Liege Airport: ceux qui se plaignent le plus
Le nouveau développement de l’aéroport de Liège, ce sont des terres en moins et du béton en plus. Mais pas plus qu’il ne faut, relativise la Sowaer.
Publié le 10-03-2022 à 19h52
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Troisième round des auditions au Parlement wallon sur le futur master plan de Liege Airport à l'horizon 2040. Pour rappel, un habitant d'Awans a déjà été entendu en janvier en tant que primosignataire d'une pétition signée par plus de 1 000 personnes.
Dans le "camp" des opposants, les députés ont également auditionné, en février, les experts scientifiques proposés par le riverain pétitionnaire, sur les conséquences environnementales, sanitaires et sociales de Bierset.
Jeudi, c’est le "camp" des acteurs du nouveau déploiement qui était auditionné en commission Aéroports du Parlement wallon.
Parmi eux, Nicolas Thisquen, président du comité de direction de la Société wallonne des aéroports (Sowaer). Il relativise les plaintes et rappelle le souci constant des responsables de l’aéroport pour l’environnement et la lutte contre les nuisances sonores.
Béton et biodiversité
Les plaintes, d'abord: un peu moins de 2 000 en 2021. "Il y en a eu 100 000 dans le même temps pour Zaventem", glisse-t-il. Il détaille: 96% de ces plaintes ne proviennent pas des zones de bruit, mais d'une "2e couronne" de communes. Comme Hannut ou Crisnée. Et 72% des réclamations sont émises par 11 riverains.
Sur le plan environnemental, un corridor écologique favorisant la biodiversité fait partie du plan. "Et ce n'est pas du greenwashing ", promet Nicolas Thisquen. Ce qui n'enlève rien au fait que le développement de l'aéroport va engloutir 350 hectares de terres sous le béton, à Bierset. " Mais on respecte strictement le plan de secteur", confirme-t-il à la députée MR Christine Mauel. Forcément, note Olivier Biérin (Écolo), "ça s'impose, légalement, de respecter le plan de secteur. Mais ça reste de la bétonnisation. Vu le contexte climatique, on pourrait revoir une partie des hectares concernés."
La Sowaer n'est pas neutre dans le dossier et Nicolas Thisquen le reconnaît. "Mais on défend l'intérêt général."
Pas celui spécifique des riverains, admet-il encore. Par contre en 20 ans, ils ont bénéficié de mesures d’accompagnement massives (1 608 maisons rachetées, 5 628 insonorisées, etc.).
Mesures insignifiantes?
Pas de quoi satisfaire tout le monde, renvoie Thierry Witsel (PS): "Ces mesures sont de plus en plus considérées comme insignifiantes par les riverains. Bon nombre de citoyens et d'associations pensent que c'est tout le modèle qu'il faut revoir", relaie-t-il.
Nicolas Thisquen constate néanmoins que le niveau de plaintes des riverains accompagnés, en zones A et B, est radicalement plus faible (4%) que celui des habitants de la "2e couronne" (96%, lire plus haut), qui ne bénéficient pas de mesures d'accompagnement. Pourquoi ne pas élargir à nouveau ces mesures, même perçues comme insignifiantes et purement curatives? "On peut proposer beaucoup de choses, sourit Nicolas Thisquen. Mais c'est le gouvernement qui décide."
Laurent Jossart (CEO Liege Airport): «Inciter les compagnies à voler en journée»
Laurent Jossart, le nouveau directeur de Liege Airport, était aussi entendu ce jeudi par les députés wallons. Ce qu’on en retient.
1.Les vols de nuit – Supprimer? Déplacer? Décourager?
C’est une demande des signataires de la pétition, à l’origine de toutes ces auditions: il faut supprimer les vols de nuit. Une étude est en cours actuellement pour connaître les conséquences d’un transfert des vols de nuit des avions bruyants vers des vols de jour ou d’un déplacement de ces appareils vers un autre aéroport.
"Il y a un prix à payer au niveau économique et de l’emploi. C’est plus un choix politique ou sociétal qu’un choix de gestionnaires de cet aéroport", commente Laurent Jossart.
Mais est aussi à l’étude aussi, un nouveau principe de redevance aéronautique qui distinguerait le prix du jour et de la nuit. "Il s’agirait plutôt de réduire le tarif de jour, pour le rendre incitatif, et de garder intact celui de nuit. Et de faire payer plus cher les avions les plus bruyants, comme le 747-400. L’idée est donc d’inciter nos clients à voler plutôt de jour avec des avions moins bruyants."
2. Emploi, aujourd’hui et demain
Une étude de 2018, réalisée par le service d'études en géographie économique de l'Université de Liège (Segefa), "très poussée et empirique", répertoriait 8 715 postes (7 365 équivalents temps plein) directement ou indirectement générés par les activités de Liege Airport en 2018. Pour 2043, selon certaines projections, on comptabiliserait pas moins de 30 000 emplois, directs et indirects.
3.Le master plan en 2040 (600 millions en infrastructures)… ou avant
"On parle de 2,1 millions de tonnes en 2040 (+50% par rapport à 2021). Cette vision 2040 se fera au fur et à mesure du succès de l’aéroport. Si la croissance est soutenue et plus rapide que prévu, on essayerait peut-être d’arriver à cette vision en 2035. Sinon, si la croissance n’est pas au rendez-vous, certains investissements ne seraient pas consentis", résume le CEO de l’aéroport.
4.L’impact FedEx: «Tout ça est fragile, c’est vrai»
La restructuration de FedEx, c’est environ 500 emplois perdus. "FedEx garde quand même 1 200 jobs. Mais on est dans un monde volatil", reconnaît Laurent Jossart. "Ainsi, Airbridge Cargo, un gros client, n’est plus client du tout depuis la crise en Urkaine. Ça a basculé en deux semaines. Tout ça est fragile, c’est vrai."
Le départ partiel de FedEx représente aussi beaucoup moins de vols de nuit: on passe de 18 000 à 6 000. "C’est une mauvaise nouvelle au niveau économique, parce que c’est un acteur structurant. Mais au niveau des nuisances sonores, ce n’est pas négligeable."
5. Alibaba: «Seulement 15 vols par jour»
Le développement du hub de Cainiao sur le site liégeois représente aujourd’hui 4 vols en journée, 60 camions par jour et 125 mouvements par jour (60 vols aller-retour). On en est à 33 000 m2 et 300 emplois (recrutement en cours), "Demain, ce sera 90 000 m2 et 900 emplois, pour seulement 15 vols par jour", veut nuancer le patron du site.
6. L’impact de la guerre en Ukraine
Ce n’est pas la disparition d’Airbridge Cargo qui inquiète Laurent Jossart. "Il sera remplacé. Mais la flambée du kérosène, aura un impact sur nos activités, comme sur d’autres activités de transport."