"Je n’ai jamais touché un euro et j’ai tout perdu": Alain Mathot (PS) en pleurs, à la fin de son procès
"J’ai tout perdu. Je suis innocent. Qu’on me foute la paix." L’ancien député-bourgmestre de Seraing, Alain Mathot (PS), s’est exprimé à la fin de son procès, ce mercredi soir.
Publié le 19-01-2022 à 17h57
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Il a pris la parole en dernier, comme le veut la procédure. L’ancien député-bourgmestre de Seraing, Alain Mathot (PS), a, à nouveau, clamé son innocence. Il n’a reçu le moindre denier, et n’a pas été corrompu pour favoriser l’attribution d’un marché relatif à la construction de l’incinérateur de déchets Uvelia à Herstal. Il n’était d’ailleurs, à l’époque, que "simple" conseiller communal.
Il a notamment fait part de son ressenti. "J'ai toujours eu le sentiment de ne jamais avoir été écouté pour démontrer mes arguments et ma défense. C'est ma vie qui se joue", s'est exprimé Alain Mathot. "Entendre le réquisitoire, se faire démolir, c'est une dureté devant son fils", a-t-il ajouté, en pleurs. "Arrive ce que je ne voulais pas qui arrive. Lors du JT de lundi, on m'a vu dans la salle de la cour d'assises avec mon fils. Il y a 30 ans, il y avait une autre image: celle de moi avec mon père au procès Cools. Maintenant, c'est moi avec mon fils… Mes amis ont été perquisitionnés, l'un d'eux en a fait un infar. Jamais pendant sa plaidoirie, quand elle me traitait de corrompu, de menteur et de voleur, l'avocat du parquet ne m'a regardé dans les yeux. J'ai encore eu ce sentiment que peu importe ce que je disais, on ne me croyait pas, on ne m'écoutait pas. C'est très dur de ressentir ça. Vous savez, j'ai perdu mon boulot, j'ai perdu tout ce que j'aimais faire. Pourtant, même mes plus grands opposants ont dit que je n'avais pas trop mal géré la Ville de Seraing, si je l'entends bien. Je n'ai jamais fait de faillite, j'ai toujours remboursé toutes mes dettes, j'ai géré un hôpital à 350 millions d'euros et je ne crois pas qu'il soit en faillite. Vous savez, je n'ai pas un million ou deux millions d'euros à rendre, je ne les ai pas! Je risque aussi une peine d'interdiction de commercialité. Et je fais quoi moi derrière? Comment je vis? Je dois virer les personnes qui travaillent pour ma société? Je voulais vous dire, Madame l'avocat général, que je suis innocent dans les yeux. Jamais vous ne m'avez regardé. Jamais je n'ai touché un euro. Jamais de ma vie, voilà ce que je voulais vous dire dans les yeux. Jamais je n'ai touché un euro et ça fait quinze ans que je vis un enfer et comme l'a dit mon avocat, que je remercie, qu'on me foute la paix."
Toute la journée, son avocat a longuement plaidé le dossier pour démontrer un manque d'éléments permettant d'asseoir la culpabilité de son client. La défense a évoqué une enquête réalisée exclusivement à charge au départ d'une lettre anonyme, puis des accusations de celui qui est présenté comme le corrupteur, Philippe Leroy, l'ex-patron d'Innova France. Me Jean-Philippe Mayence a balayé les propos de M. Leroy, qui sont "variables et ne sont confortés par aucun autre co-prévenu", d'après Me Jean-Philippe Mayence. "M. Leroy ne donne aucun détail sur des pseudo-rencontres avec M. Mathot à Paris. Il n'y a aucun élément qui permette d'accréditer les préventions reprochées."
Le faisceau d’indices n’est ni assez précis ni concordant pour établir qu’Alain Mathot a reçu des fonds, insiste son avocat. Quand il se rendait en France, ce n’était pas toujours à Paris. Rien ne permet, selon la défense, d’étayer la matérialité de ces rencontres avec Philippe Leroy et la réalité des accusations formulées
L’avocat de la défense a son idée: si le directeur d’Inova accuse Alain Mathot d’avoir perçu de l’argent - on évoque 700.000 euros -, c’est parce qu’il a effectivement soutiré des fonds à son entreprise. Non pas pour les remettre au socialiste, mais pour les garder. Pour se protéger, il a donc menti en accusant avoir corrompu Alain Mathot, selon la thèse défendue par la défense.
Je cherche encore vainement en quoi la lettre anonyme est un élément à charge.
Une déclaration anonyme est à la base de l'enquête judiciaire. "Je cherche encore vainement en quoi celle-ci soit un élément à charge. Aucun élément précis n'a été évoqué dans cette lettre anonyme. Je rappelle aussi que les dénonciateurs d'un tel type de lettre sont toujours intéressés."
À un moment donné, il faut rendre justice à M. Mathot. Ou, à tout le moins, qu’il puisse retrouver un peu de sa dignité.
L’avocat du prévenu a, sans surprise, plaidé mercredi, comme en première instance, son acquittement. Il conteste aussi toutes les confiscations. Subsidiairement, si Alain Mathot devait être reconnu coupable, son avocat a sollicité la suspension du prononcé de la condamnation. L’avocat général Véronique Truillet avait, elle, requis mardi une peine d’au moins deux ans de prison avec sursis, 500 euros d’amende, une inéligibilité de 8 ans et une interdiction de commercialité de cinq ans.
"À un moment donné, il faut rendre justice à M. Mathot", a estimé mercredi Me Jean-Philippe Mayence au terme de sa plaidoirie. "Ou, à tout le moins, qu'il puisse retrouver un peu de sa dignité, c'est tout ce que je vous demande."
L’arrêt sera rendu le 11 mars.