Georges Simenon, un succès qui ne se dément pas
Le 13 février 1903 naissait Georges Simenon à Liège. 120 ans plus tard, pourquoi le célèbre écrivain à la pipe plaît-il encore aux jeunes générations ?
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/KR7K2HSLVJDVDPIYNI4LLZ5WZ4.jpg)
Publié le 11-02-2023 à 08h00 - Mis à jour le 12-02-2023 à 12h01
Simenon "vend" toujours autant dans le monde que de son vivant, assure Laurent Demoulin, Professeur à l’ULiège et conservateur du Fonds Simenon, qui rassemble toutes les archives de l’écrivain et toutes les nouvelles publications.
Et ça n’arrête pas (voir ci-contre): il est sans cesse réédité, traduit – récemment en coréen ou en polonais — ou retraduit. L’édition de la prestigieuse bibliothèque La Pléiade, publiée pour le centenaire de l’écrivain "s’est énormément vendue". "Le succès de Simenon ne se dément pas", conclut Laurent Demoulin.
LIRE AUSSI | 10 lieux à voir à Liège pour marcher dans les pas de SimenonLe lectorat se renouvelle
Mais qui le lit ? Il l’admet, Simenon n’est pas une lecture "de jeunes". "Mais les jeunes vieillissent, le lectorat se renouvelle. Il y a toujours autant de livres sur lui, sur Maigret, des livres de vulgarisation, des travaux universitaires, des colloques, un festival en mars… On ne le regarde plus de haut comme de son vivant. Il a connu un succès populaire immense mais il souffrait d’un manque de reconnaissance du milieu littéraire".
Analyse psychologique
Ce qui fait la force de Simenon, c’est sa fine observation du genre humain, "Ses portraits psychologiques, psychanalytiques des personnages. Le monde change, mais les rapports familiaux sont toujours aussi complexes, voilà pourquoi ça nous parle encore aujourd’hui, analyse notre interlocuteur. Il s’intéresse à l’homme et à la femme ordinaires, des gens comme vous et moi, qui ont des failles, des problèmes, des histoires familiales compliquées."
Cette dimension psychologique peut nous paraître assez banale aujourd’hui dans les intrigues policières. Mais à l’époque, c’est révolutionnaire. Dans un monde littéraire où les héros du genre, de Sherlock Holmes à Hercule Poirot font appel à la science, aux indices matériels, lui, introduit la densité psychologique dans ses enquêtes. "Et on n’est jamais revenus en arrière".
Une autre des forces de son écriture, très novatrice alors, c’est qu’il "ne fait pas de discours" mais, "donne tous les éléments, et laisse le lecteur faire sa propre analyse. Comme quand il parle d’un rêve, il ne fait pas l’erreur de l’interpréter. Chacun peut y projeter son vécu."
Exotisme temporel
C’est vrai, les romans de Simenon sont très noirs, pas franchement joyeux (l’homme était plutôt pessimiste de nature) et certains détails peuvent paraître un peu pittoresques, vus du 21 siècle: les décors, les voitures, les rapports hommes-femmes, "avec Madame Maigret qui attend son mari à la maison avec de bons petits plats", sourit Laurent Demoulin. Mais cet "exotisme temporel", c’est aussi un plaisir: "on peut prendre plaisir à lire une histoire qui se passe à Paris dans les années 1950, comme on peut avoir le plaisir de lire un roman historique du 19e, comme Balzac". Un écrivain auquel Georges Simenon a souvent été comparé.
Et puis, il y a la force évocatrice de son écriture: "En quelques mots, vous y êtes, il y a les sensations, les ambiances… c’est presque du haïku, Simenon ! Tous les écrivains sont jaloux de ça !"