4e vague, retour des vacances, 3e dose, non vaccinés: le Dr Philippe Devos fait le point

Oui, il y a peu de patients atteints du Covid-19 hospitalisés en Belgique. Jusqu’à quand? Doit-on craindre le retour des vacances? Interview du Dr Philippe Devos.

4e  vague, retour des vacances, 3e  dose, non vaccinés: le Dr Philippe Devos fait le point
«En Guadeloupe, les hôpitaux sont saturés et le personnel doit procéder à un triage de patients. Les médecins doivent faire ce que nous, en Belgique, on a toujours réussi à ne pas faire.» ©EdA Philippe Labeye

Follow @TLongrie

Philippe Devos, le chef adjoint du service des soins intensifs à la clinique CHC MontLégia à Liège n'est pas encore en vacances, mais bien au travail au sein de son hôpital. Par ailleurs président de l'association belge des syndicats médicaux (ABSyM), l'intensiviste n'a jamais eu sa langue en poche, lui qui avait averti contre le scénario du pire pour la propagation du coronavirus. Mais que pense-t-il désormais du retour des vacances, de l'administration d'une éventuelle troisième dose ou encore d'une nouvelle vague de coronavirus? Interview.

Philippe Devos, êtes-vous inquiet par la situation actuelle de l’épidémie en Belgique?

Non. Les chiffres des hospitalisations et du taux de vaccination représentent une excellente nouvelle pour la Belgique. Les risques d’avoir des patients aux soins intensifs dans l’avenir est moindre, si on améliore encore la couverture vaccinale des personnes à risque. L’idéal pour cette catégorie est qu’elle soit vaccinée à 100%. Plus on s’approche de cette couverture-là, plus on a de chance de passer un hiver normal. C’est ce que je souhaite à tout le monde, que ce soit à mes collègues intensivistes mais aussi au reste de la population. Surtout quand on voit que dans d’autres pays, comme la France en Guadeloupe et en Martinique, la situation y est compliquée. En Guadeloupe, les hôpitaux sont saturés et le personnel doit procéder à un triage de patients. Les médecins doivent faire ce que nous, en Belgique, on a toujours réussi à ne pas faire.

Quelle est la situation dans les hôpitaux belges?

La situation est gérable, même très calme. On a une poignée de patients Covid dans chaque hôpital, mais on n’a heureusement pas grand monde. Ce qui est décourageant par contre, c’est que dans mon hôpital (CHC MontLégia, à Liège, Ndlr), je n’ai que des patients non vaccinés par choix et non par disponibilité. Évidemment, les patients le regrettent aujourd’hui, tout comme les familles. On a eu plusieurs femmes enceintes dont on doit tirer des grands prématurés pour leur sauver la vie par manque d’oxygène lié au Covid. Il est difficile de voir ça et de se dire qu’on aurait pu l’éviter. C’est difficile moralement. Surtout que dans un hôpital comme le mien, on a un cas par mois. C’est insupportable et beaucoup trop élevé, cela représente un traumatisme pour le personnel soignant. On n’est pas habitué à soigner des jeunes… Je rappelle qu’au niveau de la médecine gynécologique, il est clair que le Covid est un facteur à haut risque de fausse couche. Mais les réseaux sociaux sont parfois plus «écoutés» que la médecine. Je n’irai jamais critiquer le choix d’un patient mais quand le choix qui a été fait est mauvais on le soigne avec le courage que nous avons… C’est dur de voir quelqu’un de jeune qui est prêt à mourir. Moralement, on n’y est pas préparé, qu’on soit médecin ou infirmier.

Si la vaccination continue à progresser, elle devrait nous permettre d’éviter tout risque de saturation.

4e vague, retour des vacances, 3e dose, non vaccinés: le Dr Philippe Devos fait le point
©Reporters / QUINET

À votre avis, la Belgique pourrait-elle être épargnée par une 4e vague?

