Dans la tête d’un compositeur
Naît-on ou devient-on compositeur? Question à Michel Fourgon qui enseigne la composition. Et propose sa dernière œuvre au festival annuel de l’OPRL.
Publié le 29-01-2019 à 06h00
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Certains sont, tel Obélix, tombés dedans quand ils étaient petits. C’est le cas de Michel Fourgon. Des parents professeurs de solfège au Conservatoire de Liège, amis d’Henri Pousseur alors directeur du même conservatoire, ça laisse nécessairement des traces. À un peu plus de cinquante ans, l’homme compte désormais dans le petit monde belge des compositeurs classiques. Sa dernière création inspirée du «Divan» de Goethe lancera, ce jeudi, le festival annuel de l’Orchestre philharmonique royal de Liège qui, sous le nom de «Storytelling», explore les liens entre musique et écrivains.
Pas un Martien
« Composer, ça s’apprend. Je l’enseigne d’ailleurs à Liège. Certains étudiants arrivent déjà décidés à suivre cette voie. D’autres, instrumentistes, y prennent goût et font alors une double formation. J’ai une quinzaine d’élèves par an, venus de tous les coins du monde.»
«Il y a sans doute une part de don mais ça ne suffit pas. Il faut beaucoup travailler. Celui qui a un don et ne travaille pas, n’arrivera nulle part. Mozart ou Beethoven, pour ne prendre que ces deux exemples, ont dès l’enfance énormément travaillé.»
«Quand on compose, on utilise surtout ce qu’on appelle notre audition interne. C’est très simple à comprendre. Si je vous dis “Frère Jacques”, vous n’avez pas besoin de chanter la ritournelle tout haut pour l’avoir dans la tête. C’est une faculté que nous avons tous, ça n’a rien de martien. Mais il faut travailler, maîtriser le solfège, connaître les instruments etc.»
Ses «maîtres»
«Mes parents étaient des amis d’Henri Pousseur, il m’a beaucoup encouragé. Plus tard lorsqu’il était directeur de l’Orchestre philharmonique de Liège, Pierre Bartholomée m’a soutenu. Il m’a commandé ma première œuvre pour orchestre. Et puis il y a Claude Ledoux aussi qui a été mon professeur.»
Vivante pas contemporaine
«Je n’aime pas parler de musique contemporaine mais plutôt de musique vivante. C’est une musique de tradition classique qui s’inscrit dans son temps. Ce n’est plus la musique sérielle ou atonale des années 50 et 60. Aujourd’hui, on retourne vers le public. Je dis toujours à mes étudiants qu’ils doivent essayer d’allier pensée et sensibilité pour écrire quelque chose de compréhensible pour le public. Mais l’objet n’est pas de plaire absolument. Je fais d’abord ce qui “me” plaît.»
Goethe pont entre l’Orient et l’Occident
«Goethe a écrit son " Divan " (NDLR: recueil de poèmes) inspiré par le poète perse du XIVe siècle Hafez de Chiraz, le Shakespeare iranien. Hafez avait bouleversé Goethe. J'ai trouvé très beau qu'un des plus grands poètes occidentaux s'inspire d'un poète oriental. Ça s'inscrit dans l'actualité: nous sommes faits pour partager nos cultures.»
«J’ai utilisé deux matériaux de base dans ma composition. Une mélodie persane traditionnelle et de la musique polyphonique de la Renaissance italienne.»
Un trombone, un chœur et un orchestre
«Goethes Fragmente est écrit pour trois protagonistes qui sont à égalité. Un trombone qui est joué par Alain Pire. Je voulais écrire pour lui, nous avons beaucoup travaillé ensemble. À ses côtés, il y a l'orchestre bien sûr dirigé par Christian Arming et enfin, le Chœur de chambre de Namur qui sera constitué de 16 voix d'hommes et placé au centre de l'orchestre. L'œuvre est d'ailleurs une commande du Centre d'art vocal et de musique ancienne de Namur.»
Du slam à la musique symphonique
Du jeudi 31 janvier au dimanche 3 février, le festival Storytelling de l’OPRL met en lumière les liens qui unissent la littérature et la musique.
Six concerts très différents sont prévus dont quatre avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège. Plusieurs lieux accueilleront ces concerts.
La création de Michel Fourgon s'intègre dans un programme «Goethe» où il côtoiera Beethoven (Egmont) et Schubert (Salle philharmonique le 31 janvier à 20 h). La soirée sera retransmise en direct sur Musiq'3. Un autre concert du festival, Métamorphoses (samedi à 16 h à la Salle philharmonique) sera, quant à lui, transmis en différé le 4 février à 20 h.
Mais le festival proposera aussi du slam qui associera poésie et musique classique ou encore du rap avec Pitcho et l’ensemble Musiques Nouvelles.
Renseignements et programme complet sur www.oprl.be.