Prison, liberté, justice: le spectacle qui peut changer les mentalités
Voilà six ans que Jean-Marc Mahy, ancien détenu, tourne avec «Un homme debout». Une enquête menée avec l’ULg cherche à savoir quel impact a le spectacle sur les étudiants, à propos de questions difficiles: la prison, la liberté, la justice…
Publié le 22-10-2015 à 15h39
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«À la fin de l’année, le spectacle aura déjà été joué à 300 reprises, durant six ans. Pour moi, on peut encore le jouer 5 000 fois, je n’ai pas de problème avec ça», lance Jean-Marc Mahy. L’homme a passé une petite vingtaine d’années en prison. La culture l’a aidé à sortir du trou. Il voulait en parler, en Belgique et à l’étranger, aux jeunes et à tous les autres. Il voulait apporter son témoignage et questionner les mentalités sur la prison, l’enfermement, les peines, la justice, la liberté, lui qui a vécu la réclusion de l’intérieur.
Son projet «Un homme debout», dont le spectacle a été mis en scène par Jean-Michel Van den Eeyden, remporte donc un succès public et critique. «Au bout d’un moment, j’ai eu envie de savoir si ce spectacle avait véritablement un impact. J’ai demandé aux jeunes qui l’avaient vu de me donner leurs impressions. J’ai récolté 8 000 courriers, je me suis retrouvé un peu noyé, ne sachant pas que faire de tout ce matériel», explique-t-il.
L’éduc’acteur, comme il aime se qualifier, s’est alors adressé à la Faculté des Sciences sociales de l’ULg, où les chercheurs Christophe Dubois et Salim Megherbi, accompagnés d’une équipe d’étudiants, ont mené une étude auprès de plus de 2000 élèves et étudiants, histoire de percevoir dans quelle mesure «Un homme debout» et le témoignage de Jean-Marc Mahy avaient pu faire évoluer leur vision de l’enfermement, des peines et de justice.
Interroger les élèves avant et après: leur opinion a-t-elle changé?
«Actuellement, l’enquête est encore assez limitée, nous avons essentiellement interrogé des élèves de Bruxelles. Nous le ferons bientôt dans le Brabant wallon», précise Christophe Dubois. L’étude pourrait s’étendre aux autres régions.
«L’idée consiste à poser une série de questions aux élèves avant qu’ils rencontrent Jean-Marc lors de ses passages dans les écoles, sur le sens de la prison, la liberté conditionnelle, les peines alternatives, le sens de la liberté . Les mêmes questions leur sont posées après qu’ils aient vu le spectacle», poursuit-il. Jusqu’à présent, ce sont des questions ouvertes, l’objectif consistant à systématiser les choses sous forme de questionnaires types.
Le travail titanesque d’analyse des réponses a d’ores et déjà permis d’observer que les perceptions changent sensiblement, une fois que les jeunes ont vu et entendu le vécu de Jean-Marc Mahy. «Beaucoup d’élèves considéraient que la liberté, c’était de pouvoir tout faire. Lorsqu’on les interroge après, beaucoup s’expriment différemment: ils tiennent compte de l’enfermement, se rendent compte des limites de la liberté, expriment leur volonté d’être libres», raconte Jean--Marc Mahy.
La vision de la liberté conditionnelle change sensiblement également, avant et après, de même que le sens même de la prison ou le fait de s’exprimer en faveur de la peine de mort.
«Il faut se rendre compte que pour beaucoup de jeunes, la prison, c’est “Prison Break”. Ils ont plein de stéréotypes en eux. Lorsque je les regarde droit dans les yeux et que je leur dis ce que c’est vraiment, la prison, leur regard change», témoigne Jean-Marc Mahy.
Parler de ces thématiques à l’école, absolument
Plus que le spectacle à proprement parler, c’est toute une dynamique pédagogique que Jean-Marc Mahy, avec l’appui des chercheurs, aimerait encourager. «Je constate que les problématiques de la justice, de la liberté conditionnelle, des victimes ou des peines ne sont quasi jamais abordées à l’école, alors qu’elles sont au cœur de l’actualité et centrales, dans notre société», regrette-t-il.
La mise sur pied de cette enquête coïncide avec l’arrivée de l’encadrement pédagogique alternatif (le fameux «cours de rien») dans les écoles. «Le projet de Jean-Marc a tout son sens dans ce contexte», considère Christophe Dubois. «Il faut saisir l’opportunité qu’il nous tend pour aborder toutes ces thématiques à l’école, d’autant plus qu’elles sont expliquées, pour une fois, par un homme qui a vécu la prison de l’intérieur.» C’est bien cela, la force d’«Un homme debout», qui constitue en réalité bien plus qu’un spectacle.
«Un homme debout» à Liège cette semaine
«Un homme debout» est joué ce jeudi 22 octobre et ce vendredi 23 octobre à 20 heures à la Cité Miroir, à Liège. Les conclusions de l'enquête décrite ci-dessus seront présentées au terme de la représentation de vendredi.
Les prochaines dates de représentation sont accessibles en cliquant sur ce lien.