Légalisation du cannabis, laxisme wallon: l’interview-vérité de Willy Demeyer
Vice-président du PS, Willy Demeyer ne mâche pas ses mots. Du gouvernement fédéral à la toxicomanie, le Liégeois n’élude aucun sujet.
Publié le 28-01-2020 à 07h00
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Il se porte bien, «même si je suis plus proche de Robermont (le centre funéraire) que de ma première communion». À la suite de sa crise cardiaque, Willy Demeyer, le bourgmestre de Liège et vice-président du PS, prend quelques médicaments et suit des séances de revalidation cardiaque. Avec Paul Magnette, Philippe Close et Anne Lambelin, il compte «mettre en place toute une série de choses qui sont importantes pour le développement de la Wallonie».
Willy Demeyer, comment voyez-vous le gouvernement fédéral?
«Je pense que l’évolution naturelle (la régionalisation, la séparation des partis) fait que les gens ne se connaissent plus. J’ai rencontré lors des voeux du PS le nouveau président du parti socialiste flamand sp.a. Ce Gantois de 27 ans m’a dit qu’il n’était jamais venu à Liège. Voilà un exemple. Les personnes ne se connaissent plus parce que vous avez des écuries régionales qui se forment. (...) Il y a un vrai souci à ce niveau-là, avec le développement de deux opinions politiques séparées. J’entends dire que le nouveau président du MR veut refédéraliser. Je ne pense pas que cela soit la tendance actuelle.»
Que préconisez-vous?
«Il faut appliquer la méthode de Paul Magnette: travailler de bonne foi sur des dossiers, pas sur des programmes. Si un parti dit qu’il veut vraiment travailler, il doit le faire y compris sur base de ce que les autres demandent. Il faut savoir l’entendre.»
Liège est confrontée à un phénomène sociétal important: la toxicomanie. Des salles de consommation, c’était la solution?
«Bruxelles et Charleroi sont sur la piste et Namur ne serait pas fermée à cela. C’est une partie de la solution, mais il y en a d’autres. La guerre contre la drogue est-elle perdue? C’est la question qu’on doit se poser. Le cannabis est partout. Je n’en croise pas, mais je suis un des seuls. J’ai peut-être déjà mangé dans un gâteau sans m’en rendre compte. (Rires.) En Belgique, la cocaïne est partout, y compris dans des milieux qui ne sont pas des milieux huppés parce que cela rentre à la fois par Anvers et la Hollande. Et Liège est au confluent des marchés, parce que l’offre est importante et le produit d’une certaine qualité. Si vous avez la coke plus l’alcool, cela vous donne un cocktail difficile à gérer en privé et sur la voie publique.»
Mais il n’y a pas de solution miracle, si?
«On est dans une grande hypocrisie. Si vous parlez avec la plupart des gens, on me dit que la drogue n’existe pas alors que tout le monde sait qu’il y en a partout. La police ne s’en sort pas. Si vous parlez avec des magistrats influents, ils vous disent qu’on a perdu. L’héroïne, n’en parlons pas, c’est ringard maintenant. Donc, laisse-t-on encore nos jeunes se faire leurrer par cela, ou est-ce qu’on organise le marché et qu’on régente le phénomène? Soit on est dans une rigidité de principes qui n’est pas adaptée à la réalité mais on se donne les moyens d’influer sur la réalité, ou alors on est plus pragmatique.»
En légalisant le marché?
«J’ai déposé trois propositions de lois, toujours pendantes. Une sur le cannabis, une sur les salles de consommation et une sur le traitement à l’héroïne comme médicament. Cela a bien fonctionné. C’était expérimental, mais ce n’est pas passé dans la loi. À Liège, nous avons développé toute une vision avec un consensus, mais qui n’a pas été validée. Cela veut dire que si nous étions une communauté urbaine avec des pouvoirs législatifs en la matière, ce serait déjà fait, comme à Barcelone et comme dans toutes les grandes métropoles européennes. Ici, nous sommes bloqués par quelques partis. Et là, c’est le raisonnement que tout le monde tient en politique: de dire qu’on serait plus tranquille si on était séparés puisque les autres nous empêchent de faire si ou cela. Vous imaginez: si vous légalisez le cannabis et si vous en organisez la vente par les pouvoirs publics, vous en dégagez des milliards d’euros de bénéfices que vous affectez notamment à la prévention. Aux yeux des ados et des jeunes, on passe pour des cons, des gens qui n’ont pas les yeux en face du trou.»
En Wallonie, on laisse tout faire!
«On vient saccager nos campagnes»
«À Maastricht, ils ont tout ce qu'il faut pour lutter contre le sans-abrisme et la drogue, souligne Willy Demeyer. Il y est interdit d'aller urbaniser les campagnes aux alentours. Tout le monde est prié d'habiter en ville. Et ceux qui ne sont pas d'accord, ils viennent saccager nos campagnes et on les laisse faire. En Wallonie, on laisse tout faire! Mais j'ai beaucoup d'espoir dans la législature qui s'annonce. Par rapport à la déclaration de politique régionale, vous avez une note importante sur les métropoles, le phénomène urbain, le développement territorial différencié. Il faut promouvoir la centralité partout, respecter les campagnes mais l'étalement urbain est une catastrophe et va se révéler impayable. Mais Maastricht, c'est un autre monde, à tout point de vue. À Liège, les gens ne demandent qu'à prendre les vélos. Simplement, il faut leur donner des espaces sécurisés.»
L’avenir de Nethys et Enodia?
«Je ne ferai aucun commentaire sur le dossier, mais je m’exprimerai à un moment. [...] En ce qui concerne l’avenir, je souhaite, si des sommes sont dégagées, qu’elles soient consacrées au logement. La Ville de Liège a besoin de sommes importantes pour les investir dans le logement: raser certains quartiers et les reconstruire, acheter pour les pouvoirs publics des appartements ou des maisons dans les projets privés existants à la fois pour garantir la mixité et pour faire en sorte que le logement reste accessible à tout le monde. [...] Nous avons besoin d’une démarche immobilière publique à cet égard.»