Comment les non-voyants lisent-ils? Avec le braille, mais pas uniquement
À Liège, la bibliothèque de l’ASBL La Lumière abrite des milliers de livres pour déficients visuels. On y défend ardemment le braille, un système d’écriture dont on célèbre la journée mondiale en ce 4 janvier..
- Publié le 04-01-2019 à 09h31
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Avec ses armoires coulissantes et ses centaines d’ouvrages, elle ressemble à une bibliothèque classique. Pourtant, la bibliothèque de l’ASBL La Lumière, à Liège, se distingue des autres, puisqu’elle n’abrite que des ouvrages destinés aux déficients visuels, qu’ils soient aveugles ou malvoyants.
C'est ce 4 janvier que l'on célèbre la journée mondiale du braille, ce système d'écriture en relief fondé en 1825. Pour le grand public, il peut sembler évident que la plupart des déficients visuels ont accès à la lecture et à l'écriture grâce à ce code, mais cette idée ne correspond pas à la réalité. «Seuls 10 à 15% des déficients visuels savent l'utiliser», rétorque Anne Dautrebande, transcriptrice braille à La Lumière. Dans la bibliothèque, d'ailleurs, on compte grosso modo 1 100 livres en braille, mais 9 500 livres sonores et 350 à 400 livres imprimés en grands caractères. Plusieurs options cohabitent donc pour accéder à la lecture. Chacune a ses spécificités, convenant à certaines personnes et moins à d'autres.
Il n'empêche qu'à la Lumière, association qui prône depuis un siècle l'intégration des personnes déficientes visuelles, on défend l'apprentissage du braille d'autant plus qu'il est menacé. Il s'agit en effet d'un formidable vecteur d'intégration et d'autonomie, à l'instar de l'écriture et de la lecture pour les personnes voyantes. «Sans le braille, nous sommes des analphabètes, ce qui est encore plus stigmatisant et discriminatoire», considère Anne Dautrebande.
Plusieurs freins entravent cependant son apprentissage. «C'est compliqué, cela prend du temps. Les jeunes non-voyants l'apprennent sans trop de difficulté, mais c'est dur pour les plus âgés», explique Lydie Fraymann, qui enseigne le braille à La Lumière. Le fait que de plus en plus de personnes perdent la vue à un âge avancé influence certainement les statistiques.
Les technologies d'aide sonore constituent une concurrence. «C'est pratique, ça ne demande pas d'apprentissages, constate Anne Dautrebande. Le braille nécessite aussi du matériel un peu onéreux. Et psychologiquement, certains lui trouvent un côté stigmatisant.» Pourtant, assure-t-elle, le braille s'est adapté à notre époque. Des barrettes braille, adjointes au clavier, permettent aux déficients visuels d'utiliser les ordinateurs. Les smartphones se sont également adaptés de façon remarquable. Voilà peut-être ce qui fera son salut.

Certains ouvrages sont déjà disponibles. Mais bien souvent, La Lumière se charge elle-même de la retranscription. Un logiciel permet de scanner et de traduire le texte, mais une relecture humaine est nécessaire. La machine permettant «d’imprimer» les feuilles en braille s’appelle l’embosseuse. Avec des caractères qui requièrent de la place et à raison de 27 lignes par page, les ouvrages deviennent parfois très volumineux.
Livres sonores

La Lumière possède des cabines d’enregistrement où des bénévoles lisent des ouvrages pour en faire des livres audio, prêtés sous forme de CD. Un certain savoir-faire est requis pour retransmettre un livre avec le débit juste, la bonne articulation, un ton adapté et, accessoirement, un accent qui n’est pas trop prononcé. Avec une moyenne de trente pages lues par heure, lors de sessions hebdomadaires qui durent 1 h 20, ce travail peut prendre des mois, voire un an parfois.
En grands caractères

Ces livres-là ne sont pas réalisés par La Lumière, mais achetés. La taille de la police de caractère est souvent de 19 ou de 20. Les livres en grands caractères s’adressent évidemment aux malvoyants plutôt qu’aux aveugles.
Livres tactiles

Avec un accompagnement, les enfants disposent également de livres tactiles, qui sont une forme d'initiation au braille. Des objets y sont représentés à l'aide de matières et de textures, accompagnés d'un commentaire en braille et en grands caractères. «Par exemple, on ne va pas représenter un mouton avec une matière qui gratte», explique la logopède Lydie Fraymann, mais plutôt avec une texture duveteuse.