VIDÉO | Voici le parcours du combattant des personnes malvoyantes ou aveugles à la recherche d’un emploi
Oui, il y a des personnes déficientes visuelles qui travaillent ou sont en recherche d’emploi. Même si en période de Covid, c’est encore plus difficile de décrocher un job.
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Publié le 20-11-2020 à 15h47
À 52 ans, Jean-Paul Venuto présente une particularité: il est malvoyant. Un obstacle supplémentaire dans sa recherche d’un emploi. Devant son ordinateur, le Sérésien doit s’approcher au plus près de son écran pour tenter de déchiffrer ce qu’il y est inscrit.
Sans emploi depuis un an et demi après avoir travaillé au sein d’une société chargée de réaliser des compléments alimentaires pour la pratique sportive où il s’occupait essentiellement du développement du marché au Brésil et de l’exportation au niveau de l’Europe, il ne s’avoue pas vaincu.
«J'aime les métiers de contact, parler avec les gens, organiser des événements et des rencontres», souligne-t-il. «Je recherche un travail dans un hôtel, comme par exemple dans un service de conciergerie où on est au service des clients, où l'on doit essayer de se couper en quatre pour satisfaire leur séjour, ou encore dans un service de communication pour l'organisation d'événements et de conférences, voire encore dans un service protocolaire.»
En cette matinée, Jean-Paul Venuto s’apprête à recevoir un cours dispensé par vidéoconférence pour créer son entreprise. Une pratique qu’il ne maîtrise pas encore, mais il ne lui faut que quelques minutes pour se connecter. Si Jean-Paul suit cette formation, c’est grâce à l’accompagnement de la cellule socioprofessionnelle de l’ASBL liégeoise La Lumière, qui accompagne depuis de nombreuses années les personnes aveugles et malvoyantes en recherche d’emploi ou en activité. Avec un double objectif: le premier de favoriser l’intégration de personnes malvoyantes dans la vie active. Le second de sensibiliser les entreprises pour qu’elles accueillent des personnes malvoyantes.

«Je me suis tourné vers La Lumière pour voir quelles étaient les directions à prendre, refaire le point sur mon profil car je n'avais plus de CV actualisé.» L'association liégeoise, comme d'autres en Belgique, travaille sur l'acceptation de leur handicap visuel, leur confiance en eux, leurs attentes et les démarches nécessaires pour que leurs recherches aboutissent. Un écrivain public les aide également dans la rédaction de leurs CV et lettres de motivation. « On m'a ensuite dirigé vers l'ASBL Mission régionale pour l'emploi (MIREL), où j'ai passé des tests d'aptitude et où on a remis mon CV au goût du jour.»
Le contexte économique est difficile, encore plus maintenant, avec la crise du coronavirus.
Trouver ou retrouver un emploi en cette période de pandémie du coronavirus s'avère, on s'en doute, plus complexe. «Le contexte économique est difficile, encore plus maintenant», nous explique Maryvonne Wéry, assistante sociale et référente de la cellule socio-professionnelle de La Lumière. «Mais même en dehors de la période Covid, c'est quand même difficile. Cela dit, ce que nous souhaitons mettre en place avec les personnes qui sont actives dans leur projet, c'est de l'emploi inclusif. Avant, il y avait du travail, de l'emploi spécifique pour les personnes handicapées de la vue alors que maintenant, c'est la société qui s'adapte.»
Notre objectif, c’est que la personne reprenne confiance en elle et qu’elle trouve finalement un emploi pérenne.
Et l'assistante sociale d'ajouter: «On travaille le projet de la personne en adaptant dans des limites raisonnables. En résumé, on suit son rêve, son projet, on part de ses compétences et pas de son handicap et on avance avec des outils pour qu'elle reprenne confiance en elle et qu'elle trouve finalement un emploi pérenne. Parce que le travail représente, pour ces personnes, une reconnaissance de la vie. De pouvoir être reconnu, de se sentir utile à la société.» Certains souhaitent par exemple simplement retrouver un lien avec la société, «et on les oriente alors vers des activités de loisirs».
Dans le cadre de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, La Lumière en profite pour attirer l'attention des personnes qui ont une déficience visuelle et qui vivent dans le doute ou la peur d'y arriver. Car rien n'est impossible. Des professionnels sont à leur disposition pour les aider au mieux, sans les stigmatiser. «Mais, il faut oser franchir le pas et passer le cap de l'institution.»
