit d’acheter 382 blindés de type "Griffon" et 60 de type "Jaguar", le tout à livrer entre 2025 et 2030. C’est le programme CaMo (Capacités Motorisées ).
L’entreprise française Nexter emporte le marché CaMo, qui pèse environ 1,5 milliard€. Sur cette base, les Wallons de CMI-Defence (John Cockerill, Seraing) se mettent d’accord avec Nexter, via un contrat de sous-traitance. Il est convenu que les Wallons géreront une partie de l’assemblage des blindés commandés par l’armée belge et en assureront la maintenance. Dans ce type de marché, c’est ce qu’on appelle des compensations économiques.
En novembre 2018, le président de CMI-Defence Thierry Renaudin s'en réjouit: "CMI est fier d'être ainsi reconnu comme partenaire de son armée nationale pour développer ses capacités opérationnelles. Notre coopération avec Nexter est un bel exemple de la façon dont les industriels européens de la défense peuvent participer conjointement à la concrétisation de l'Europe de la Défense ".
«Patatras»
Et puis, "patratas, ce qui était convenu tombe à l'eau, on ne sait trop pourquoi ", constate le syndicat du Métal: "Nexter décide de faire réaliser la partie CMI en Flandre".
Sont-ils plus compétents dans le nord du pays? "L'industrie flamande n'est pas adaptée à ce genre d'activités, affirme la FGTB-Métal. Elle devra donc créer de toutes pièces des infrastructures. En l'occurrence, la société sous-traitante finalement choisie devra par exemple s'équiper de… cabines de peinture. "
Certes, il y aura sans doute d’autres contrats. Mais avec des soutiens pareils, ces futures guerres-là sont déjà perdues
Les Métallos ont frappé à la porte du ministre fédéral de l'Emploi Pierre-Yves Dermagne (PS). " Il est en charge des compensations. Mais on a affirmé ne pas avoir à se mêler des choix de sous-traitance d'une entreprise privée française, Nexter. L'organisation des retombées économiques des achats pour la Défense nationale serait-elle privatisée désormais?" Et du côté de la Défense, " la ministre Ludivine Dedonder (PS) renvoie… au ministre Dermagne", se désespère le syndicat.
Question d’équilibre
À la Région, le ministre wallon de l'Économie Willy Borsus (MR) était interrogé par le député Laurent Léonard (PS) mercredi en plénière. Après un entretien avec la direction de John Cockerill, "je ne vous le cache pas, ça me contrarie", dit-il. "Ça mérite une analyse et des explications. Je ne vais pas interférer entre des acteurs privés. Mais je ne veux pas être naïf: si on prévoit des retombées économiques directes et indirectes elles doivent être équilibrées." Willy Borsus promet d'en discuter avec le fédéral.
Le contrat représente 18 millions pour John Cockerill. Pas le contrat du siècle, la FGTB en convient. "Certes, il y aura sans doute d'autres contrats. Mais avec des soutiens pareils, ces futures guerres-là sont déjà perdues."
Et c'est aussi, plus largement, un enjeu pour l'emploi ("singulièrement sur le site d'Aubange, où se trouvent les compétences") et la diversification des activités dans ce secteur, ajoute le syndicat.