Le cordonnier Claude Wallraf débarque à Hamoir
Le cordonnier Claude Wallraf quitte Esneux pour Hamoir. À 65 ans, après 35 ans de métier, il est un des derniers artisans de la région.
Publié le 20-09-2019 à 10h27
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C'est le genre de commerçant qu'on aime voir arriver dans un village. Le cordonnier Claude Wallraf est installé depuis à peine quelques semaines que déjà, son atelier ne désemplit pas. Après avoir travaillé à Poulseur pendant dix ans puis à Esneux, 25 ans, il s'expatrie à Hamoir, dans l'ancienne boucherie de la place Del'Cour. «J'arrivais en fin de bail. Esneux s'engage dans un chantier de revitalisation de plusieurs années qui va faire souffrir le commerce. Depuis deux ans, je cherchais à être plus proche de Ferrières, où j'habite. Ici, c'est parfait. Je suis sur un axe routier, bien visible. Je me plais bien et l'accueil des gens est incroyable.»
Le Ferrusien, qui exerce depuis 35 ans, est très connu et très apprécié dans la région. «Une bonne partie de ma clientèle d'Esneux m'a suivi mais on vient aussi de tout le Condroz et de la vallée de l'Ourthe…» Il faut dire que les cordonniers comme lui, artisan indépendant, sont en voie de disparition. «Je suis un des derniers de la région. Je pourrais être pensionné mais comme j'ai toujours la pêche, l'enthousiasme et la passion du métier, je continue. Et je crois bien que je mourrai dans mon atelier.»
Le magasin tourne déjà à plein régime… Sur son comptoir, par centaines, il voit défiler sandales, baskets, bottines, escarpins, à ressemeler, coudre, renforcer, polir… L'homme est connu pour travailler vite, bien, et répare tout, que les dégâts soient conséquents ou superficiels. «Je refuse rarement un soulier. Il est toujours réparable. Un bon cordonnier sait fabriquer une chaussure de A à Z. Mon métier, c'est à la fois de la couture, de la maroquinerie et de l'orthopédie.» Le Ferrusien fabrique aussi des ceintures et propose une foule de services: clé, plaque de voitures, dépannage serrurerie. «Ce qui sauve le cordonnier, c'est son activité multiservice.»
Claude Wallraf est bien conscient qu'après lui, il n'y a pas de relève. Du tout. «C'est plus qu'une pénurie. C'est le néant. Je me bats depuis des années pour trouver une solution.» Avec d'autres, il se mobilise pour relancer une formation de cordonnier, alors qu'il n'existe plus aucune école en Wallonie (voir ici-bas). Mais cela prend du temps, de l'énergie… «J'ai également eu quelques apprentis mais ce n'était pas concluant. Les cordonniers encore en activité sont prêts à transmettre mais à qui? Il faut vraiment que les politiques réagissent et rebattent les cartes.» Car il y a urgence. Et on connaît l'adage: les cordonniers sont les plus mal chaussés.
Bientôt une école de cordonnerie ?
Du côté de « Shoefed », la fédération belge de la chaussure et des métiers du cuir, on se bat pour enrayer la pénurie de cordonniers avec un défi prioritaire: relancer une formation en cordonnerie, comme cela s’est fait en Flandre, à Lokeren. En Wallonie et à Bruxelles, c’est toujours le désert, mis à part un établissement pour personnes handicapées situé à Gesves. « Mais ce ne sont pas elles qui vont pouvoir ouvrir un commerce », précise Luc Ramelot, secrétaire de la fédération, bien connu à Huy pour avoir tenu trois magasins de chaussures.
Depuis quelques années, « on bataille depuis 3 ans », la fédération est en contact avec le ministère de l’Emploi et de la Formation pour ouvrir une section via l’IFAPME (Institut wallon de formation en alternance). Le projet tient la route et pourrait être lancé en septembre prochain. « Les IFAPME de Villers-le-Bouillet et de Liège nous ont montré leur intérêt. Nous disposons aussi de cordonniers qui acceptent de venir former. Mais il faut absolument que nous, fédération, trouvions 8 personnes, le minimum pour pouvoir créer une section. On aimerait intéresser des jeunes en apprentissage d’indépendant ou des personnes au chômage. Mais il faut aussi que le gouvernement wallon nous aide. Le ministre Jeholet nous avait promis son soutien. »
Pour 2020-2021, Shoefed espère bien que la filière sera opérationnelle, élément essentiel à la survie du cordonnier. On n’en compte plus que 400 (contre plus de 1000 en 2007) en Belgique dont la moyenne d’âge est entre 55 et 60 ans. « La période est critique avec une relève inexistante alors que la demande s’intensifie. » Le consommateur est en effet de plus un plus sensibiliser à l’achat durable