En Wallonie, malgré des nombreuses aides de l’Agence pour une vie de qualité (AViQ) octroyées aux employeurs, le taux d’emploi des travailleurs en situation de handicap n’est que de 31,7%.

À 47 ans, Laurence Dubois l’a bien compris. Atteinte d’une cécité presque complète, elle œuvre comme thérapeute énergétique en massages à l’espace bien-être Ghislain Leger situé au cœur de la Cité ardente. Un emploi qu’elle a décroché il y a quatre ans. Dans un environnement calme, dédié à la détente, elle s’occupe de câliner ses clients, de leur procurer un moment de relaxation, avec ses mains expertes… dans l’obscurité ou même dans le noir.
Après avoir débuté avec un contrat d'adaptation professionnelle, la voilà désormais employée en CDI. «Lorsque je suis arrivée, je pratiquais le massage du corps et la réflexologie plantaire», dit-elle d'une voix douce. «Au fur et à mesure du temps, j'ai néanmoins continué à me former. Depuis lors, j'ai appris le massage pour femmes enceintes, le massage crânien énergétique, le massage spécifique pour les jambes lourdes.»
Je suis déjà arrivée en pleurs à cause des transports en commun!
Une véritable passionnée se cache derrière ce petit bout de femme, qui n'hésite pas à braver les difficultés quotidiennes pour se rendre sur son lieu de travail. «Prendre le bus n'est pas toujours facile lorsque les arrêts changent», dit-elle. «Je suis déjà arrivée ici en pleurs car je me suis sentie perdue. Mais une fois que j'arrive ici et que je suis dans mon élément, cela va bien, j'ai mes repères.»
Décrocher un emploi, peu de personnes malvoyantes ou aveugles y croient. «La première formation en massage que j'ai suivie date de 2012. J'ai d'abord expérimenté la pratique avec mes proches et au bout d'un an ou deux, j'ai voulu travailler dans ce secteur-là.»
Un parcours du combattant suivra, hélas. «Cela a été très difficile de trouver une structure qui était capable de m'accueillir. Même en bénévolat, c'était compliqué.» Mais Laurence ne se décourage pas pour autant. «J'ai eu un petit passage à vide, une grosse période de démotivation», reconnaît-elle. «Jusqu'au jour où j'ai eu le ras-le-bol d'avoir cette passion pour le massage et de rester à la maison.» Elle s'adresse à La Lumière, qui la guidera dans ses démarches. «Et le premier contact que j'ai eu, cela a été avec Ghislain (Léger, son employeur, Ndlr). Et je m'y sens très bien depuis quatre ans.»
Ne baissez surtout pas les bras, continuez à y croire.
Privée de son activité en raison de la pandémie du coronavirus et des mesures gouvernementales, Laurence espère reprendre son activité prochainement. D’ici là, elle souhaite transmettre un message aux personnes qui auraient peur de travailler.
«J’ai envie de leur dire de ne pas baisser les bras, de continuer à y croire, car c’est possible. Quand on a la volonté et la détermination, les choses arrivent au moment où elles doivent arriver. Il ne faut pas hésiter à poser des questions, à interpeller des associations, à aller vers d’autres personnes, comme moi. Il faut y croire, surtout ne pas se décourager. Regardez-moi: j’ai signé mon vrai contrat à l’âge de 44 ans alors que je ne pensais jamais travailler.»
Elle apporte une plus value à notre espace bien-être.
Laurence Dubois se rend compte de la chance d'avoir pu décrocher un travail. Son patron ne tarit pas d'éloges à son égard. Tant la quadragénaire est appréciée des clients. «Sa plus grande qualité, c'est d'être une personne indépendante», confie son patron, Ghislain Leger, du nom de l'espace bien-être. « Et puis, ce qui est fabuleux, c'est qu'elle aide à la formation des autres collaborateurs. Elle les forme aux massages crâniens, notamment. Elle apporte vraiment une plus-value à notre espace bien-être.»
Des aménagements de son poste de travail ont été réalisés et financés par l’Agence pour une vie de qualité (AViQ). Ainsi, Laurence dispose notamment d’un lecteur d’étiquettes pour s’y retrouver dans les produits qu’elle utilise au quotidien, d’un dictaphone ou encore d’un appareil permettant de reconnaître les couleurs.
ASBL La Lumière, rue Sainte-Véronique 17 – B-4000 Liège. 04.222.35.35 www.lalumiere.be