Oui. On se dirige vers une augmentation des contaminations, c’est inévitable, puisque l’hiver va arriver. On aura donc une augmentation des admissions dans les milieux hospitaliers, mais si la vaccination continue à progresser, elle devrait nous permettre d’éviter tout risque de saturation. Elle entraînera une vague d’hospitalisations gérable, comme avec la grippe chaque année et les autres maladies virales et pulmonaires transmissibles. Cela dit, il est encore un peu tôt pour crier victoire. Ce scénario-là est, en tout cas, un scénario possible. Mais j’ose espérer que les personnes à risque non encore vaccinées vont comprendre l’enjeu d’être protégé contre le Covid-19. Surtout que je pense que tout le monde est enfin bien conscient que personne n’est à l’abri d’une contamination.

On a une chute énorme dans le nombre d’étudiants infirmiers inscrits. Surtout dû au fait, aussi, que les années d’études soient passées de trois à quatre ans. C’est une mauvaise décision.

Si le nombre de patients hospitalisés devait augmenter sensiblement, les hôpitaux sont-ils prêts à y faire face?

Oh, on commence à être rodé. (Il sourit.) Malheureusement, on n’a pas plus d’infirmiers que l’an dernier. Cela reste notre préoccupation. D’autant que cette crise sanitaire n’a pas entraîné de vocations, c’est même plutôt l’inverse. On a une chute énorme dans le nombre d’étudiants infirmiers inscrits. Surtout dû au fait, aussi, que les années d’études soient passées de trois à quatre ans. C’est une mauvaise décision. Puis, en termes de salaire, l’État estime que cela ne vaut pas un cent de plus. C’était un message catastrophique à donner et l’État l’a fait. On va donc rester à flux assez tendu sur le nombre d’infirmiers. Affronter la crise comme on l’a fait en novembre dernier, ce serait aujourd’hui purement impossible. J’espère qu’on n’aura plus à vivre un tel scénario.

Aujourd’hui, estimez-vous que la Belgique est assez vaccinée?

Globalement, oui. Au niveau de la population à risque, on a plus de 95% des plus de 70 ans qui le sont. Il reste encore du travail pour les 40-70 ans, dont certains souffrent d’obésité.

Une troisième dose? Plutôt pour 2022, sauf pour les personnes qui ont des problèmes immunitaires connus.

On évoque de plus en plus la possibilité d’administrer prochainement une 3e dose… Qu’en pensez-vous?

Aujourd’hui, médicalement, cela semble nécessaire pour les personnes qui ont une mauvaise immunité. Pour celles qui, au contraire, ont une bonne immunité, il n’y a aucun intérêt à administrer une troisième dose. Les variants actuels répondent bien aux vaccins comportant deux doses. Alors, demain, faudra-il faire un rappel pour les nouveaux variants? Oui, comme c’est le cas avec la grippe où chaque année, on effectue un rappel pour éviter les variants. Ce sera la même chose pour le coronavirus, même si c’est encore prématuré… Ce sera plutôt pour 2022 sauf pour les personnes qui ont des problèmes immunitaires connus. Puisque l’immunité des personnes âgées ne fonctionne pas comme chez les plus jeunes, par exemple.

La fermeture des grands centres de vaccination et l’ouverture de centres de proximité, est-ce une bonne idée?

S’il devait y avoir davantage de demandes, il faudra s’en remettre aux médecins généralistes. L’an passé, même en pleine deuxième vague du mois de novembre, les généralistes ont réussi à vacciner 3 millions de Belges contre la grippe. Ils sont donc aptes à faire de même pour le coronavirus, peut-être avec l’aide de la médecine scolaire pour les adolescents. Mais je suis plutôt confiant.

Le vrai test grandeur nature, c’est la rentrée des classes et plus particulièrement la rentrée du supérieur.

Dernière question: craignez le retour des vacances?

Pas plus qu’en juillet, non. Le vrai test grandeur nature, c’est la rentrée des classes et plus particulièrement la rentrée du supérieur, où on l’annonce en full présentiel. Là, il y a le risque d’avoir une remontée des contaminations, voire des hospitalisations. Je croise les doigts pour que la vaccination ait encore fait un pas de géant et que la remontée des cas soit faible, voire bénigne…

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...