Le premier Eros center wallon sera-t-il liégeois?
Une journée d'étude sur «l'activité prostitutionnelle» en région liégoise doit permettre de relancer le projet de premier Eros center de Wallonie.
Publié le 21-01-2011 à 06h00
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Il y a un an et demi la ville de Liège donnait un sacré coup de pieds dans la fourmillière de la prostitution en fermant définitivement les salons des rues L'agneau et du Champion. Après les filles des vitrines de la rue Varin, délogées par la nouvelle gare des Guillemins, exit le commerce du sexe dans la cinquantaine de salons du quartier Cathédrale Nord. Outre les prostituées privées de leur lieu de travail, les associations de terrain s'étaient insurgées contre cette éradication de la prostitution visible. Une politique qui, estimaient-t-elles, ne pouvait que renforcer les pratiques clandestines, donc moins confortables et plus dangereuses pour les prostituées.
Maintes fois annoncée, toujours reportée, l'idée de la création d'un Eros Center à Liège était donc née de ce constat : il faut une alternative aux travailleuses du sexe. Ce vendredi, le service de criminologie de l'Université de Liège organise une journée d'étude centrée sur ce projet et «les perspectives pour l'activité prostitutionnelle et sa régulation ». L'occasion, peut-être, de relancer un dossier qui n'a guère avancé depuis que le bourgmestre Willy Demeyer annonçait, en 2009, qu'un promoteur immobilier serait désigné pour construire ce qui pourrait être le premier Eros center wallon. Cinq ans après l'ouverture de la Villa Tinto, l'Éros center flamand installé non loin de l'ancien port d'Anvers.
À Liège, le projet prendrait forme sur un ancien parking appartenant à la ville, dans la rue Varin : un bâtiment avec 25 à 50 salons qui seraient loués par les prostituées, selon le principe des trois pauses.
L'organisation de la prostitution par l'État (donc les villes) étant interdite depuis 1948, c'est une l'ASBL Isatis (Initiative sociale d'aide aux travailleurs indépendants du sexe), constituée en 2009 et regroupant des représentants de la ville, du monde judiciaire et des associations de terrain, qui devrait gérer cet Eros center liégeois. Tandis que la Ville, elle, se porterait garante du prêt (estimé entre 4 et 5 millions d'¤) nécessaire à la construction de l'infrastructure. «Nous sommes à un moment charnière pour remettre en débat un projet qui, nous le savons, suscite la discussion, indique Michaël Dantinne, professeur à l'école liégeoise de criminologie et membre d'Isatis, pour expliquer le moment choisi pour cette journée d'étude qu'il organise. Car soit on décide de le faire et il est temps que les énergies se fédèrent pour prendre une décision avant juin, soit on ne le fait pas.»
"On va renforcer la clandestinité"Association de première ligne dans l'aide aux prostituées et qui revendique un vrai statut pour la profession, Espace P s'est retirée de l'ASBL Isatis qui sera appelée à gérer l'Eros center liégeois. Notamment parce que pour prétendre louer un salon dans ce centre, chaque fille devra s'inscrire sous statut d'indépendante. «Or, on constate que malgré la pression de plus en plus forte du fisc sur le milieu, la moitié des filles ne le font pas, note Quentin Deltour, coordinateur d'Espace P Liège. Ces filles-là, elles vont se retrouver à la rue, dans la clandestinité et on ne s'en préoccupe pas! » Chez Espace P on juge en outre ambiguë la double casquette qu'enfileraient les associations associées au projet : d'un côté organiser le cadre de la prostitution et, d'un autre, aider les filles à en sortir.
«A priori un Eros center peut être une bonne chose, mais à condition que cela soit une alternative supplémentaire et un choix possible pour les filles.» Ce n'est pas le cas, juge Quentin Deltour. Qui craint que la volonté du bourgmestre Alain Mathot de supprimer également le quartier de la prostitution dans sa ville voisine de Seraing ne mette une pression supplémentaire sur l'Éros center liégeois, déjà insuffisant pour accueillir les prostituées de la ville. «Les villes agissent avec un puritanisme irréfléchi en croyant que taper dans la prostitution visible permettra d'éliminer les causes qui poussent les femmes à se prostituer. Cela ne fait que les renvoyer vers plus de clandestinité et les mettre à la merci de proxénètes et maîtres chanteurs. »
REPERESProstitution La prostitution n'est pas une infraction, mais le racolage est condamné par le code pénal.
Proxénétisme Tirer des revenus de la prostitution d'autrui est un délit. On distingue le proxénétisme simple (embaucher une personne majeure; tenir une maison de débauche; vendre, louer ou prêter des chambres ou tout autre local dans le but de réaliser un profit), du proxénétisme aggravé (l'usage de manoeuvres frauduleuses, de violence, de menaces ou de contrainte).
Statut social Les prostituées peuvent choisir le statut d'indépendant et ont également le droit de souscrire une assurance complémentaire pour les risques non couverts par le régime indépendant.
Fiscalité Le proxénétisme étant interdit, les prostituées ne peuvent revendiquer un statut de salariées sous ce statut. Certaines sont donc engagées sous les statuts divers de serveuses, danseuses, masseuses,… Celles qui travaillent sous statut d'indépendant déclarent leurs revenus professionnels. L'administration fiscale admet la déduction des loyers des locaux où elles exercent leur activité dans la mesure où le bail est commercial.